EXPERTISE. Vers l’autonomie alimentaire des Outre-mer par l'AFD

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EXPERTISE. Vers l’autonomie alimentaire des Outre-mer par l'AFD

Dans le cadre des Journées économiques des Outre-Mer le 13 octobre 2022 à Paris, l’AFD a tenu la 7ème conférence Outre-mer, avec l’appui des membres du partenariat CEROM. La souveraineté alimentaire était au coeur des échanges lors de ce colloque. Dans cette expertise, l'AFD revient sur cette thématique et formule quatre recommandations pour atteindre cet objectif. 
 

La crise sanitaire et la guerre en Ukraine ont mis en exergue les risques que représente la forte dépendance des Outre-mer aux importations alimentaires pour un approvisionnement alimentaire continu et à prix abordable. A ce jour, près de 80 % de l’alimentation est importée sur ces territoires dont les productions sont, historiquement, largement orientées en direction des exportations.

Dans un contexte de plus en plus incertain, et conscient des défis auxquels les Outre-mer font face, le Président de la République a fixé, en 2019, un objectif d’autonomie alimentaire dans les DROM à l’horizon 2030. Dans la continuité de cette annonce, le ministère des Outre-mer et l’AFD ont mené, dès 2020, une étude pour une relance décarbonée dans les Outre-mer. Par la suite, une étude approfondie confiée au CIRAD (M. Jacques Marzin) s’est intéressée aux modèles agricoles Outre-mer et à la manière de les faire évoluer pour permettre une plus grande autonomie alimentaire des territoires ultramarins.

Lire aussi : La 7ème conférence Outre-mer AFD-CEROM sur «les Outre-mer en transitions : Défis et visions d'avenir» le 13 octobre

Les défis de l’autonomie alimentaire des Outre-mer

Si les conditions structurelles, notamment démographiques, diffèrent d’un territoire à l’autre, nombreux traits communs caractérisent le secteur agricole et alimentaire des Outre-mer français : une forte contrainte foncière, une vulnérabilité aux aléas climatiques, l’éloignement des centres d’approvisionnement, l’étroitesse des marchés, la faible insertion dans les échanges régionaux, ou encore un profil modelé par l’histoire de la dépendance à l'Hexagone. A cela s’ajoute un modèle qui s’appuie essentiellement sur une économie de plantation dont les produits sont peu compétitifs.

Ces spécificités expliquent le soutien historique de l’Union européenne aux six Régions ultrapériphériques françaises : bien qu’elles ne représentent que 3,2 % de la population française, elles ont reçu, au titre des Fonds Européens Structurels et d’Investissement, près de 8% des financements attribués à la France. Ces aides financières sont majoritairement orientées vers les bananes et la canne à sucre qui mobilisent par ailleurs une large part des ressources en eau et en terres, soit plus du tiers de la surface agricole.

Quelques recommandations politiques au-delà d’un simple soutien à l’offre locale

Les défis en termes de surface agricole disponible et de compétitivité liés à l’isolement ne doivent pas occulter les marges de manœuvre. La sous-consommation de fruits et légumes pourtant disponibles localement, la primeur des aides accordées aux produits d’exportations, l’existence de systèmes agricoles traditionnels qui ouvrent des possibilités de transition vers l’agroécologie en sont des exemples.

Penser l’autonomie alimentaire dans les Outre-mer doit intégrer la question des mutations nécessaires vers des modèles agricoles plus respectueux des personnes et de l’environnement. Ce sujet a été au cœur d’une des sessions de la 7 e conférence AFD- CEROM du 13 octobre 2022 qui portait sur les transitions. Quatre recommandations ont été alors proposées, au-delà d’un simple soutien à l’offre locale :
1. Etablir une politique de la demande orientée vers les produits locaux : grâce notamment à l’éducation alimentaire par le système scolaire ou les médias ; aux incitations à une alimentation variée via des aides sociales ciblées sur des paquets de produits locaux ou des taxations sur les produits à sucre ou édulcorants ajoutés.

2. Le rôle déterminant de la commande publique au travers de la restauration sous la responsabilité des administrations (hôpitaux, cantines, prisons) ou des collectivités (écoles) ; ou du pouvoir des autorités locales à créer des liens entre producteurs et clients locaux en investissant dans des marchés et facilitant l’installation d’entreprises agro-alimentaires travaillant en circuits courts.

3. La nécessité d’avoir une approche par territoire : la concertation locale à l’instar des premiers comités de transformation agricole doit aider à mieux gérer les équilibres et faire évoluer les positions des acteurs locaux dans la recherche de l’autonomie alimentaire et l’affectation des ressources financières, en incluant aussi les banques.

4. Faire évoluer les aides directes de sorte à rendre le système d’aide plus favorable aux productions vivrières en cohérence avec les engagements nationaux vers l’agroécologie auxquels les systèmes traditionnels des outremers empruntent souvent des principes, notamment la valorisation de différents étages écologiques par plusieurs espèces.