Cinq pratiques culturelles ou éléments patrimoniaux typiques des territoires ultramarins parmi les vingt-sept inscrits en 2023-2024 à l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel (PCI) ont été mis à l’honneur au cours d’une cérémonie qui s’est tenue ce lundi au ministère de la Culture, en présence de Rachida Dati. Une manière de mettre en lumière et de tenter de sauvegarder ces biens communs, reconnus pour leur caractère vivant, inclusif et transversal qui constituent un véritable moteur de cohésion sociale et dynamisent la vie locale. Une cérémonie appelée à se renouveler annuellement.
Lancé en mars 2008, l’inventaire national du Patrimoine culturel immatériel est un dispositif participatif de reconnaissance et de sauvegarde qui découle de la ratification par la France en 2006 de la Convention de l’UNESCO pour la sauvegarde du PCI d’octobre 2003. Sa mise en œuvre a été confiée au ministère de la Culture. Le PCI ou « patrimoine vivant » désigne les pratiques sociales et culturelles transmises de génération en génération au sein d’une communauté ou d’une région. Il peut s’agir de savoir-faire artisanaux, de musiques, de danses, de fêtes et carnavals ou encore de savoir-faire culinaires, de jeux, de sports traditionnels ainsi que de connaissances liées à la nature.
Témoin de la diversité culturelle, le PCI établit ainsi un pont entre patrimoine matériel et naturel. Sur les 546 pratiques culturelles incluses depuis le début dans l’Inventaire national du PCI, 16 concernent la France entière, toutes les autres ont un ancrage territorial spécifique. Ainsi, pour les années 2023 – 2024, ce sont 27 éléments patrimoniaux qui ont été inscrits à l’Inventaire national du PCI et parmi eux, 5 sont issus des territoires ultramarins. Il s’agit de « Rod Lo Gèp » ou la chasse des nids de guêpes à La Réunion, du Mbiwi et de l’art de la poterie traditionnelle à Mayotte, du « Véyé asi Granfon », jeux et traditions de veillée de Grands-Fonds en Guadeloupe et de la construction navale vernaculaire en bois, l’art de la charpenterie de marine : le doris de Saint-Pierre-et-Miquelon.
- « Le Rod Lo Gèp » ou la chasse des nids de guêpes
La chasse des nids de guêpes en français est une pratique regroupant les savoirs et savoir-faire relatifs à la recherche et au prélèvement des nids de guêpes papetières, la consommation de leurs larves voire de leur vente à La Réunion. Les pratiquants de cette chasse sont appelés les « Rodèr ». Pratique ancienne et populaire, elle fait partie du patrimoine culturel de l’île. Une patrimonialisation qui s’est faite au fil du temps pour devenir un des aspects de l’identité culturelle réunionnaise notamment dans la gastronomie.
- Le mbiwi de Mayotte
Le mbiwi est un art musical et chorégraphique féminin du patrimoine immatériel mahorais. Ce sont deux bâtonnets en bambou – mbiwi – utilisés comme instruments de percussion en les faisant s’entrechoquer, qui donne leur nom à cette pratique. Le mbiwi ouvre par excellence la cérémonie de mariage et en ponctue les différentes étapes. Il s’agit d’un défi chorégraphique entre deux femmes qui piétinent sur place de manière rétrécie et leste. La gagnante est celle qui danse le plus longuement. C’est une pratique apparentée à d’autres danses et chants similaires pratiqués en Afrique, notamment aux Comores et à Madagascar.
- L’art de la poterie traditionnelle à Mayotte
La poterie traditionnelle de Mayotte est constituée d’ustensiles ménagers et de cuisine, d’objets décoratifs et de rituels. C’est le savoir-faire artisanal porté par une communauté mixte présente sur Petite-Terre et la moitié sud de la Grande-Terre. Les praticiens tiennent leurs savoirs de leurs familles ou d’un fundi et continuent de transmettre de génération en génération, soit au sein des familles, soit depuis quelques années au sein d’associations qui ont pris le relais en organisant des ateliers lors de manifestations de valorisation des patrimoines culturels (festivals, expositions…). Les poteries sont fabriquées à partir de l’argile et au moyen de matériaux rudimentaires bio- sources (bois, feuilles de cocotier, coquillage), servant d’outils de façonnage, et géo-sources (terre crue et argileuse) servant à créer des objets. La principale technique employée à Mayotte est le façonnage.
- « Véyé Asi granfon », jeux et traditions de veillée funéraires des Grands-Fonds en Guadeloupe
Les veillées mortuaires organisées le soir du décès d’un habitant de la région des Grands-Fonds en Grande-Terre en Guadeloupe sont l’occasion de chants, de jeux d’agilité et de vigilance, de jeux de mots ainsi que de devinettes qui témoignent d’une identité régionale singulière. Ces jeux et devinettes visent à distraire la famille endeuillée de son chagrin et à renforcer les liens de solidarité. La musique traditionnelle de veillée dans les Grands-Fonds n’admet aucun instrument de musique, sinon le chant de veillée proprement-dit qui est accompagné de battements de mains et de bouladjel ou banjoguita. Les objets utilisés (matière végétale, cailloux, machette…) sont issus de l’environnement quotidien et soulignent le caractère rural de cette pratique.
- La construction navale vernaculaire en bois, l’art de la charpenterie de marine : le doris de Saint-Pierre –et-Miquelon
Le doris de Saint-Pierre-et-Miquelon destiné à la petite pêche est dérivé des doris des Bancs. Jusqu’au milieu des années 80, les constructeurs de doris appartenaient à un groupe d’artisans spécialisés et reconnus qui pratiquaient leur activité constructive en même temps que la pratique de la pêche. Il n’y a plus de constructeurs professionnels de doris dans l’archipel. Le doris de Saint-Pierre-et-Miquelon, élément identitaire fort de l’archipel, est devenu un objet patrimonial et de loisir.
Ce sont les représentants de ces 5 pratiques culturelles spécifiques de ces territoires ultramarins inscrits en 2023- 2024 à l’Inventaire national du PCI qui ont reçu, au cours d’une cérémonie de célébration au ministère de la Culture, leurs certificats de reconnaissance des mains de Rachida Dati. La ministre de la Culture a, à cette occasion, a souligné « la richesse sans pareil pour notre pays » que représente le patrimoine culturel immatériel parce que, a-t-elle rappelé, « il agit comme révélateur des identités locales et donne à voir toute la richesse et la diversité des expressions culturelles ». Cette cérémonie a vocation à se renouveler chaque année.
E.B.