Des antennes pour écouter Ariane 6 : L'enjeu de la télémesure

La station de suivi Diane à Kourou ©CNES

Des antennes pour écouter Ariane 6 : L'enjeu de la télémesure

De larges coupoles réparties autour du globe ont joué un rôle essentiel lors du vol inaugural d'Ariane 6 pour recueillir les données envoyées par la fusée afin de prendre son pouls et parfaire ensuite son développement : les antennes de télémesure. 

Ces antennes paraboliques allant jusqu'à 35 mètres de diamètre suivent à la trace la trajectoire de la fusée, qui a effectué deux fois le tour de la Terre à 28 000 km/h mardi, en un peu moins de trois heures. Pour ce premier vol, sept antennes ont été mises à contribution : deux en Guyane, une aux Açores, les autres à Toulouse, aux Bermudes, en Inde et en Australie.

Certaines appartiennent au Cnes, d'autres à l'Agence spatiale européenne (ESA), maître d’œuvre d'Ariane 6, d'autres encore à des agences partenaires, selon Sébastien Brouzes, responsable de « Diane », la station de suivi de l'ESA à Kourou. Complément à ces antennes, une partie des télémesures ont également été recueillies et transmises par un satellite à l'occasion d'une expérimentation avec la Nasa américaine. Mais ce système « reste pour l'instant un complément » aux antennes au sol, « c'est complexe à mettre en œuvre », juge-t-il. 

Avec ces antennes, « on récupère toutes les données envoyées par le lanceur », explique Hélène Escarguel, responsable des moyens de suivi au Cnes, l'agence spatiale française dont dépend le centre spatial guyanais (CSG). Quelque 167 paramètres différents, allant du fonctionnement mécanique, électrique, des fluides aux images des caméras dont a été bardée la fusée, sont contrôlés en temps réel. « Plusieurs milliers d'autres » le seront « en différé », ajoute-t-elle.

Capteurs supplémentaires

Ce sont ces données de télémesure qui ont confirmé le largage des satellites, une heure et six minutes après le décollage d'Ariane 6, signant le succès du lancement. Ce sont elles aussi qui ont indiqué le dysfonctionnement empêchant l'ultime rallumage du moteur Vinci, à l'origine de la déviation de trajectoire en fin de mission. Cette anomalie a empêché la rentrée dans l'atmosphère de l'étage supérieur de la fusée et de capsules embarquées.

« Je suis impatient d'avoir toutes les données et tous les experts vont travailler à mieux comprendre ce qu'il s'est passé », a confié à l'issue du vol Martin Sion, le patron du constructeur de la fusée, Arianegroup. Avant même le vol, « avec l'évolution de la puissance de calcul, on a amassé plus de données sur Ariane 6 que sur l'ensemble du programme Ariane 5 », qui a volé pendant 27 ans, indique Franck Huiban, responsable des programmes de lanceurs civils chez Arianegroup.

Mais s'agissant du premier vol d'un nouveau lanceur, des capteurs supplémentaires ont été installés sur la fusée pour amasser le maximum de données. Comme Ariane 6 ne transportait pas de satellite commercial, une fois faite la démonstration de la mise en orbite des micro-satellites, la fusée a continué à voler pendant deux heures pour une phase d' « expérimentation ». 

Celle-ci était destinée à « amasser autant d'informations que possible » sur le comportement de la fusée « en phase de microgravité », impossible à tester au sol, selon Martin Sion. Alors que les responsables du spatial européen se sont fixés comme objectif d'être en capacité de lancer Ariane 6 tous les 15 jours, le premier vol « opérationnel » d'Ariane 6 n'aura lieu qu'en fin d'année, avec un satellite militaire français. Le temps de décortiquer les monceaux de données recueillies lors du vol inaugural.

Avec AFP