Si les conditions météorologiques le permettent, le 117e lancement d’une fusée Ariane 5 s’opérera ce vendredi 16 juin 2023. Ultime utilisation du lanceur en fonction depuis 1996, l’occasion de revenir sur un lanceur phare de l’Agence Spatiale Européenne qui a connut des débuts compliqués, grâce à l’interview de Dominique Detain, ancien journaliste à RFO, spécialiste du spatial, inteviewé par nos partenaires de Radio Péyi.
Deux satellites destinés aux communications militaires allemandes et françaises, telle sera l’ultime cargaison d’Ariane 5, reconnue au fil des ans comme l’un des lanceurs les plus fiable de sa catégorie dans l’industrie spatiale. Malgré cette image de qualité, les premiers lancements d’Ariane 5 furent des échecs retentissants, qui ont marqué l’Histoire du territoire.
Le 4 juin 1996, la première fusée Ariane 5, explosait une quarantaine de secondes après son lancement. Une date qui a marqué les esprits, se souvient Dominique Detain : « On était fort de tous les succès des premières Ariane et d’Ariane 4, et on est tombé de haut, car le vol n’a duré que 37 secondes. Beaucoup s’en souviennent, un feu d’artifice en plein jour avec les morceaux qui retombaient. On est tombé de haut. D’autant plus qu’il y avait 4 satellites qui étaient destinés à étudier les interactions entre la Terre et le Soleil, donc des satellites très intéressants, qui ont été perdus et qui finalement ont pu être relancés quelques années plus tard, mais depuis Baïkonour par 2 Soyouz ».
Un électrochoc qui a pris les équipes du Centre Spatial Guyanais (CSG) au dépourvu, accompagné d’une communication désastreuse, se souvient le journaliste : « Donc voilà, on s’en souvient, je pense que beaucoup de gens à Kourou et en Guyane ont été marqué par cet événement, avec en plus un nuage qui se dirigeait du mauvais côté, et il y a eu une très mauvaise communication de la part de certaines personnes, puisque les gendarmes avaient mis un masque à gaz, et disaient au gens de circuler en leur disant qu’il n’y avait pas de danger (…) mais en fait ce n’était pas aussi grave, chacun avait un peu paniqué dans tous les sens ce jour-là ».
Après-coup, les raisons de l’échec seront finement analysés. En cause, un simple logiciel, dont les capacités de traitement n’étaient pas en accord avec le nouveau lanceur : « Tous les essais étaient bons, et ça s’est mal passé. En plus, ça n’était pas du tout sur ce qu’on craignait, parce que la grande nouveauté, c’étaient ces énormes boosters. En fait, c’était un logiciel qui avait été gardé d’Ariane 4. Quand il a eu les données et la trop grande puissance d’Ariane 5, il n’était pas programmé pour. La fusée s’est cabrée au bout d’une trentaine de secondes, elle s’est cassée d’elle-même, et l’ordre de destruction a été envoyé pratiquement en parallèle. Si on regarde les images, on voit qu’il y a pratiquement 2 explosions, celle du lanceur qui se casse, et ensuite quand l’ordre de destruction est envoyé ».
Après les analyses et les corrections, le programme Ariane 5 enregistrera, sur ses 14 premiers vols, deux échecs « totaux » et deux échecs « partiels ». Pour Dominique Detain, c’est une volonté de réaliser des économies pendant le programme, qui est la cause de ce début de carrière chaotique : « Il y a eu donc le 501, le premier lancement qui s’est terminé dans une belle explosion, puis il y a eu le 502, où il y a eu un problème de cavitation, c’est-à-dire que l’étage ne fonctionnait pas correctement, ce qui fait que toute la mission s’est bien déroulée, sauf qu’elle était un peu plus basse qu’attendue. Le 503 ça a été correct, et le 504, on est parti sur le lancement commercial (…) souvent, ces erreurs viennent du fait qu’on n'a pas fait assez d’essais. On est toujours plus intelligent dans le spatial après un échec. On ne peut pas tout imaginer, c’est toujours le choix qui doit être fait, entre faire des économies ou prendre toutes les garanties ».
A l'occasion de la fin du programme d'Ariane, retour sur les succès de ce lanceur européen par notre partenaire Radio Péyi.
Damien CHAILLOT