Vers de nouveaux moteurs de croissance économique en Nouvelle-Calédonie ?

Vers de nouveaux moteurs de croissance économique en Nouvelle-Calédonie ?

©Martial Dosdane

Alors qu’un changement de régime de croissance se fait ressentir depuis 2012 en Nouvelle-Calédonie, l’ampleur de la crise Covid-19 a eu et aura des conséquences immédiates sur le tissu économique et les finances publiques. La relance de l’économie calédonienne pourrait donc passer par le tourisme, l’économie verte ou bleue, le numérique ou encore la construction d’infrastructures pour personnes âgées. Explications avec Hugo Coëff, journaliste chez notre partenaire Actu.nc. 

Depuis les années 1990, la Nouvelle-Calédonie est sur un rythme de croissance autour de 3,5%. Or, depuis 2012, le territoire a vu sa croissance baisser pour atteindre 1% (en moyenne). Elle ne semble donc plus dans une phase de rattrapage d’infrastructures mais plutôt d’attentisme. « Il y a différents moteurs qui sont arrivés à maturité », affirme Magali Ardoino, responsable du service des Études à l’Institut d’Émission d’outre-mer (IEOM).

Ce déclin de l’économie serait dû à différents moteurs et principalement aux recettes stagnantes des finances publiques et à la situation des ménages qui serait moins facile en raison d’une diminution d’activité et d’emploi créant une baisse de la masse salariale. « Les ménages ont de plus en plus d’inquiétudes, ce qui se ressent dans leur comportement de consommation », révèle Magali Ardoino. L’IEOM explique également une certaine saturation des ménages.

« Il y a un réel taux d’équipement des ménages. Ils font du renouvèlement d’équipement, mais n’achètent plus de neuf, ce qui n’a pas le même poids économique en termes de contribution à la croissance ». Le marché de l’automobile sur le Caillou en est un exemple criant. Au début des années 2000, les achats de voitures neuves explosaient sur le territoire, une tendance qui s’est inversée depuis, laissant place au marché de l’occasion. Le résultat d’un niveau de vie atteint par une partie de la population.

Une vulnérabilité de l’économie 

Dans un environnement où le manque de création d’emploi se fait ressentir, les ménages consomment donc moins qu’auparavant. « Néanmoins, c’est toujours le moteur principal [consommation des ménages, ndlr] de la croissance ». Si, en général, les grandes tendances de l’économie sont liées à celles de l’Hexagone, la Nouvelle-Calédonie est caractérisée par l’importance de l’industrie du nickel, source d’investissement important, qui constitue l’essentiel des recettes d’exportations du pays.

« Nous ne sommes pas dépendants de la métropole en termes de conjoncture parce que nous avons des moteurs internes qui sont indépendants », explique David Chatelain, responsable adjoint du service des Études à l’IEOM. Or, cette dépendance de l’économie vis-à-vis d’un secteur peut s’avérer être une source de vulnérabilité en cas de panne pouvant entraîner l’ensemble de l’économie dans des phases de ralentissement.

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La crise sanitaire pourrait créer cette vulnérabilité tant redoutée. En effet, l’ampleur de la crise Covid-19 sur le plan économique est encore incertaine et dépendra très largement de sa durée au niveau mondial. La période de confinement a provoqué des effets directs de pertes de création de valeur. « Et la crise sanitaire n’est pas encore finie en Calédonie », affirme la responsable du service des Études IEOM. Transport, tourisme, hôtellerie, croisiéristes… sont des secteurs qui ne sont pas encore revenus à la normale. Des effets induits perdureront et un retour à la normale sera probablement progressif sur plusieurs années.

Néanmoins, « il y a un redémarrage depuis l’arrêt du confinement interne ». La production demeure en baisse par rapport à l’année dernière ou au trimestre précèdent mais le territoire ne se retrouve pas dans une pénurie du crédit. « Il n’y a pas eu de boom de l’activité bancaire après le confinement. Seuls les crédits de PGE [prêts garantis par l’État, ndlr] sont en hausse ». Cette baisse de la production peut s’expliquer par une diminution des besoins, conséquence d’une moindre consommation de la population qui a su réallouer son budget.

Miser sur de nouveaux secteurs

La relance de l’économie du pays pourrait donc passer par des secteurs aujourd’hui encore peu développés sur le territoire. « On ne va pas reconstruire une usine, des hôpitaux, des écoles, des routes… Sur les grandes infrastructures, nous arrivons à maturité. Nous savons que nous ne pourrons pas revenir à des rythmes d’investissement comme avant. Nous cherchons de nouveaux moteurs », indique David Chatelain.

Le tourisme, quand il aura repris des couleurs, pourrait en être un à l’avenir en créant de l’emploi et être source de création de richesses. Les spécialistes de l’économie se pencheraient également sur l’économie verte, l’économie bleue ou encore le numérique. D’autres secteurs, moins communs, pourraient aider à redorer l’économie calédonienne comme la construction d’infrastructures pour personnes âgées. Si actuellement la population est encore jeune, dans une quarantaine d’années, les besoins en structures spécialisées pour seniors seront incontestables.

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« Ce sont des filières qui sont annoncées comme des vertus de l’économie circulaire », a confirmé Magali Ardoino. L’idée est non seulement d’arriver à créer de la richesse avec le développement de nouvelles activités, créer de l’emploi mais aussi éviter la fuite des capitaux et des « cerveaux » et d’optimiser les retombées pour le territoire.

La coopération régionale 

La coopération régionale serait également à l’étude. Sur le papier, l’objectif est de détendre la contrainte économique d’une population limitée en constituant un marché plus grand pour pouvoir créer des économies d’échelles et rendre compétitives – ou en tous les cas faisables – des productions qui à l’échelle du territoire ne seraient pas possibles. Cette coopération créerait de l’emploi et une certaine efficience. Pour autant, la Nouvelle-Calédonie pourrait-elle tirer pleinement parti de cette coopération ? Rien n’est moins sûr !…

En d’autres termes, les enjeux économiques de la Nouvelle-Calédonie sont de trouver les moteurs de relais pour créer de l’emploi et ainsi se développer. Actuellement, le secteur clé du nickel est un enjeu majeur pour maintenir l’emploi et les finances publiques. Restaurer la rentabilité des 3 usines du territoire est donc, pour le moment, la meilleure solution pour favoriser une reprise de l’économie. Toutefois, à l’avenir, le pays devra trouver le bon équilibre entre le besoin de rendre les fondamentaux plus forts et s’implanter sur de nouveaux secteurs.

Hugo Coëff.