Depuis Dakar, le Guadeloupéen Jérémie Petit pense les Industries Culturelles et Créatives de demain

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Depuis Dakar, le Guadeloupéen Jérémie Petit pense les Industries Culturelles et Créatives de demain

Il se définit comme un entrepreneur à temps plein et un musicien à temps partiel… Jérémie Petit est pourtant bien plus que cela. En 20 ans, le Guadeloupéen est devenu l’un des visages incontournables des Industries Culturelles et Créatives (ICC) du Sénégal. Président de la Commission ICC du Conseil National de l’Entrepreneuriat depuis septembre 2024, il a également été nommé, en mars 2025, à la tête de la même commission au sein de la Chambre des investisseurs européens. Son objectif ? Faire des ICC un levier d’influence pour le continent. Depuis Dakar, Jérémie Petit pense, structure et connecte les univers, avec en ligne de mire le rayonnement culturel de l’Afrique dans le monde.

 

C’était en 2004. Jérémie Petit foulait pour la première fois le sol du continent africain. À l’époque, il est artiste, mais aussi producteur et réalisateur, évoluant en région parisienne, où il a grandi. De ses parents guadeloupéens, il hérite de l’amour des autres et de fortes valeurs familiales. De sa jeunesse, il gardera l’envie de réussir et de saisir les opportunités. C’est fort de cet esprit qu’il pose ses valises pour la première fois au Sénégal, dans le cadre de la réalisation d’un clip. Après plusieurs allers-retours, la connexion s’impose. Sur ce territoire, riche de rencontres et d’énergies, il décide de s’installer. Depuis, il a fondé la société de production audiovisuelle Oxygen Africa ainsi que le label African Victory. Parmi les marques accompagnées par « l’Oxygen des marques » : Orange, Samsung ou encore H&M.

Sa trajectoire bascule dans une nouvelle dimension en septembre 2024, avec sa nomination à la présidence de la Commission ICC du Conseil National de l’Entrepreneuriat du Sénégal. En mars 2025, il prend les rênes de la même commission à la Chambre des investisseurs européens. Derrière ces rôles, une même ambition : structurer les ICC comme levier central du développement économique sénégalais. « Ce ne sont pas des disciplines périphériques. Elles génèrent de la valeur, de l’emploi, du récit. Elles sont au cœur de l’influence et de la diplomatie culturelle », plaide cet acteur de la culture. À travers ces deux instances, il veut bâtir des ponts entre le tissu entrepreneurial local et les investisseurs internationaux, et replacer les artistes, producteurs, auteurs au centre de la stratégie nationale. Sa méthode : connecter les univers, mobiliser les institutions, avec une boussole constante : faire de la culture un vecteur de souveraineté et de rayonnement pour l’Afrique.

La culture comme porte-drapeau

Derrière les deux dernières nominations de Jérémie Petit, une reconnaissance institutionnelle de son engagement. « Ce n’est pas anodin. Le président du CNE m’a appelé un jour, et avec les membres du Conseil, ils m’ont confié la présidence de la commission ICC. Peu après, à la Chambre des investisseurs européens, on m’annonce la création d’une nouvelle commission sur ce même champ. Et là encore, on me propose d’en prendre la tête. Ça m’a confirmé qu’il y avait une attente, une conscience nouvelle de l’importance stratégique des ICC pour le Sénégal. » Ces nouvelles responsabilités, il les prend très au sérieux. « Je travaille à créer un pont entre ces deux entités. Mon idée, c’est que la force institutionnelle du CNE, ancrée dans le tissu local, et le réseau européen de la Chambre puissent s’enrichir mutuellement. L’un doit bénéficier à l’autre. On ne peut pas bâtir l’avenir des ICC dans des silos. Il faut des passerelles. » En effet, pour lui, la culture et la créativité sont des leviers économiques majeurs et doivent être considérées comme tels. « Je le dis souvent : les ICC, c’est le ministère de l’image d’un pays. On parle de soft power, mais c’est bien plus que ça. C’est de la diplomatie, du tourisme, de l’influence, de l’emploi. Quand on entend une chanson sénégalaise à la radio, qu’on voit un film, qu’on goûte une cuisine locale dans une série ou qu’on découvre un lieu dans une pub, ce sont des éléments concrets qui déclenchent du désir, de l’intérêt, de la consommation, voire de l’installation. C’est un secteur transversal. »

À l’instar du Nigeria ou de la Côte d’Ivoire, Jérémie Petit espère que de nouvelles stratégies vont être déployées à l’échelle de l’État. « On a vu les industries créatives du Ghana ou du Nigeria peser dans les festivals, les classements, les tendances mondiales. Et le Sénégal ? Il a tous les atouts. Mais il faut structurer, accompagner, financer, visibiliser. C’est le rôle de ces commissions. »

Itinéraire d’un citoyen du monde

Des ponts, Jérémie Petit espère aussi en construire entre le Sénégal et le reste du continent africain, mais aussi avec l’Europe et les territoires ultramarins. « Je pense que le lien entre les Outre-mer et le continent doit se renforcer. Il y a des histoires communes, une sensibilité partagée, des savoir-faire qui se répondent. Mon rôle, c’est aussi de montrer que tout le monde a sa place dans cette conversation. » Derrière ces discours tournés vers les autres et vers le monde, un parcours intime : celui d’un homme qui a trouvé sur le continent africain un profond ancrage. Ces identités multiples, des Antilles à la banlieue parisienne, en passant par l’Afrique, Jérémie Petit les revendique. « Je crois profondément que mon parcours m’a construit comme ça : un être tissé de plusieurs mondes, de plusieurs langages, de plusieurs rythmes. » En région parisienne, ces cultures se croisent. Sa musique l’emmènera encore plus loin. « Je n’étais pas prédestiné à l’entrepreneuriat. Mais la musique m’a conduit là. Il fallait produire, organiser, défendre nos projets. Et petit à petit, j’ai découvert un autre monde : celui de la production audiovisuelle. Quand je suis arrivé au Sénégal pour la première fois, j’ai ressenti quelque chose de fort. Une énergie brute. Je suis revenu l’année suivante. Puis encore l’année d’après... » En 2009, il s’installe à Dakar. Trois ans plus tard, il fonde la société de production audiovisuelle Oxygen Africa. « J’ai senti que je pouvais bâtir, créer, proposer. Il y avait tout à faire, et ça me galvanisait. Le Sénégal est devenu chez moi. »

 Une vision sur le long terme

Pour Jérémie Petit, les prochaines années seront déterminantes. Avec Oxygen Africa, il compte développer de nouvelles orientations vers la fiction, les séries, les formats documentaires. « On veut raconter nos histoires. Nos véritables histoires. Celles qui ne passent pas par le prisme de l’exotisme ou de la pauvreté. Des récits modernes, complexes, drôles, puissants. Des histoires africaines et caribéennes qui parlent au monde. » Avec le label African Victory, il veut impulser d’autres dynamiques musicales. « Ce label doit permettre de créer des œuvres musicales qui nourrissent nos projets audiovisuels, qui accompagnent nos films, nos campagnes. La musique fait partie intégrante de notre vie. »

Il regarde également vers les grands rendez-vous à venir, avec notamment les Jeux Olympiques de la Jeunesse de 2026, organisés pour la première fois sur le continent africain, au Sénégal. « C’est un moment clé. Il va falloir raconter cet événement, le documenter, le mettre en lumière. Et je veux que mon expertise soit utile à ça. Qu’on puisse porter une narration forte, authentique, valorisante. »

Cette quatrième édition des Jeux Olympiques de la Jeunesse se tiendront pendant deux semaines, fin octobre 2026. L’occasion pour tous ceux qui y participeront de s’accomplir à travers un rendez-vous unique et historique. « Je crois beaucoup à la notion de destin. Ce n’était pas écrit que je sois ici, mais tout m’y a conduit. Et aujourd’hui, je veux faire fructifier tout ce que j’ai reçu. Pour les autres. Pour les jeunes, pour ceux qui cherchent encore leur place. »

Abby Said Adinani