Ce mardi après-midi, au Jardin du Luxembourg, à l’occasion de la cérémonie de la 17ème journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, les mots que les spectateurs entendront ne seront pas ceux du Président de la République et du Président du Sénat, puisqu’aucun discours officiel n’est prévu.
Ce seront les mots qui ont été choisis par des jeunes âgés de dix à vingt ans, venus de toute la France, pour rendre hommage à la résistance des esclaves, pour dénoncer l’esclavage moderne, pour célébrer la figure de Zumbi, le leader des Marrons du Brésil… Des récits, des chansons, des interpellations tirées des projets qui leur ont valu d’être distingués dans le cadre du concours de la Flamme de l’Egalité.
Ce concours national, qui veut être pour la mémoire de l’esclavage et des abolitions l’équivalent du Concours national de la Résistance et de la Déportation (CNRD), est chaque année pour les milliers d’élèves qui y participent une formidable aventure de transmission.
Un concours né en 2015
Le concours national de la Flamme de l’Egalité a été lancé en 2015, à l’initiative du comité national pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage (CNMHE) présidé à l’époque par l’historienne Myriam Cottias. L’idée ? Proposer aux élèves de tous les niveaux scolaires, écoles primaires, collèges, lycées, de travailler sur l’histoire de l’esclavage, sur ses enjeux, sur ses héritages, à partir d’un thème choisi chaque année. Le concours est géré par la Ligue de l’Enseignement, et soutenu par les ministères de l’éducation nationale et des outre-mer ainsi que par la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH), qui ont depuis été rejoints par le ministère de l’agriculture, le ministère de l’intérieur et la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage, qui a pris le relais du CNMHE.
En sept ans, cette initiative s’est imposée comme un élément majeur du cycle annuel des commémorations de la mémoire de l’esclavage : depuis 2016, les lauréats du concours participent à la cérémonie nationale du 10 mai au Jardin du Luxembourg. Jusqu’en 2019, ils se voyaient remettre leurs prix par les autorités présentes ; depuis 2021, ils participent à la cérémonie elle-même, en interprétant des extraits de leurs travaux devant les autorités présentes. C’est ainsi que, l’année dernière, le public de la cérémonie avait notamment pu entendre un slam composé par les élèves d’une classe de collège de Polynésie Française.
Cette année, le public présent pourra entendre des élèves venus de toute la France – d’Alsace, de Bretagne, de Normandie, de Provence, de La Réunion –, représentant les classes lauréates de l’édition 2020 de la Flamme de l’Egalité, qui avait été privées de cérémonie à cause du confinement. La diversité des thèmes abordés, comme la diversité des formes utilisées, témoignent de l’esprit de concours : on y parle de marronnage, de Joséphine Baker, du Brésil, de La Réunion, et on y trouve des films d’animation, des chansons, des chorégraphies, du steel band, du rap… Car le concours n’est pas qu’un concours d’histoire : il encourage l’interdisciplinarité, la créativité, une véritable dynamique d’échange entre les élèves, comme entre les enseignants.
Chemin parcouru
« Pour les élèves et leurs professeurs, le chemin parcouru pendant la création du projet est presque plus important que les prix qui sont remis », relève Claire Cayuela, la responsable de la Flamme de l’Egalité au sein de la Ligue de l’Enseignement, en évoquant les nombreux retours que lui font chaque année les enseignants qui s’engagent dans le concours. Ainsi ce professeur réunionnais qui indique, dans son évaluation de sa participation : « Je vous remercie d'avoir offert, grâce à l'existence du concours La Flamme de l'Egalité, cette formidable et inoubliable aventure à mes élèves qui se sont reconnectés à leurs racines ainsi que leurs proches et leurs camarades de l'école. L'élan autour du concours a eu une incroyable résonnance. La Réunion est en quête d'histoire, les élèves font vibrer toutes les générations en recherchant leurs origines et en renouant avec elles. »
Car le concours mobilise des classes dans toute la France : chaque année, ce sont plusieurs centaines de classes qui se lancent dans l’aventure. Le confinement avait pu faire craindre un coup d’arrêt de son développement, mais le tassement du nombre d’établissements participants enregistré en 2021 a été effacé dès cette année, constate avec soulagement Claire Cayuela : « Parmi les plus de 300 classes qui participent en 2021-2022, représentant plus de 5 000 élèves, toutes les académies sont représentées, souligne-t-elle. Et les outre-mer ne sont pas les derniers pour se mobiliser : parmi les lauréats des années passées on a compté des classes de Guyane et de Polynésie, et si la participation des Antilles reste encore modeste, les classes de La Réunion sont très présentes. »
Tous les types d’enseignements sont représentés : public, privé, professionnel et technique, en France et à l’étranger… Avec l’arrivée du ministère de l’agriculture ces dernières années parmi les soutiens du concours, celui-ci s’est ouvert aux lycées agricoles – les élèves de l’un d’entre eux participeront d’ailleurs aujourd’hui à la cérémonie du Jardin du Luxembourg. « Ces dernières années nous avons même pu toucher des classes d’établissement pénitentiaire, y compris outre-mer », indique Claire Cayuela, en soulignant la portée universelle des questions que le concours permet d’aborder : « A travers l’histoire des traites, de l’esclavage colonial et de leurs abolitions, les élèves questionnent sur les notions fondamentales de la République française : la liberté individuelle, l’égalité de tou·tes, la dignité de l’être humain. Et ils réfléchissent sur les enjeux contemporains, contre toute forme de discriminations, d’exploitation, de racisme. »
La mémoire au service du présent : c’est ce qu’apporteront les élèves au Jardin du Luxembourg aujourd’hui. Face au Président de la République et au gouvernement, ce sont eux qui transmettront le message de liberté, d’égalité et de fraternité des combattants de l’abolition.
Pour aller plus loin : nos précédents articles sur le Temps de Mémoires et le 10 mai.