Chaire Outre-mer de Sciences Po-Mikaa Mered : «L’Atlas des Outre-mer se veut être un outil pédagogique, cartographique et géopolitique à la fois accessible à tous et exigeant sur le fond»

© Outremers360

Chaire Outre-mer de Sciences Po-Mikaa Mered : «L’Atlas des Outre-mer se veut être un outil pédagogique, cartographique et géopolitique à la fois accessible à tous et exigeant sur le fond»

Ce mercredi 6 juillet, la Chaire Outre-mer de Sciences Po a célébré son premier anniversaire lors d'une soirée-débat dans les locaux de Sciences. A cette occasion, le Secrétaire générale de la Chaire Outre-mer de Sciences Po Mikaa Mered dresse pour Outremers 360,le bilan de cette première année d'exercice et les prochaines perspectives parmi lesquelles le Prix Luc Laventure et l'élaboration d'un Atlas des Outre-mer pour 2023.
 
 

Outremers 360 : Lors de son lancement, la Chaire Outre-mer avait un triple objectif: réhabiliter le fait ultramarin, contribuer au débat public et stimuler la recherche. Ces objectifs ont-ils été atteints? Quel bilan tirez-vous de cette première année d’exercice?

Mikaa Mered, Sécrétaire générale de la Chaire Outre-mer de Sciences Po:Oui, ces trois objectifs sont atteints même si la Chaire Outre-mer n’est encore qu’au début de son activité après un an de travaux de recherche, d’enseignements, de vulgarisation scientifique, d’organisation d’événements et de contribution au débat public, notamment durant la séquence présidentielles-législatives qui vient de s’achever. Surtout, au-delà de ces grands objectifs qui sont plus des raisons d’être de la Chaire, nous avions des objectifs précis fixés par convention entre Sciences Po et le Ministère des Outre-mer, grâce au financement duquel la Chaire a pu être lancée en 2021. Nous avons des objectifs en matière de recherche, comme le lancement d’une revue d’analyses courtes (« FOROM ») ou d’enquêtes sur la confiance, la cohésion et le bien-être dans les territoires ultramarins ; en matière d’enseignement, en  ou encore un Prix annuel du meilleur travail de recherche sur les Outre-mer en sciences humaines et sociales que nous avons annoncé hier : le Prix Laventure, en honneur à la mémoire de Luc Laventure, membre de notre conseil scientifique qui nous a quittés en mars dernier.  Au total, nous avons livré et engagé en un an 90% des objectifs qu’on devait livrer au bout de deux ans. Tout cela, avec très peu de moyens mais une équipe surmotivée et un soutien sans faille tant de Sciences Po que du Ministère des Outre-mer !

Lire aussi : La Chaire Outre-mer de Sciences Po analyse le vote régional de 2021 dans les DROM

Outremers 360: Concernant la recherche, quelles sont les difficultés auxquelles la Chaire a été confrontée(accessibilités des données, etc)?

Mikaa Mered: La principale difficulté est l’accessibilité et parfois même l’existence, purement et simplement, de données fiables à partir desquelles travailler avec la rigueur scientifique qui convient. Par rapport à l’Hexagone, et malgré les efforts de la statistique publique ou d’acteurs locaux, les Outre-mer sont encore largement sous-dotés en données utilisables pour des travaux en sciences humaines et sociales. Or, remédier à ce déficit de données — et donc de connaissances ! — coûte extrêmement cher à mettre en œuvre, en tous cas bien plus cher que dans l’Hexagone. C’est là la seconde difficulté : convaincre qu’investir dans la recherche empirique, quantitative et qualitative est un facteur d’égalité réelle avec l’Hexagone. Il n’est pas possible de produire de la connaissance fiable et durable en prenant en compte toutes les spécificités locales des Outre-mer sans investir sur la recherche. Sauf que, comme le temps de la recherche est long, on a plutôt tendance à investir ailleurs, à plus court terme, ce qui est finalement une double-peine pour les Outre-mer. 

Et enfin, il y a la difficulté de dépasser les préjugés, des deux côtés. D’un côté, il y a le préjugé de certains donneurs d’ordre dans l’Hexagone qui pensent qu’investir sur la connaissance des Outre-mer n’est pas une priorité. Mais aussi, il y a dans les Outre-mer souvent cette idée que des chercheurs venant de Paris pourraient juger ou ne pas suffisamment comprendre les Outre-mer pour produire une vraie recherche de terrain. 

Pour dépasser cela, nous avons composé un conseil scientifique avec une majorité d’ultramarins et, à partir de septembre, tous les territoires y seront représentés. Nous allons également annoncer le recrutement de chercheurs et experts associés situés dans les territoires et pas uniquement à Paris. Enfin, avec le Pôle Égalité des chances de Sciences Po et des associations comme l’APHG, nous créons de nouveaux ponts avec les lycées, les universités et les producteurs de connaissance dans tous les territoires. Ainsi, nous essayons de démontrer qu’on peut être dans une grande école parisienne et pour autant travailler sur les Outre-mer avec une approche de terrain, collaborative, inclusive et en valorisant les spécificités de tous les territoires.

Outremers 360: Lors de la soirée d’anniversaire, deux annonces ont été faites: l’Atlas et un Prix Laventure ». Pouvez-vous nous en dire plus?

Mikaa Mered : Ce sont deux perspectives très importantes pour la Chaire. L’Atlas des Outre-mer paraîtra début 2023 aux éditions Autrement. Il se veut être un outil pédagogique, cartographique et géopolitique à la fois accessible à tous et exigeant sur le fond. Ensuite, le Prix Laventure est notre manière de célébrer l’engagement et faire vivre la mémoire de Luc Laventure qui était membre de notre conseil scientifique. Luc s’est tout de suite impliqué fortement au sein de la Chaire : il voulait transmettre son amour et son engagement pour les Outre-mer au sein de Sciences Po, mais aussi enseigner sur l’histoire politique et la place des médias Outre-mer ainsi que mettre en avant des jeunes chercheurs souhaitant se spécialiser sur le sujet. Il a donné un cours avec nous en Octobre dernier et nous montions de nombreux projets quand il nous a quittés. Avec ce Prix Laventure, nous espérons contribuer à faire vivre son héritage. Le prix sera doté de 1500 euros et sera remis chaque année en fin d’année universitaire, récompensera les meilleurs travaux académiques en sciences humaines et sociales sur les Outre-mer : mémoire de master, manuscrit de thèse et ouvrage. Un appel à candidatures sera diffusé à la rentrée prochaine et le comité d’évaluation dévoilé début 2023.

Outremers 360: Concernant l’atlas, quelle méthode de travail a été prise en compte pour l’élaborer? Quels publics visés avec ce document ( étudiants, pouvoirs publics,…) 

Mikaa Mered : C’est un petit livre de 96 pages qui se décline en plus de 35 doubles-pages thématiques couvrant les enjeux géopolitiques, historiques, institutionnels, économiques, socio-culturels, environnementaux et d’innovation. Notre objectif est que chacun puisse s’approprier les Outre-mer et qu’il trouve sa place comme un outil pédagogique pour tous les publics, tous les âges, et en particulier pour les collégiens et lycéens. Chaque thème est traité à partir d’une ou plusieurs cartes et infographies, réalisées par la cartographe Aurélie Boissière en étroite collaboration avec chaque expert. Avec une dizaine de collègues, de Sciences Po et d’ailleurs, nous étions stupéfaits de découvrir que le dernier atlas francophone dédié exclusivement aux Outre-mer, dans leur ensemble, datait de 1985. Il était grand temps d’apporter une nouvelle pierre à l’édifice : un travail collectif, multidisciplinaire et qui soit bien accessible à tous. C’est l’idée de ce livre qui sera accompagné en 2023 par des conférences et ateliers de présentation dans les Outre-mer ainsi que par de nouvelles formations inédites que nous annoncerons prochainement.

Outremers 360: Quelles sont les perspectives de la Chaire Outre-mer pour les prochaines années?

Mikaa Mered : Nos perspectives sont aussi nombreuses que la quantité de travail à accomplir pour parvenir à l’égalité réelle entre Outre-mer et Hexagone en matière de production en sciences humaines et sociales est immense. Mais, pour arriver à accomplir nos objectifs ambitieux, nous aurons besoin de soutien humain et financier. Côté recherche, nous publierons les premiers travaux de recherche au long cours engagés durant cette année comme notre analyse de la place des maires dans les sociétés ultramarines, les premières enquêtes « BEST » sur la confiance, la cohésion et l’idée de bien-être Outre-mer. 

Côté enseignement, nous créons de nouveaux cours à Sciences Po et bientôt « hors-les-murs », dans les territoires ultramarins directement. Notre objectif est que, d’ici 2027, plus un seul étudiant ne quitte Sciences Po sans avoir suivi au moins un séminaire de 24 heures sur les Outre-mer. Et de la même manière, nous espérons offrir de nouvelles formations pour les élus, les décideurs et jeunes talents locaux, qu’ils soient à Sciences Po ou non. 

Et côté animation scientifique dans le débat public, nous continuerons à organiser des colloques, des ateliers ouverts, et à participer à la diffusion de la connaissance dans les médias sur la dynamique déjà engagée. Cela fait beaucoup, mais c’est une nécessité qui dépasse largement le cadre de Sciences Po en tant que tel et nous espérons collaborer avec de nombreuses entités qui partagent cette ambition pour les Outre-mer.