Carine Sinaï-Bossou, présidente de l’Association des CCI des Outre-Mer (ACCIOM), revient sur une première année de mandat bouleversée par la crise COVID. Dans quelques jours, l’ACCIOM et sa présidente rendront public un Livre blanc de propositions sur le plan de relance. « Nous y ferons des propositions territorialisées, secteur par secteur, afin non seulement de limiter l’impact de la crise mais aussi de reconstruire des économies plus fortes et plus compétitives », explique-t-elle.
Lorsque j’ai été élue à la tête de l’ACCIOM en octobre 2019, les chantiers 2020 de l’association étaient bien tracés : suite aux baisses de ressources qui ont frappé le réseau des Chambres de commerce et d’industrie depuis 2012, nous avions prévu de travailler pendant l’année 2020 à la mise en œuvre des transformations de la loi PACTE dans les CCI d’Outre-Mer. Nous souhaitions notamment déployer l’offre nationale de services du réseau des CCI, une offre normée permettant de garantir la même qualité de service partout en France ; réfléchir à la modernisation de l’organisation, des modes de travail et des outils des CCI ultramarines et enfin moderniser l’ACCIOM afin de lui donner plus de souplesse dans son fonctionnement mais aussi de la rendre plus directement utile au fonctionnement de nos CCI.
La crise de la COVID-19 a bien évidemment chamboulé tout cela. D’abord, dès le début du confinement, nous avons mis en place des cellules d’accompagnement. Mais très rapidement, face à l’ampleur de la crise, nous avons été appelés en renfort des services publics. Le 17 mars, Bruno le Maire demandait à l’ensemble des CCI et des CMA françaises d’être les points de contact de premier niveau des entreprises dans la gestion de crise, afin de désengorger les DIECCTE. En Outre-Mer ce sont des milliers d’entreprises que nous avons accompagnées en les informant des dispositifs auxquels ils avaient droit, en les aidant dans leurs démarches administratives et en les assistant juridiquement.
Cela nous a mis dans une position idéale pour agir en tant que vigie de proximité pour les pouvoirs publics, dans le cadre de notre rôle de corps intermédiaire de l’Etat qui nous amène à défendre les intérêts des chefs d’entreprises des Outre-Mer. Nous avons ainsi pu faire remonter au plus haut niveau, y compris à Paris, les difficultés rencontrées sur le terrain par les chefs d’entreprises. Nos remontées ont permis de faire évoluer plusieurs dispositifs, comme le fonds de solidarité, pour leur permettre de mieux répondre aux besoins. Notre réseau territorial a été l’une de nos grandes forces : face au choc asymétrique de la crise, chaque territoire avait ses besoins et difficultés propres sur lesquels nous avons pu informer l’Etat.
C’est dans ce cadre que nous avons pu réaliser le manque criant de données objectives sur la situation économique. Nos échanges avec l’Etat butaient en effet trop souvent sur un manque de mesure quantitative des difficultés. Les CCI ont donc réalisé plusieurs vagues d’enquêtes auprès de leurs ressortissants qui nous ont permis, par exemple, de réaliser en avril que 32% des chefs d’entreprises guyanais ne connaissaient pas les dispositifs mis en place par le Gouvernement. Nous avons également réalisé une étude de l’impact macroéconomique du confinement que nous avons publiée en deux temps, d’abord un rapport préliminaire fin avril et fin mai l’étude définitive. Ce rapport a alimenté le débat public, à un moment où nous avions besoin de prendre des décisions urgentes mais où la statistique publique n’était pas encore disponible, en montrant l’urgence d’une réponse forte de la part des pouvoirs publics en Outre-Mer : si l’importance du secteur public y a permis de limiter l’impact de la crise, l’impact sur les entreprises y a été plus important en raison de leur fragilité structurelle. Dans certains territoires, l’impact sur les entreprises va ainsi être trois fois plus élevé qu’en hexagone.
A compter du mois d’août, avec les premières ébauches du plan de relance, nous sommes passés à une nouvelle étape de la réponse des CCI à la crise. Pour pouvoir contribuer au plan de relance, nous avons alors mené des ateliers avec des chefs d’entreprises afin de pouvoir rédiger un livre blanc de propositions sur le plan de relance. Si le contexte sanitaire et social dans certains territoires nous a fait prendre un peu de retard, ces propositions seront rendues publiques dans les prochains jours. Nous y ferons des propositions territorialisées, secteur par secteur, afin non seulement de limiter l’impact de la crise mais aussi de reconstruire des économies plus fortes et plus compétitives.
L’année 2021 ne pourra que partiellement être un retour à la normale. Si les chantiers que nous avons mis en pause en 2020 devront être repris, ils ne pourront pas l’être à l’identique. D’autres devront également être lancés pour répondre aux besoins de la période : la formation des jeunes, l’adaptation des normes aux outremer, les délais de paiement des pouvoirs publics, l’accompagnement des entreprises en difficulté sont autant de sujets sur lesquels l’ACCIOM devra travailler dans les mois à venir.