DOSSIER. Chikungunya à La Réunion (2/2) : des moyens de lutte efficaces mais un vaccin qui fait polémique

DOSSIER. Chikungunya à La Réunion (2/2) : des moyens de lutte efficaces mais un vaccin qui fait polémique

Dans ce deuxième volet sur l’épidémie de chikungunya à La Réunion, nous examinons les mesures qui ont été mises en place par les autorités pour combattre la maladie, alors qu’une controverse enfle sur la question de la vaccination après le décès de deux personnes âgées atteintes de comorbidités à la suite d’injections.

 

Bien que le pic épidémique semble être passé, le chikungunya continue de se propager à La Réunion. La lutte anti-vectorielle (LAV), spécialement contre le moustique tigre (Aedes albopictus, vecteur de la dengue, du chikungunya et du zika), demeure donc la priorité en termes de santé publique. À cet effet, la préfecture et l’Agence régionale de santé (ARS) de l’île ont pris toute une série de mesures.

En premier lieu, le niveau 4 du dispositif spécifique ORSEC (Organisation de la réponse de sécurité civile) Arbovirose (qui en compte 5) a été déclenché le 14 mars 2025 par le préfet, sur proposition de Gérard Cotellon, directeur général de l’ARS de La Réunion, du fait de l’augmentation du nombre de cas. Un plan ORSEC a pour objectif de secourir les personnes, de protéger les biens et l’environnement en situation d’urgence. Il se décline aux niveaux départemental, régional et maritime.

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Pour le secteur de la médecine ambulatoire, la capacité de prise en charge aux horaires de garde a été renforcée. Dans le secteur hospitalier, l’ARS indique qu’elle a « délivré des autorisations exceptionnelles de médecine dans les cliniques de soins de suite pour permettre aux établissements publics de santé de disposer de davantage de lits en aval des urgences : 60 lits sont nouvellement ouverts ». En outre, des réunions de coordination des cellules territoriales de gestion des lits sont organisées sous le pilotage de l’ARS. Elles réunissent les établissements publics et privés de santé pour fluidifier les filières de prise en charge.

De nombreuses autres actions ont été mises en place : distribution de moustiquaires pour protéger les publics fragiles ; recrutement d’une centaine d’intérimaires pour le service LAV de l’ARS (lutte mécanique, sensibilisation et traitement insecticide et larvicide) ; doublement du nombre d’emplois aidés à disposition des communes pour le renforcement des équipes dans le cadre de la prévention du risque ; et mobilisation du Régiment du Service Militaire Adapté (RSMA) avec mise à disposition de 120 femmes et hommes intervenant sous la coordination de l’État, avec l’appui de l’ARS, auprès des localités les plus touchées pour des actions de lutte mécanique et de salubrité publique.

La question de la stratégie vaccinale  

En juin 2024, la société franco-autrichienne VALNEVA obtenait une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) auprès de l’Agence européenne du médicament pour le vaccin IXCHIQ contre le chikungunya. Le 5 mars 2025, la Haute autorité de santé (HAS) rendait son avis et recommandait l’utilisation de ce vaccin pour les personnes n’ayant jamais contracté la maladie, en priorité pour les plus de 65 ans, en particulier celles avec comorbidités, puis aux adultes de 18 à 64 ans avec des comorbidités, ainsi qu'aux professionnels exposés, notamment les agents de la lutte anti-vectorielle. Le vaccin IXCHIQ est contre-indiqué pour les immunodéprimés et non recommandé aux femmes enceintes. Cet avis valait pour La Réunion et Mayotte.

À ce jour, selon l’ARS, La Réunion possède un stock de 40 000 doses disponibles, et les opérations de vaccination ont officiellement débuté le 7 avril, « timidement », de l’aveu même d’une note de cet organisme. Mais cette stratégie risque d’être mise à mal. Après « la survenue de deux événements indésirables graves à la suite de la vaccination contre le chikungunya avec le vaccin IXCHIQ », selon un communiqué du ministère de la Santé, dont deux décès « chez des personnes de plus de 80 ans présentant des comorbidités ». Aussi « conformément à l’avis de la HAS, les autorités sanitaires retirent de la cible vaccinale, sans délai, les personnes de 65 ans et plus présentant ou non des comorbidités. La vaccination reste ouverte pour les personnes âgées de 18 à 64 ans présentant des comorbidités. Dans ce contexte, les voyageurs de 65 ans et plus ne doivent pas non plus se faire vacciner avec le vaccin IXCHIQ », précise le texte.

Tout en soulignant qu’un « lien de causalité n'a pas été définitivement établi » entre l’administration du vaccin et les décès, la société VALNEVA a déclaré dans un communiqué travailler « activement de concert avec les autorités réglementaires sur les prochaines étapes ». Mais à La Réunion, la polémique enfle. La sénatrice Audrey Bélim (groupe Socialiste, Écologiste et Républicain) a demandé une commission d’enquête parlementaire, et quatre autres députés exigent « le retrait total et définitif » du vaccin. Au niveau national, le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, Philippe Besset, a appelé à la suspension totale de la vaccination à La Réunion et à Mayotte le temps qu’il y ait une investigation.

Pour sa part, Gérard Cotellon, directeur de l’ARS de La Réunion, a affirmé que « l'arrêt de la campagne de vaccination n'est pas envisagé » (pour les 18-64 ans) car elle peut « amener à une immunité collective ». Le ministre des Outre-mer Manuel Valls a déclaré quant à lui au Grand Jury RTL/M6/Le Figaro/Public Sénat que cette campagne devait se poursuivre, et faire « confiance aux autorités sanitaires ».

 

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PM