Après cinq jours d’auditions et de rencontres d’élus, de chefs de parti, de maires, et de partenaires sociaux en Polynésie, la mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’avenir institutionnel Outre-mer a achevé ses travaux ce jeudi. Animée notamment par Tematai Le Gayic et le député de Guyane Davy Rimane, elle devrait livrer dans les mois à venir un rapport détaillé sur les volontés de changements de statut dans les différentes collectivités ultramarines. Un rapport qui vise entre autres à presser le pas au gouvernement national sur une réforme constitutionnelle d’ampleur. Les détails avec notre partenaire Radio 1 Tahiti.
Dernières rencontres ce jeudi pour la « mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’avenir institutionnel des Outre-mer ». Une mission lancée en janvier et menée par quatre députés, dont seulement trois -le Polynésien Tematai Le Gayic, le Guyanais Davy Rimane (Gauche démocrate et républicaine) et le député de la Manche Philippe Gosselin (Les Républicains) - participent à ce déplacement en Polynésie. Pas le premier, puisque les parlementaires ont déjà visité La Réunion, Mayotte, Wallis-et-Futuna, la Nouvelle-Calédonie, avant la Guyane et les Antilles dans les semaines à venir.
À chaque fois, le même objectif : aller à la rencontre de « toutes les sensibilités » des collectivités visitées pour faire la somme des demandes de réformes à mener dans la Constitution ou la loi organique. Les représentants du gouvernement n’étaient donc pas les seuls « auditionnés » ces derniers jours : chefs de parti, maires des îles Marquises -eux-mêmes désirant une émancipation au sein de la Polynésie-, partenaires sociaux et même représentants des pêcheurs ont donné leur vision de l’évolution du statut.
Échanges « de bonnes factures »
« Les échanges ont été de très bonne facture », assure Davy Rimane, député GDR de Guyane, président de la délégation outre-mer de l’Assemblée et à l’initiative de cette mission. « Ça va nous permettre d’alimenter le rapport avec des éléments concrets, factuels, pragmatiques. On n’aura pas de position dogmatique, pas de parti pris, ça sera un rendu le plus fidèle possible des informations qu’on aura récoltées… avec derrière des préconisations. Une des préconisations que l’on pourrait faire dès maintenant, c’est vraiment engager l’exécutif (national, ndr) en place à lancer les discussions, lancer les négociations, avec les territoires qui veulent bouger. »
Et ce n’est un secret pour personne : beaucoup d’acteurs des Outre-mer veulent « bouger », justement, sur ces statuts souvent jugés pas assez souples ou trop datés. Moetai Brotherson lui-même avait plusieurs fois affiché sa volonté de faire évoluer le statut d’autonomie de la Polynésie, vers plus de compétences régionales, vers des possibilités de discrimination par la « citoyenneté », polynésienne ou maohi, sur des nouvelles répartitions de compétences entre les communes et le Pays… Le président étant en déplacement à Singapour, ses représentants se sont chargés de dresser la liste des demandes, à laquelle figure l’ouverture de discussions sur l’exercice du droit à l’autodétermination.
Oscar Temaru, historique leader indépendantiste, qui après quelques hésitations, a accepté d’être auditionné, a, lui, uniquement parlé de l’ouverture de négociations sous l’égide de l’ONU, marquant une fois de plus les deux visions de la marche vers l’indépendance qui coexistent au Tavini huira’atira, l’une franche et radicale, la seconde plus progressive.
Le parti autonomiste Tapura Huira’atira de l’ancien président Édouard Fritch, qui a choisi d’envoyer devant les parlementaires René Temeharo et des conseillers plutôt que des élus de l’assemblée, a surtout présenté ses doutes sur l’intérêt de l’exercice. Quand A Here ia Porinetia, fondé par deux anciens du Tapura, et qui avait présenté aux territoriales un programme ambitieux de réformes institutionnelles, a rappelé que la priorité était le sauvetage économique de la Polynésie. Gaston Flosse, l’artisan des statuts d’autonomie de 1984 et 2004, a même été auditionné pour le Amuitahira’a développant sa vision d’une indépendance « dans 15 ou 20 ans », et de petits pas immédiats vers la souveraineté.
Une autre réforme constitutionnelle après la Nouvelle-Calédonie ? « Chiche »
« Tout sera dans le rapport », attendu pour la mi-2024. Reste à savoir si, d’ici là, l’exécutif parisien aura lui-même avancé sur la réforme des statuts de l’outre-mer. Emmanuel Macron avait nommé en janvier des experts, pour travailler sur cette évolution institutionnelle. Aucune nouvelle de leurs travaux ni du côté du Pays ni du côté des parlementaires. Mais la mission d’information retient surtout que le président de la République avait « ouvert le champ des possibles ».
« Lorsque nous l’avons rencontré en octobre 2023 à l’Élysée, il a dit « bon écoutez, il n’y aura pas de tabou sur ces sujets-là » et ajoutait qu’il pourrait même faire preuve de « radicalité ». Donc je prends les mots du président et nous verrons » reprend Davy Rimane. « À l’issue de cette mission, de ce rapport, quelle sera la position de l’exécutif en place ? On nous a demandé de ne pas interférer dans ce qui est ancré concernant la Nouvelle-Calédonie et que dans un second temps, le gouvernement reviendrait vers nous au besoin pour faire une deuxième modification constitutionnelle. On a envie de dire « chiche monsieur le président ». On fait notre part. Maintenant, démontrez-nous ce que vous êtes prêt à faire pour les territoires qui souhaitent bouger, tout simplement ».
Charlie René pour Radio 1 Tahiti