DOSSIER. Chikungunya à La Réunion (1/2) : Santé publique France tire la sonnette d’alarme

À La Réunion, le 22 avril, le président Emmanuel Macron et le ministre de la Santé Yannick Neuder assistent à la présentation la lutte anti-vectorielle dans la commune de Saint-Benoît (au centre, Gérard Cotellon, directeur de l'ARS de La Réunion, et à sa droite, Cyrille Melchior, président du Conseil départemental de La Réunion) ©Outremers360

DOSSIER. Chikungunya à La Réunion (1/2) : Santé publique France tire la sonnette d’alarme

Depuis le début de l’année, l’épidémie de chikungunya affecte très durement l’île de La Réunion où l’on enregistre déjà neuf décès, dont un nourrisson. Quels sont les chiffres disponibles concernant l’évolution de la maladie, le nombre de consultations et de cas confirmés, la répartition sur le territoire, les hospitalisations ?... Dans un dossier en deux parties, Outremers 360 fait le point sur toutes ces questions avec les dernières données de Santé publique France. Notre prochain volet sera consacré aux dispositifs mis en œuvre pour lutter contre la maladie. 

Quel est exactement le bilan de l’épidémie qui déferle à La Réunion ? Si elle a commencé en août 2024, cette maladie infectieuse a littéralement explosé depuis le début de l’année 2015. Selon le dernier bulletin de surveillance de Santé publique France (SPF), on comptabilise actuellement « près de 113 000 consultations pour chikungunya estimées sur l’île, dont 20 520 consultations en semaine 15 (du 7 au 13 avril 2025, ndlr) ». 

Depuis le début de l’année, plus de 39 000 cas ont été confirmés, avec quelque 6000 signalements hebdomadaires attestés par analyse biologique ces dernières semaines. « Le nombre de personnes atteintes est très probablement supérieur, les patients ne consultant pas systématiquement. Le nombre de cas confirmés par PCR n’est qu’un indicateur de la tendance épidémique, ne rendant pas compte de la réalité de la population atteinte », précise SPF. L’organisme observe toutefois une stabilisation, même si le niveau de transmission demeure très élevé. 

Depuis la mi-mars, 47 cas graves de chikungunya nécessitant une prise en charge en soins intensifs ont été recensés, principalement chez des personnes âgées ou des nourrissons. « Par ailleurs, 9 décès survenus entre les semaines 11 et 14 chez des personnes de plus 70 ans porteuses de comorbidités ont été classés comme liés au chikungunya. Neuf autres décès sont également en cours d’investigation », rapporte Santé publique France. Pour la semaine du 7 au 13 avril, les passages aux urgences imputés au chikungunya sont en hausse de 21% sur la semaine précédente (350 contre 289). Ces tendances varient selon les centres hospitaliers, mais l’on constate une forte prédominance au CHU Sud, et dans une moindre mesure au CHU Nord.

En ce qui concerne les communes, c’est celle « du Tampon qui a rapporté le plus de cas. Plus de 6500 cas ont été signalés en 2025 dont 327 cas en semaine 15. En semaine 15, c’est la commune de Saint-Denis qui est la plus affectée avec 681 cas recensés suivie de la commune de Saint-Paul (577 cas). (…) Enfin, rapportées à la taille de leur population, en S15, les communes de la Possession et de Trois-Bassins ont le nombre de cas le plus important (93 pour 10 000 habitants) », indique SPF. 

À la mi-avril, on comptait 261 personnes hospitalisées pour plus de 24 heures à cause du chikungunya. Parmi elles, 26% avaient moins de six mois et 44% plus de 65 ans, ces deux tranches de population étant le plus en danger. « La majorité des patients hospitalisés (94%) présentaient au moins un facteur de risque de forme sévère lié à une comorbidité, leur âge ou la grossesse », relève Santé publique France. De fait, parmi les 47 cas graves (présentant au moins une défaillance d’organe) signalés à cette date, il y avait 27 adultes de plus de 65 ans, trois personnes présentant des comorbidités et 17 nourrissons de moins de trois mois. 

SPF souligne également qu’ « une hospitalisation pour suivi de chikungunya au cours de la grossesse a été signalée chez 51 femmes enceintes et 42 nourrissons de moins de 6 mois ont été hospitalisés pour suivi court sans gravité associée ». Ces deux chiffres révèlent l’importance de la prévention. L’organisme de santé publique insiste sur le fait qu’il est « impératif » pour les femmes enceintes de se protéger des piqûres de moustiques, par des répulsifs adaptés à leur condition, et de dormir sous des moustiquaires, la transmission du chikungunya à la naissance ayant potentiellement des conséquences très graves chez le nouveau-né, et une fièvre pendant la grossesse pouvant être abortive. 

Autre recommandation largement connue : lutter contre la prolifération des moustiques en stoppant les collections ou stagnations d’eaux dans les cours et jardins. Enfin, Santé publique France rappelle à toutes fins utiles que « les résultats des sérologies sont difficiles à interpréter. Dès lors, lorsqu’une PCR est réalisée, elle doit être effectuée le plus rapidement possible après l’apparition des symptômes (= syndrome pseudo-grippal - fièvre ≥38,5°C - avec ou sans douleurs articulaires). Seule la PCR (à réaliser jusqu'à J7) permet un diagnostic de confirmation rapide ».

Les moustiques, principaux vecteurs d’épidémies

L’île de La Réunion abrite 12 espèces de moustiques, dont trois vecteurs majeurs : Anopheles arabiensis (paludisme), Aedes aegyptiet Aedes albopictus (arbovirus comme la dengue, le chikungunya et le zika). Le paludisme a été éradiqué en 1979, et Aedes aegypti est désormais limité à certaines ravines. La lutte contre Aedes albopictus, ou moustique tigre, est donc aujourd’hui la priorité en matière de lutte anti-vectorielle (LAV). En 2005-2006, une épidémie de chikungunya a infecté 38% de la population et causé plus de 250 décès, conduisant à un renforcement de la LAV.

Depuis 2017, La dengue circule de manière continue avec des vagues épidémiques particulièrement marquées entre 2018 et 2021. Au mois d’août 2024, un cas autochtone de chikungunya a été détecté. La situation a évolué lentement jusqu’à la mi-février 2025. A la mi-février le nombre de cas a augmenté en suivant une progression exponentielle et en suivant une dispersion géographique atteignant désormais l’ensemble de l’île. (Source : Agence régionale de santé de La Réunion).

 

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PM