Les rotations aériennes vers les communes isolées de Guyane ont repris, après deux mois d'arrêt. Mais pour les habitants de l'est du plus grand département de France, enclavés physiquement, économiquement et administrativement, le retour de l'avion ne change presque rien au quotidien.
Les 2.000 habitants de Camopi, plus importante commune amérindienne de Guyane, installée sur les berges du fleuve Oyapock frontalier du Brésil, sont habitués à se sentir isolés.
La liquidation d'Air Guyane, fin septembre, a relégué leur commune, desservie depuis deux ans par les airs, à 5h30 de pirogue, une heure de piste cahoteuse et trois heures de route de Cayenne, où se concentrent administrations et services publics. Contre 45 minutes en avion pour rejoindre le chef-lieu de Guyane, distant d'environ 500 kilomètres. "Mais si cet arrêt de la desserte arienne a eu un impact fort sur les missions des structures étatiques et le corps enseignant, le constat n'est pas le même pour les habitants qui prenaient très peu l'avion", explique à l'AFP Marion Jacquelin, la responsable développement à l'antenne de Camopi du Parc amazonien de Guyane. "Ca n'a pas changé grand-chose", confirme Awcé Appolinaire, gestionnaire d'une coopérative qui accompagne les habitants vers l'économie formelle.
"Les habitants empruntaient peu l'avion à cause du prix, 150 euros l'aller-retour": un tarif prohibitif alors que plus de la moitié de la population guyanaise vit sous le seuil de pauvreté, en particulier dans l'Est, la région la moins peuplée et la moins développée du département. "Il existait bien un tarif résident, avec des billets à moitié prix, mais personne ne connaissait ce dispositif", poursuit Awcé Appolinaire, qui dit avoir accompagné "112 personnes en deux ans" à obtenir ces aides à la mobilité mises en place au nom du principe de continuité territoriale.
Système D
En règle générale, les habitants de Camopi se servaient même de ces bons uniquement pour effectuer le trajet aller.
"Au retour, la majorité prenait la pirogue car l'avion était très limité en poids", explique Awcé Appolinaire.
L'appareil de 12 places qui assure à nouveau les rotations, depuis qu'un groupement de trois compagnies aériennes a relancé mardi dernier les vols réguliers le temps qu'une solution pérenne soit trouvée par la Communauté territoriale de Guyane (CTG), n'a pas augmenté les capacités d'emport.
Chaque passager peut transporter sept kilos maximum, au risque de devoir payer des surplus ou de voir son bagage refusé. Les pistes en latérite de l'intérieur guyanais, longues de seulement 800 mètres, ne permettent pas aux gros appareils de se poser.b"Alors, quand les Camopiens vont sur le littoral, pour des démarches ou pour raison médicale, ils en profitent pour acheter pas mal de choses car c'est bien moins cher là-bas. Et ils font le retour bien chargés en pirogue, peu importe la dangerosité du fleuve", relate Yves Renaud, un entrepreneur local à la tête d'une société de transport de 17 pirogues.
Le coût de la vie, supérieur en Guyane de 40% à celui de l'Hexagone, est encore plus élevé dans les communes de l'intérieur en raison des difficultés d'approvisionnement. Dans l'une des deux supérettes du bourg de Camopi, un litre d'eau minérale coûte entre quatre et huit euros et un paquet d'un kilo de lessive peut dépasser 20 euros, a constaté un journaliste de l'AFP."Tout ce que tu trouves à 20 centimes à Saint-Georges (dernière ville reliée par la route à Cayenne, ndlr), ils le revendent ici trois fois plus cher. L'essence est à trois euros le litre", souffle Siméon Monerville, 29 ans, le chef coutumier du peuple autochtone Teko à Camopi.
Alors dans cet avant-poste de l'Amazonie française, le système D fait loi et les habitants s'approvisionnent "en face, côté brésilien, à Vila Brasil", poursuit-il, déplorant alimenter cette base arrière de l'orpaillage illégal, "le fléau numéro un de notre communauté". "Mais on n'a pas le choix, ce n'est pas de gaieté de coeur qu'on le fait. À nous d'encourager l'entrepreneuriat local pour moins dépendre d'eux".
Avec AFP