Crise aux Antilles : Lecornu arrivé en Martinique après un dialogue de sourds en Guadeloupe, où 70 gendarmes mobiles et 10 membres du GIGN sont envoyés

©Twitter / Sébastien Lecornu

Crise aux Antilles : Lecornu arrivé en Martinique après un dialogue de sourds en Guadeloupe, où 70 gendarmes mobiles et 10 membres du GIGN sont envoyés

Le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu est arrivé en Martinique lundi soir après une visite de 24h en Guadeloupe, achevée par un dialogue de sourds avec l'intersyndicale et où le gouvernement envoie des forces de sécurité intérieure supplémentaires pour faire face à la violence durant la crise sociale. Le ministre a annoncé l’envoi de 70 gendarmes mobiles et 10 membres du GIGN.

Sébastien Lecornu a atterri lundi en début de soirée en Martinique, a-t-on appris auprès de son entourage, deuxième et dernière étape d'un court séjour destiné à apaiser les tensions et tenter de sortir de la crise sociale traversée par les deux îles des Antilles, distantes de 120 km et marquées par un fort taux de chômage, en particulier chez les jeunes. Il doit être de retour mercredi à Paris.

Lundi en Guadeloupe, où il était arrivé la veille, les discussions avec l'intersyndicale et les élus locaux ont tourné court. Le ministre a jugé qu'aucune discussion n'était possible tant que les syndicats « ne veulent pas condamner des tentatives d'assassinat contre des policiers et des gendarmes », un « préalable pourtant évident et indispensable ». Sa rencontre avec quatre représentants syndicaux de l'UGTG et FO s'est donc résumée à une simple remise de « documents de revendication ».  

70 gendarmes mobiles et 10 membres du GIGN supplémentaires 

Réclamant une « prise de conscience » face aux violences, Sébastien Lecornu a annoncé lors d'un point presse l'envoi d'un escadron de 70 gendarmes mobiles et 10 membres du GIGN supplémentaires, pour « tenir ». « Lorsqu'on tire et qu'on arrose au 9 millimètres dans les rues », c'est « un miracle qu'un enfant de 9 ou 10 ans » ne se soit pas « retrouvé sous ces balles », a-t-il insisté. « Tout va être mis en œuvre pour libérer les barrages » qui entravent encore par endroits la circulation sur l'île « et les renforts participent de ça », a poursuivi Sébastien Lecornu.  

« Il y a des barrages sur lesquels des bouteilles de gaz ont été installées, il faut le dire », déplore Sébastien Lecornu. Pour le ministre, les responsables syndicaux jouent un rôle considérable dans la crise, en voulant « chercher des amnisties pour celles et ceux qui ont voulu délibérément assassiner des policiers ou des gendarmes ». Ces personnes, dit-il, participent à une « jonction dangereuse entre ce qu’il se passe la nuit et la journée » lors du mouvement social. Le ministre voit là « une des grandes différences avec ce qu’il se passe en Martinique », où « la situation n’est en rien comparable ». 

En Guadeloupe, « plus de 120 interpellations » ont été réalisées depuis le début de la crise, fait savoir le ministre. Et « l’autorité judiciaire a enregistré en une semaine une activité équivalente à trois ou quatre mois ordinaires ». « Il nous faut tenir, permettre aux forces de l’ordre de se régénérer » et « procéder aux déblocages ». « Nous continuons ces renforts parce que la situation est tendue », a-t-il poursuivi.

Et « je veux tordre le cou à ces caricatures disant à un problème social vous répondez par le RAID et le GIGN. Stop et assez de ces caricatures ! », réclame le ministre. « Lorsqu’on se précipite sur un scooter, qu’on s’arrête le long d’une portière d’un véhicule de police et qu’on cherche à vider son chargeur dans la tête d’un fonctionnaire de police ou d’un militaire de la gendarmerie, ça n’a rien à voir avec un pompier ou un soignant qui n’est pas d’accord avec l’obligation vaccinale ». Lundi, le Collectif des socio-professionnels, qui rassemble plusieurs corps de métiers très différents (transporteurs, taxis, BTP, tourisme), a menacé d' « une action » d'ici 24 heures s'il n'était pas invité aux négociations. Le collectif avait barré la Guadeloupe durant trois jours en février. 

Rapport de forces

Né du refus de l'obligation vaccinale pour soignants et pompiers, le mouvement s'est étendu à des revendications politiques et sociales, notamment contre la vie chère, et a occasionné des violences, pillages et incendies, comme en Martinique. Les deux îles sont placées sous couvre-feu. Le préfet de Guadeloupe a prolongé le couvre-feu sur l’île jusqu’au 5 décembre

Côté syndicats, la délégation estime que Sébastien Lecornu « n'est pas venu pour négocier, mais parce qu'il a été forcé par le rapport de forces que nous avons installé ». Maïté Hubert-M'Toumo, de l'UGTG, rappelle leurs revendications « prioritaires » comme « l'arrêt des suspensions des personnels et professions libérales » non-vaccinés, la « suspension des condamnations des personnes pour les violences », et un « plan d'urgence pour la qualification des jeunes et les conditions de travail des familles guadeloupéennes ».

Alors que de nombreux domaines sont gérés par les collectivités territoriales (distribution d'eau, voirie, transport, environnement, formation professionnelle), Sébastien Lecornu a également placé les élus locaux face à leurs responsabilités. « Je veux bien me faire engueuler pour des choses que l'État n'a pas faites avant même que nous soyons au pouvoir (...), ce qui est compliqué c'est de se faire engueuler pour des choses dont l'État n'est pas responsable », a-t-il affirmé.

« Il faut que chacun soit à sa place dans ce territoire », a ajouté le ministre, qui avait déclaré vendredi que le gouvernement était « prêt » à « parler » de davantage d'autonomie pour la Guadeloupe. Plus tôt, les élus locaux guadeloupéens avaient décidé de ne pas se rendre à une rencontre prévue avec le ministre, qui a néanmoins participé à une visioconférence avec 16 maires de l'île. « Nous ne voyons pas cet état d'esprit d'apaiser la situation et de faire en sorte que les conditions soient réunies » pour sortir de crise, a indiqué Guy Losbar, ex-président du département dont l'élection a été annulée, pour justifier le refus des élus locaux. 

Sébastien Lecornu rencontrera également en Martinique les élus locaux et l'intersyndicale, qui ont signé avec l'État un « accord de méthode » pour tenter de sortir de la crise. Sept thématiques (santé, jeunesse, vie chère dont prix des carburants et du gaz, transports, chlordéconomie, pêche, culture) doivent faire l'objet de discussions. « La situation n'est en rien comparable entre la Guadeloupe et la Martinique puisqu'en Martinique, (les) préalables républicains » aux négociations « ont été remplis par les élus et l'intersyndicale » a estimé Sébastien Lecornu.

Avec AFP.