Affaire Chlordécone : La plainte de 2006 pour empoisonnement au chlordécone pourrait être prescrite

Affaire Chlordécone : La plainte de 2006 pour empoisonnement au chlordécone pourrait être prescrite

Les parties civiles de Guadeloupe et de Martinique ont été entendues par visioconférence© Ministère de la Justice

Une plainte déposée il y a 14 ans pour empoisonnement au chlordécone par des associations martiniquaises et guadeloupéennes pourrait tomber sous le coup de la prescription, ont elles indiqué jeudi à l’issue d’une audition au TGI de Paris.

Trois associations de Martinique et quatre de Guadeloupe ont été auditionnées mercredi et jeudi en visio-conférence par deux juges d’instruction du pôle santé du TGI de Paris, 14 ans après le dépôt de leur plainte pour « mise en danger de la vie d’autrui ».

Elles avaient déposé plainte dès 2006 contre l’empoisonnement de leurs îles au chlordécone, un pesticide interdit en France en 1990 mais qui a continué à être autorisé dans les champs de bananes de Martinique et de Guadeloupe par dérogation ministérielle jusqu’en 1993.

Plus de 90% de la population adulte en Guadeloupe et Martinique est contaminée par le chlordécone, selon Santé publique France, et les populations antillaises présentent un taux d’incidence du cancer de la prostate parmi les plus élevés au monde.

Disparition de preuves

Les juges d’instruction ont appris aux associations que des preuves avaient disparu et que le dossier pouvait être sous le coup d’une prescription, ont déclaré les associations martiniquaises aux médias locaux au sortir de l’audition.  «Ça fait 14 ans que ça traine devant leurs tribunaux et aujourd’hui on nous dit que les faits sont prescrits? Ce n’est pas de notre fait!», s’est emporté Pascal Tourbillon, représentant l’ASSAUPAMAR (l’Association pour la Sauvegarde du Patrimoine Martiniquais) au micro de la radio RCI. «Nous nous insurgeons contre cette analyse car en droit français, lorsque les faits sont dissimulés, le délai de prescription ne court qu’à compter de la révélation des faits. Or on nous dit que les recherches continuent pour établir de façon indiscutable le lien entre cancer de la prostate et Chlordécone» a déclaré pour sa part l’avocat Harry Durimel, représentant les parties civiles en Guadeloupe.

Maître Louis Boutrin, l’avocat de l’Association pour une écologie urbaine basée en Martinique, demande pour sa part à ce qu’on clôture au plus vite l’instruction pour passer aux mises en examen et précise qu' »il y a aujourd’hui des rapports de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) qui n’ont pas été pris en compte, qui sont des infractions commises en 2006 et qui permettent de repousser les limites de la prescription ».

Les associations mobilisées en Martinique, l’AMSES (l’Association Médicale de Sauvegarde de l’Environnement et de la Santé), l’ASSAUPAMAR et l’Association pour une écologie urbaine, envisagent désormais de saisir les juridictions européennes notamment la Cour Européenne des Droits de l’Homme.

Les élus martiniquais alertent Emmanuel Macron

Les élus martiniquais, à l’instar d’Alfred Marie-Jeanne, Présindent du conseil éxécutif de la CTM et Yan Monplaisir, vice-président de l’Assemblée de Martinique, n’ont pas manqué de réagir. Dans une lettre adressée au Président de la République Emmanuel Macron, Alfred-Marie-Jeanne dénonce une manipulation inadmissible  et voire même un déni de justice inacceptable». Yann Monplaisir, pour sa part, a rappelé que la propable prescription de cette plainte peut conduire à « la colère populaire». « Monsieur le Président de la République, la population martiniquaise est plutôt pacifique, mais une colère irrévocable gronde. Les Martiniquais ont l’impression que la responsabilité de l’Etat, évoquée dans le rapport parlementaire, voudrait masquer la responsabilité des empoisonneurs connus..Seule une vraie justice saura l’apaiser.», a écrit Yann Monplaisir dans sa lettre  ouverte.

Avec AFP