La Guadeloupe perd jusqu'à 3.000 habitants par an, plus en raison du départ définitif de Guadeloupéens que d'une baisse de la natalité, mettant la question du retour au pays des natifs au coeur des préoccupations politiques du moment.
Le déclin démographique, entre baisse de population et vieillissement des Antilles françaises et particulièrement de la Guadeloupe, "est dû aux migrations", selon Didier Breton, chercheur à l'Ined (Institut national d'études démographiques), qui a participé aux travaux de l'étude intitulée "Migration, famille et vieillissement", rendue publique cette semaine.
"Si le taux de fécondité en Guadeloupe baisse, comme partout, il reste tout de même élevé. C'est surtout le nombre de femmes en âge de procréer qui diminue", explique Didier Breton, du fait, "d'un creux de naissances il y a 25 ans et de départs".
Les natifs résidents sur l'île en 2020 étaient "près d'un tiers (32%) à avoir fait l'expérience d'une migration de six mois ou plus" et "55% des jeunes natifs de l'île de 18 à 34 ans seraient prêts à la quitter pour un emploi", détermine l'étude, qui rappelle que la "difficulté à trouver un emploi" lors du retour est citée par 42% de ceux qui sont revenus.
L'étude vient actualiser des données vieilles de 10 ans et ambitionne cette fois d'être "un instrument d'aide à l'élaboration et la mise en oeuvre locale de politiques sociales et sanitaires adaptées", notamment le retour au pays de la diaspora.
"Préférence locale à l'embauche"
"Il y a 10 ans, on était déjà dans le dérèglement démographique", analyse Claude-Valentin Marie, sociologue et démographe à l'Ined, évoquant un "retard" dans la gestion du phénomène.
Un problème qui est désormais dans toutes les intentions politiques. En Guadeloupe, ce sont les émeutes urbaines de fin 2021 qui ont mis en évidence un mal-être de la jeunesse, lié notamment à une défaillance cruciale des services publics dans tous les domaines, débouchant sur un nouveau plan interministériel dédié à la jeunesse.
Un an plus tard, l'association Alé Vini, mobilisée sur le sujet, sortait "le livre Madras du retour au pays" avec pléthore de préconisations pour augmenter l'attractivité du territoire: accompagner financièrement le retour, améliorer les services publics locaux, muscler les politiques d'orientation des jeunes, densifier les programmes culturels, etc.
Le 6 juillet prochain, les élus guadeloupéens, signataires avec d'autres politiques d'Outre-mer de l'Appel de Fort-de-France dans lesquels ils dénoncent un "mal-développement structurel à l'origine d'inégalités (...) qui minent le pacte social", présenteront au gouvernement des mesures pour le développement de l'archipel - dont le retour au pays fait partie - lors d'un Comité interministériel des outre-mer (CIOM). "Il existe des marges pour mener une politique volontariste en la matière", notamment avec l'aide de l'agence des Outre-mer pour la mobilité (Ladom) dont les budgets sont "excédentaires depuis quelques années", assurent les élus dans un document établissant ces propositions.
Ils entendent décliner des dispositifs comme la "préférence locale à l'embauche", faire appliquer la loi Égalité réelle entre les Outre-mer et la Hexagone (2017), ou "inscrire le dispositif Cadre avenir (qui accompagne la formation de jeunes gens à des postes de cadres et les aide à rentrer dans leur territoire, NDLR) dans une loi dédiée".
Reste la question du niveau des salaires pratiqués par les entreprises locales. Lors d'une conférence de presse en juillet 2022, le Medef local avait plaidé pour une "exonération sociale" pour concurrencer les niveaux salariaux de l'Hexagone des emplois qualifiés. "Selon notre étude, le retour au pays se fait surtout pour retrouver ses proches et l'attachement identitaire est très fort", souligne Didier Breton de l'Ined, "c'est pourquoi ce déclin démographique, que l'on retrouve dans beaucoup d'endroits du monde, est vécu ici comme catastrophique".
Avec AFP