Directeur général adjoint et directeur de l’innovation d’Havas Events, le martiniquais Pascal Jacques-Gustave est l’une des figures de l’innovation du secteur de l’événementiel en France. L’un des pionniers de l’intelligence économique dans les années 90, devenu l’un des responsables au sein d’une entreprise qui a orchestré des rendez-vous à forte portée symbolique, des illuminations des Champs-Élysées à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Pour Outremers360, il retrace un parcours singulier et dévoile sa méthode : faire de l’innovation un levier collectif, où la réussite ne se conçoit jamais seul, et où l’intelligence artificielle vient désormais augmenter l’intelligence humaine.
De l’intelligence économique à la scène événementielle
Rien, à première vue, ne prédestinait Pascal Jacques-Gustave à l’événementiel. Il débute par des études d’économie, de management et de communication. Très tôt, il s’intéresse à ce qui n’est encore qu’un sujet émergent : l’intelligence économique. Il se penche particulièrement sur le lien entre « les stratégies informationnelles et la compétitivité des entreprises », et rencontre ceux qui réfléchissent alors aux premières formes de guerre de l’information. « Dès la naissance d’internet, j’étais persuadé que l’information allait devenir le nerf de la guerre », se souvient-il. Nous sommes au début des années 1990, Internet en est à ses balbutiements, mais lui voit déjà venir le choc. Il co-écrit un ouvrage, L’intelligence économique et la stratégie des PME, préfacé par René Monory, et observe déjà comment l’information peut fragiliser ou renforcer des entreprises : « l’information c’est le savoir, et le savoir, c’est le pouvoir, notamment celui de déstabiliser un système social, une entreprise », rappelle-t-il. Il devient ensuite consultant chez SQLI, où il accompagne les entreprises sur leurs stratégies de positionnement sur Internet. Il co-fonde par la suite Intervalles, une société spécialisée dans les dispositifs de marketing opérationnel et l’événementiel grand public.
Havas Events, l’événementiel grandeur nature
En 2015, Havas Events rachète Intervalles. Pascal Jacques-Gustave rejoint alors le groupe en tant que directeur de l’innovation, avant d’être nommé, en 2022, directeur général adjoint de Havas Events. Parmi les « faits d’armes » récents d’Havas Events, la soirée du 31 décembre 2023, avec plus d’1 millions de personnes sur les Champs-Élysées, quelques mois avant les Jeux Olympiques. Havas Events est alors chargée d’organiser les festivités de passage à l’année olympique : « La pression était très forte, confie-t-il. C’était le dernier événement de cette envergure en France avant les Jeux. Évidemment, il ne devait y avoir aucun incident. » Au-delà de la fête, l’enjeu d’image pour la France était immense.
L’agence doit coordonner acteurs publics et privés, sécurité, mise en scène, technique, artistes… pour une diffusion télévisée en direct sur France TV… Un concentré de ce qu’est aujourd’hui l’événementiel : complexe, ultra-technique, éminemment sensible.
Lorsqu’il s’agit de répondre à l’appel d’offres de la production exécutive des cérémonies d’ouverture des Jeux Olympiques de PARIS 2024 sur la Seine et des Jeux Paralympiques sur le bas des Champs Elysées et la place de la Concorde, Havas Events choisi de s’associer à certains de ses concurrents. Concurrents au quotidien sur les compétitions, mais partenaires pour gagner un projet aussi ambitieux », raconte-t-il. L’agence s’unit alors à Auditoire, Ubi Bene, Obo et Double 2 pour créer une structure commune, Paname 24, entièrement dédiée à cette réponse.
L’audace comme méthode
Ce qui revient le plus souvent dans les propos de Pascal Jacques-Gustave, c’est la notion de défi. Les projets qui le marquent sont ceux où tout semble, au départ, presque irréalisable. Il cite notamment une opération montée en quarante-huit heures autour de Kauli Vaast, le polynésien champion olympique de surf à Tahiti, médaillé d’or dans une épreuve sponsorisée par Accor. L’enjeu : permettre au surfeur de rejouer symboliquement sa victoire dans le Pacifique, cette fois sur la Seine, alors que toute la ferveur des Jeux se concentrait à Paris : « Une idée d’Accor, client d’Havas Play. On a eu 48 heures pour en assurer la production, explique-t-il en mettant à contribution 4 agences du Groupe (Havas Play, Havas Paris, Prose and Pixels et Havas Events). Il fallait obtenir les autorisations, mobiliser les moyens techniques et de captation, s’assurer que les télévisions puissent être là. L’opération relevait à la fois de la communication et des relations publiques, tout en démontrant la capacité des équipes à se mobiliser collectivement et à produire, dans des délais extrêmement contraints, un dispositif solide et cohérent. »
Dans certains cas, ce métier consiste à rendre possible ce qui, sur le papier, ressemble à une folie. Mais pas à n’importe quel prix : avec méthode, en s’entourant et en assumant une vision très claire de la collaboration.

Même logique pour reproduire la photo du BMX freestyle des JO 2024, qui doit symboliser la transition vers les Jeux olympiques d'hiver de Milan-Cortina 2026 : « Pour le compte d’Allianz, Havas Play a voulu reproduire la photo mythique de BMX, mais en hiver, et avec des skis ».
Le 3 décembre dernier, une rampe de ski de neuf mètres est installée place de la Concorde. L’opération, baptisée Jump to Cortina 2026 et sponsorisée par Allianz, permet au photographe Odieux Boby de revisiter son cliché emblématique des JO 2024, cette fois avec un skieur freestyle.
Le rôle de d’Havas Events : assurer la production technique de l’opération aux côtés d’Havas Play.


« L’Union fait la force »
L’un de ses mantras, c’est le collectif : « Le plus intéressant dans ce métier c’est la réussite collective. Le métier de l’événementiel est un métier d’assembleur. On assemble les compétences au service d’une opération qui est au service d’une marque et on s’efface derrière cette marque. » Il utilise une image simple, mais forte : celle de la chaîne : « Tous les maillons de la chaîne doivent être suffisamment résistants pour que la chaîne tienne. Si vous sentez qu’un maillon est plus fragile, votre devoir est de le renforcer, sinon, c’est toute la chaine qui se rompt. »
L’événementiel à l’ère de l’IA
L’autre grande transformation qui a bouleversé les règles de l’évènementiel, c’est celle du numérique, puis de l’intelligence artificielle. La crise du Covid avait déjà imposé le tout-digital pour les événements : « L’événementiel est le métier de la rencontre, et on ne pouvait plus se rencontrer. Le digital a été le moyen de survie du secteur pendant cette période. » Depuis, le présentiel est revenu en force, mais le modèle a changé : « avec des événements allant du full digital au full présentiel en passant par des dispositifs hybrides. »
Désormais, c’est l’IA qui bouscule la donne. Là encore, Pascal Jacques-Gustave refuse le catastrophisme et parle d’outil, pas de solution miracle, pas de menace. « L’intelligence artificielle nous permet d’aller plus vite dans certaines tâches pour consacrer plus de temps à d’autres, à la réflexion, au conseil », explique-t-il. Elle intervient dans tous nos métiers, le planning stratégique, la création graphique, la vidéo, la logistique, l’optimisation des contenus…
Mais il pose une limite nette : « Une IA aussi générative soit-elle ne crée pas. Sans l’intelligence sensible, la créativité humaine, elle ne fait que reproduire. » Pour lui, l’avenir appartient aux « humains augmentés par l’IA », aux équipes capables d’utiliser l’outil sans jamais renoncer à « l’intelligence sensible, à l’esprit critique et à l’émotion », piliers irremplaçables de l’événementiel et de la communication.























