À la suite du cyclone Chido, survenu en décembre 2024, Mayotte a traversé l’une des plus graves crises humanitaires de son histoire. Déjà fragilisé par la pauvreté, l’insécurité et des infrastructures insuffisantes, le territoire a vu la condition des enfants se détériorer de manière brutale. Au cours de l’année 2025, l’Unicef (Fonds des Nations unies pour l'enfance) France a mené une mission puis écrit un rapport visant à mesurer l’impact de ces événements sur les droits de l’enfant et à formuler des recommandations pour une reconstruction durable, résiliente et inclusive. Synthèse.
« Mayotte compte aujourd’hui un habitant sur deux âgé de moins de 18 ans, et 77% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Les carences en matière de santé, d’éducation, de logement et d’accès à l’eau y atteignent un niveau alarmant, compromettant l’application effective de la Convention internationale des droits de l’enfant », alerte l’Unicef France. Le cyclone Chido, avec des rafales atteignant 226 km/h, a détruit plus d’un quart des logements et gravement endommagé les infrastructures publiques, notamment l’hôpital de Mamoudzou et les usines de traitement de l’eau. Des milliers d’enfants se sont retrouvés sans abri, privés d’accès à l’eau potable, à la nourriture et aux soins essentiels.
Cette catastrophe a mis en évidence les faiblesses des dispositifs de prévention et de gestion de crise, ainsi que l’absence de prise en compte des besoins spécifiques des enfants dans les stratégies de préparation et de réponse. Elle a également révélé la fragilité de la gouvernance publique. La réaction de l’État s’est concentrée – en particulier sur le plan législatif – sur des enjeux sécuritaires et migratoires, reléguant au second plan les dimensions sociales et la protection de l’enfance, déplore le rapport.

L’Unicef France souligne que Mayotte concentre de multiples vulnérabilités. Le changement climatique, la pauvreté, les insuffisances des services publics et les dérogations législatives concernant les étrangers accentuent la précarité vécue par les enfants de l’île. Nombre d’enfants étrangers, bien que nés sur le territoire, restent privés de nationalité française et grandissent dans une insécurité juridique et sociale permanente. L’organisme met en garde contre les nouvelles mesures législatives adoptées en 2025, qui restreignent davantage l’accès à la nationalité et au droit de séjour, accentuant ainsi la marginalisation de milliers d’enfants.
« L’enfermement administratif d’enfants demeure une pratique grave : 1860 mineurs ont été placés en rétention en 2024 à Mayotte, soit presque tous les enfants enfermés en France. Malgré les engagements de la loi de 2024, l’application différée et les nouvelles « unités familiales » prévues par la loi Mayotte perpétuent une privation de liberté contraire à la Convention internationale des droits de l’enfant », constate le rapport.
Par ailleurs, selon l’Unicef France, près de 50 000 personnes ont perdu leur logement. Les enfants touchés par la catastrophe ont souvent été accueillis dans des structures inadaptées, dépourvues d’encadrement professionnel. Parallèlement, la démolition des habitats précaires s’est poursuivie sans qu’un dispositif de relogement suffisant ne soit mis en place, faisant peser un risque majeur de voir des enfants se retrouver à la rue.

« Avant Chido, entre 5000 et 9000 enfants n’étaient déjà pas scolarisés. Le cyclone a détruit ou endommagé 40% des établissements scolaires, provoquant un retard massif dans l’apprentissage pour de nombreux enfants supplémentaires », précise le rapport, qui regrette la lenteur de la reconstruction des établissements.
Le système de santé, centré sur le Centre hospitalier de Mamoudzou, s’est retrouvé dépassé par l’ampleur de la crise. Les risques épidémiques – gastro-entérites, typhoïde, chikungunya – se sont multipliés, tandis que les troubles psychologiques et la malnutrition infantile ont fortement progressé. Durant plusieurs semaines, des milliers d’enfants ont été privés d’eau potable. Les bornes fontaines monétiques, insuffisantes et souvent défaillantes, n’ont pas permis de répondre aux besoins. De plus, certaines distributions, conditionnées à la présentation de documents d’identité, ont exclu de nombreuses familles de l’accès à l’eau, dénonce l’Unicef France.

Au final, le rapport émet une série de recommandations, dont : « Placer les droits de l’enfant au cœur de la reconstruction : intégrer systématiquement la voix et les besoins des enfants dans les politiques publiques ; Renforcer la collecte de données sur l’enfance pour orienter des actions fondées sur les faits ; Abroger les dérogations discriminatoires en matière de logement et de droit des étrangers ; Garantir l’universalité de l’accès à l’éducation, à la santé, à l’eau et à la protection ; Anticiper et prévenir les crises liées au changement climatique, en veillant à intégrer les besoins spécifiques des enfants, ainsi qu’en travaillant sur les résiliences des infrastructures ».
► L’Unicef France, en partenariat avec l’Agence France-Presse (AFP) et le Conservatoire national des Arts et Métiers (Cnam), présente l’exposition photographique « Grandir à Mayotte après Chido » sur les grilles du Cnam (dont certains clichés sont dans cet article). Cette exposition offre un émouvant témoignage sur l’impact du cyclone sur toutes les dimensions de la vie des enfants.
• Du mercredi 10 décembre 2025 au 30 janvier 2026
• Conservatoire national des Arts et Métiers – 292 rue Saint-Martin, 75003 Paris
• Exposition en accès libre
PM























