DOSSIER [2/5]. Mayotte post-Chido : Des noix polynésiennes pour reconstruire la cocoteraie

La cocoteraie de Mayotte détruite par Chido. © Christian Chabrier

DOSSIER [2/5]. Mayotte post-Chido : Des noix polynésiennes pour reconstruire la cocoteraie

Si la forêt a été presque intégralement détruite à Mayotte après le passage de Chido, il en va de même pour la cocoteraie. Les rares palmiers qui ont résisté aux vents violents ont perdu l’ensemble de leurs fruits et de leurs feuilles. Pour reconstruire cette cocoteraie si chère aux habitants, le territoire a choisi une autre île ultramarine : la Polynésie. 40 000 noix de coco de Pukapuka prendront bientôt racine dans le sol mahorais. Deuxième épisode de notre dossier consacré à la reconstruction environnementale de Mayotte.


Une cocoteraie aux aires du Pacifique. C’est ce qui attend Mayotte dans les prochains mois. Pour reconstruire la cocoteraie de l’île, totalement détruite par le passage du cyclone Chido, ce sont des cocos polynésiennes qui ont été choisies. 

Ce projet est le fruit d’un long travail de recherche mené par la Chambre d’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte (CAPAM) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Mais ce partenariat n’aurait jamais été possible sans la générosité de la Polynésie qui a décidé d’offrir ces noix de coco au territoire de l’océan indien, par solidarité.
Les noix germées viendront de l’île de Pukapuka, située à l'extrémité nord-est de l'archipel des Tuamotu. Elles seront ramassées par les habitants de l’atoll avant d’être acheminées par bateau jusqu’à Tahiti. En tout, 40 000 cocos seront envoyées à Mayotte en deux temps mais les modalités d’acheminement restent à définir. « Le gouvernement polynésien nous fait don de ces cocos », remercie Kadafi Saïd, directeur général par intérim de la CAPAM. « Nous devons quant à nous prendre en charge les frais annexes et de transport », poursuit-il. C’est sur ce point que les interrogations demeurent, le coût pour acheminer des milliers de noix de coco en conteneurs réfrigérées s’élève à 60 000 €. « Le premier transport des 20 000 noix coûte 30 000 €, auquel il faut ajouter 15 000 € pour l’acheminement de Pukapuka à la capitale polynésienne ». Un montant multiplié par deux puisque l’envoi est prévu en deux fois.

Deux mois de traversée en bateau

Si Kadafi Saïd se dit reconnaissant de cet exemple de solidarité porté par la Polynésie, le président par intérim ne cache pas son inquiétude face au manque de moyen auquel sont confrontés tous les acteurs locaux. Mais « le projet se fera », assure-t-il, « le gouvernement polynésien n’attend que notre feu vert pour lancer la récolte ». 20 000 premières noix germées devraient rejoindre Mayotte dans les prochains mois indique la CAPAM sans donner de date précise.

Si les coûts de transport sont élevés c’est parce que la traversée par la mer est longue (deux mois) et doit être faite dans des conditions bien particulières pour que les cocos arrivent en bon état afin de pouvoir être replantées. « Les conteneurs doivent être réfrigérés pour éviter que les noix ne pourrissent ou ne germent en chemin ». Le chargement, parti de Tahiti, rejoindra le grand port maritime du Havre avant de reprendre la mer vers l’océan indien.
En arrivant à Mayotte, elles seront stockées sur un terrain de dix hectares dont dispose le conseil départemental avant d’être répartis chez les pépiniéristes de l’île. Ils seront en charge de la germination et de la vente des noix de coco aux agriculteurs. « Les prix seront discutés en comité de pilotage pour que l’opération n’engendre pas de bénéfice mais que le prix puisse rembourser les frais », ajoute Kadafi Saïd.

La végétation repart à Mayotte. © Christian Chabrier

« Le cocotier est un marqueur d’identité »

Derrière ces problématiques logistiques, il y a toutefois une urgence : la plupart des cocotiers de l’île ont été détruits alors que son fruit reste un aliment de base pour les Mahorais. Le lait de coco est omniprésent dans la cuisine locale et la noix reste « la ressource principale pour l’alimentation lipide », précise Christian Chabrier, chercheur au Cirad. La reconstitution de la cocoteraie est donc vitale pour répondre aux besoins alimentaires de la population.
« Toute la récolte des deux années à venir est détruite », regrette l’agronome installé à Mayotte. « Un cocotier arraché ne se remet pas, il ne peut pas repartir. Ceux qui sont restés debout ont perdu l’essentiel de leurs feuilles et de leurs fruits. Les arbres qui ont survécu ont été secoués et stressés, ils ne produiront pas normalement avant au moins deux ans ».
Si ce projet est si important c’est aussi parce que « le cocotier est un marqueur d’identité à Mayotte » considère Kadafi Saïd, « c’est l’ossature de nos exploitations agricoles. Quand on parle du jardin mahorais, c’est la cocoteraie ».

Mais les 40 000 cocos de Pukapuka ne suffiront pas à réparer les dégâts causés par Chido. Il y a quelques années, la CAPAM avait estimé les besoins de l’île : « 350 000 plants étaient nécessaires pour la régénération de la cocoteraie mahoraise ». Alors d’autres initiatives fleurissent, même si elles manquent, elles aussi, de moyens financiers. Par exemple, le lycée agricole envisage de faire venir 15 000 noix de coco d’Inde.

Risque de contamination

La provenance des noix de coco n’est pas anecdotique, c’est même le tout premier critère de sélection. Selon le pays d’origine certaines noix de coco peuvent être inadaptées aux besoins locaux voire dangereuses si elles sont contaminées. Les services de la CAPAM ont donc fait appel aux chercheurs du Cirad pour les accompagner dans ce projet. Christian Chabrier, spécialiste des maladies et parasites des plantes, a été l’un des principaux conseillers. « De part et d’autre du canal de Mozambique, les cocoteraies sont contaminées. Si on y récupère les arbres, on risque d’introduire la maladie sur notre territoire», précise-t-il. Deux maladies touchent particulièrement ces espèces : le jaunissement mortel du cocotier, une maladie présente sur l’essentiel de la cocoteraie en Afrique, dans les Comores (l’île d’Anjouan, la plus proche de Mayotte se situe à seulement 70 km) et à Madagascar (à 400 km) et la maladie de l’anneau rouge du cocotier présente en Amérique du Sud et à Madagascar.

La Polynésie, située à des milliers de kilomètres de tout continent, présente l’avantage d’être totalement exempt de ces maladies. Alors, malgré les difficultés d’acheminement, les cocos du Pacifique restent l’option la plus sûre mais aussi la plus symbolique pour redonner vie à la cocoteraie de Mayotte.

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