La haute saison touristique 2024-2025 bat son plein actuellement en Guadeloupe mais la filière est marquée par des défis majeurs. Catherine Cadrot, présidente de l'UMIH Guadeloupe, a partagé avec Outremers 360 son analyse sur la situation actuelle du secteur et les mesures nécessaires pour relancer l'attractivité de la destination.
La saison touristique 2023-2024 a commencé tardivement, avec une activité qui peine à atteindre les niveaux d'avant la crise sanitaire. Habituellement, la haute saison en Guadeloupe s'étend de décembre à avril, mais la baisse de la demande inquiète les professionnels du secteur. « Nous avons une saison qui a démarré tardivement, le 15 décembre, et qui se poursuit en ce moment avec un taux d'occupation entre 70 et 80%», indique Catherine Cadrot, présidente de l'UMIH Guadeloupe.
Un démarrage tardif et des perspectives incertaines
Si les chiffres semblent encourageants,la tendance reste inférieure à celle des années précédentes. Une récente étude de l'Insee fait état, pour l'année 2024, d'un taux d’occupation des établissements hôteliers en baisse pour atteindre 60,1%. « Des chiffres insuffisants », relativise Catherine Cadrot car « tous les socio-professionnels ne répondent pas à la collecte des chiffres de l'INSEE».
De plus, cette tendance « à la baisse» semble s'installer sur la suite de la saison touristique. « L'inquiétude concerne les prochains mois à venir. Là, nous sommes dans l'attente. On note un manque de visibilité sur la fréquentation pour 2025 en raison du retard des ventes dès mi-février. Comment seront remplis les établissements ? Est-ce les effets de la crise internationale ? Le coût du billet d'avion ? ou baisse du pouvoir d'achat ? Pour le moment, on se pose des questions. A la différence des années antérieures, nous n'arrivons pas à nous projeter, il est difficile de lisser notre saison, c'est-à-dire d'avoir un remplissage constant, une fréquentation constante sur l'année. Ce n'est pas le cas actuellement. C'est une tendance que l'on constate aussi dans les hôtels que dans les meublés touristiques. On a besoin de clients sur cette période entre décembre et avril. Il nous faut absolument réussir notre haute saison pour maintenir nos entreprises»
Les raisons de cette stagnation sont multiples selon Catherine Cadrot. « Lors de ce début de saison, il y a eu non seulement l'incidence de l'eau qui dure depuis de nombreuses années et pour lequel faudra vraiment qu'on trouve une solution. Mais il y a eu ce black-out d'EDF qui s'est produit en pleine saison, le 21 novembre. Ces événements qui se passent dans notre territoire interviennent sur la vente à des mauvaises périodes. Depuis plusieurs années, nous sommes embêtés avec cette distribution d'eau qui n'est pas réelle. Tous les établissements investissent sur des citernes pour combler justement ce manque d'eau, mais ce n'est pas une situation normale pour un pays qui se dit touristique, pour un territoire qui se veut touristique. Le coût du billet d'avion a eu aussi une forte répercussion sur les ventes et sur la fréquentation. »
Outre le coût des billets d'avion, d'autres obstacles freinent le développement du tourisme en Guadeloupe. Le secteur fait face à un manque de main-d'œuvre qualifiée. La formation constitue l'une des priorités de l'UMIH Guadeloupe. « Nous nous focalisons actuellement sur la formation, aussi bien de nos adhérents que des salariés, des futurs employés, parce que nous avons une grosse demande de beaucoup de chefs d'entreprise, où ils ont du mal à recruter des gens qualifiés, des personnels qui puissent offrir des services de qualité»
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Diversification et nouvelles opportunités
Face à ces défis du tourisme, l'UMIH mise sur la diversification de la clientèle d'abord. « Nous devons sortir de notre dépendance au marché français, qui représente 80 % de nos visiteurs.Il nous faut élargir nos marchés comme, le Canada, les États-Unis, même parfois l'Amérique du Sud, pour combler justement ce manque de clients européens. Nous avons un autre tourisme à proposer à l'instar d'un tourisme mémoriel, tourisme de patrimoine, historique ou culturel. ce sont d'autres champs pour attirer une autre clientèle»
L'objectif est aussi de développer un «tourisme qualitatif», axé sur des services haut de gamme et une expérience client optimisée. « Notre atout ne sera pas le tourisme de masse comme on l'a dans les autres îles de la Caraïbe, mais un tourisme qualitatif. Il nous faut monter en gamme sur nos produits afin d'attirer une clientèle à fort pouvoir d'achat».
Un avenir à construire ensemble
Pour relancer durablement le secteur, il est nécessaire de structurer une stratégie touristique efficace, en impliquant l'ensemble des acteurs économiques et institutionnels selon Catherine Cadrot.«Une chose est certaine, il faut que nous soyons nous-même acteurs, plus responsables et plus forts pour pouvoir travailler avec les élus. . Nous avons besoin des collectivités et de l'Etat pour améliorer les politiques de l'eau, de l'énergie et même des transports. A l'UMIH, nous avons acté de sensibiliser les professionnels sur le retour des données chiffrées pour co- construire ensemble ( public /privé/administration) l'industrie touristique et augmenter le taux de fréquentation».
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L'UMIH entend jouer un rôle clé dans cette transformation en renforçant la formation mais aussi en défendant les intérêts des professionnels. « En tant que présidente de l'UMIH, mon ambition est que l'UMIH devienne un vrai support technique, social et juridique pour que les professionnels puissent exploiter leurs entreprises de façon très sereine. C'est ce rôle que je souhaite avoir auprès des adhérents de l'UMIH. Nous travaillons actuellement avec les restaurateurs pour qu'ils intègrent l'UMIH. Nous devons travailler sur l'attractivité de nos métiers envers la jeunesse, les demandeurs d'emploi. Il faut remettre en valeur ces métiers-là, qui sont des métiers de rencontre afin de développer un tourisme de qualité et haut de gamme.»
Pour Catherine Cadrot, le chemin vers une attractivité retrouvée passe par des mesures concrètes et une vision commune. «Nous devons mutualiser nos forces et travailler ensemble pour assurer l'avenir du tourisme en Guadeloupe», conclut-elle.