Les élus de Guadeloupe ont demandé samedi la venue d'une délégation interministérielle au sujet des « compétences de l'État » après que le gouvernement a mis sur la table la question de l'autonomie de l'île, secouée comme sa voisine la Martinique par une explosion sociale qui a de nouveau occasionné des violences.
« S'agissant des compétences de l'État, ils exigent la venue en Guadeloupe d'une délégation interministérielle permettant d'apporter des réponses aux problèmes des Guadeloupéens, en lien avec les propositions des élus », ont indiqué les élus guadeloupéens dans un communiqué. « Les élus rappellent que la question de la domiciliation locale du pouvoir de décision doit être abordée de manière concertée », ont-ils ajouté.
Vendredi, dans une allocution télévisée aux Guadeloupéens, le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu a affirmé que le gouvernement était « prêt » à évoquer la question de davantage d'autonomie si cela pouvait permettre de « résoudre les vrais problèmes du quotidien des Guadeloupéens ». Selon lui, la question a été posée « en creux » par « certains élus » lors des négociations des derniers jours à la suite de l'éruption, il y a une dizaine de jours, d'un mouvement de contestation émaillé de violences, dégradations, pillages, incendies et blocages routiers.
Né du refus de l'obligation vaccinale des soignants et pompiers, il a embrassé des revendications multiples, sociales, économiques et identitaires.
Proposition critiquée
La proposition de Sébastien Lecornu a été immédiatement pilonnée par l'opposition de droite et d'extrême droite qui a dénoncé un recul ou un lâchage, voire une tentative « d'acheter les indépendantistes radicaux » pour la candidate RN à la présidentielle de 2022 Marine Le Pen. A gauche, Jean-Luc Mélenchon (LFI) a jugé « stupéfiante » la « réponse de Macron » et appelé à ne parler statut que « le moment venu », la résolution de l' « urgence sociale et sanitaire » étant prioritaire selon lui.
La question de l'autonomie est « hors sujet », a de son côté tranché Elie Domota, porte-parole du collectif syndical LKP, sur LCI, soulignant que les manifestants n'ont « jamais été entendus » sur leur revendication de « négociations sur l'obligation vaccinale et sur le pass sanitaire ». Le ministre « fait ça pour nous faire peur, pour qu'on reste tranquille ! Nous on ne lui a jamais parlé d'autonomie ! » même si « les décideurs locaux (doivent pouvoir) prendre des décisions sans passer par la France » a critiqué de son côté Danielle, 63 ans.
« Car ce qui est bon pour la France n'est pas forcément bon ici, et vice-et-versa », résume-t-elle, rencontrée samedi dans une nouvelle manifestation, partie du CHU de Pointe-à-Pitre, pour demander la levée totale de l'obligation vaccinale pour les soignants et pompiers. 2 000 à 3 000 personnes étaient présentes, certaines brandissant des pancartes « La liberté ne s'injecte pas », « Fouté nou la Pé » ou encore « Liberté ».
La mobilisation s'est donc poursuivie au lendemain des annonces du gouvernement qui, pour sortir de cette crise, a reporté au 31 décembre l'application de l'obligation vaccinale. Il a aussi proposé la levée de la suspension des personnels non vaccinés et de leur rémunération pour ceux qui acceptent un « accompagnement personnel », en vue notamment d'un reclassement.
Tirs par arme à feu
En Guadeloupe comme en Martinique, distante de 120 km et qui a été gagnée par la contagion, la situation reste instable avec des barrages filtrants ou hermétiques, parfois démontés par les forces de l'ordre avant d'être remontés par les manifestants, ont constaté des journalistes de l'AFP. Les forces de l'ordre ont de nouveau essuyé des tirs par arme à feu en Guadeloupe dans la nuit de vendredi à samedi, sans qu'il n'y ait de blessés, selon la préfecture.
La préfecture de Martinique a recensé des « événements d'une particulière intensité à Schœlcher et Fort-de-France (destruction d'une station-service ainsi que celle d'un bureau de poste) ». « Quatre gendarmes ont été blessés, notamment au visage, par des tirs de plombs », selon le parquet de Fort-de-France.
« Des individus ont pénétré à la police municipale de Fort-de-France et ont volé des gilets pare-balles, donc très clairement aujourd'hui nous savons que certaines personnes cherchent à se protéger, face à nous, et nous craignons le pire maintenant », s'inquiète Jimmy Hellénis, secrétaire départemental Unité SGP Police FO.
Vendredi soir, un accord est intervenu en Martinique, après onze heures de discussions, entre le préfet, l'intersyndicale et la collectivité territoriale pour définir les modalités des négociations qui doivent s'ouvrir lundi matin. « Il s'agit vraiment d'un accord de méthode. Le mouvement n'est pas fini », a toutefois déclaré à l'AFP une source syndicale. Douze arrestations ont eu lieu en Martinique et quatre en Guadeloupe, selon les préfectures. Les deux îles restent sous couvre-feu.
Avec AFP.