UNOC-3 : Saluée à Nice mais critiquée aux Marquises, l’annonce de l’Aire marine protégée de Polynésie, la plus vaste au monde, augmente la part d’AMP de la France

©Présidence de la Polynésie française

UNOC-3 : Saluée à Nice mais critiquée aux Marquises, l’annonce de l’Aire marine protégée de Polynésie, la plus vaste au monde, augmente la part d’AMP de la France

La plus grande aire marine protégée (AMP) du monde va officiellement voir le jour en Polynésie française, a confirmé son président Moetai Brotherson, à l'occasion de la conférence de l'ONU sur les océans à Nice. Une annonce qui augmente la part d’AMP en France et dans le monde, mais qui se heurte à des critiques locales.

La quasi-totalité de la zone économique exclusive de l'archipel, soit 4,55 millions de km2 -47% de la ZEE française et « 7% de la surface totale des océans »-, va être placée sous protection minimale tandis qu'une partie de cette zone (900 000 km2) sera reconnue en protection dite stricte, où toute activité est interdite, selon des éléments fournis par le ministère français de la Transition écologique.

Des zones de 200 000 km2, ouvertes à la pêche artisanale, seront placées en protection dite forte. Ce qui permettra de porter la zone fortement protégée à 1,1 million de km2, « soit une superficie environ deux fois supérieure à celle de la France continentale », souligne l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), qui estime qu'il s'agira de la plus grande aire marine protégée au monde.

Les zones de protection forte ou stricte devraient être situées aux îles Gambier (Est du territoire), et accolée à l’aire marine des Pitcairn, dans les îles Marquises, au nord-est de la Collectivité, aux îles Australes, et à l’Ouest de l’archipel de la Société, proche de la ZEE des îles Cook et des Kiribati, où les pêcheries étrangères sont nombreuses, ce qui constitue « un plaidoyer majeur en faveur de la protection de nos océans », avait assuré Moetai Brotherson.

En outre, de nouvelles zones de pêche réglementées, dites « à faibles prélèvements », vont être créées pour favoriser la pêche artisanale : ainsi, dans ces zones de 15 milles nautiques autour des Marquises, des Gambier et des Australes, et de 30 milles nautiques autour des îles de la Société, « la pêche sera réservée aux navires de moins de 12 mètres afin de privilégier la pêche artisanale et vivrière côtière et limiter les conflits d’usage avec les acteurs de la pêche hauturière ».

« Nous ne sommes pas des petites nations, nous sommes des grands pays océaniques » a déclaré Moetai Brotherson lundi après-midi à Nice, en référence aux États et territoires insulaires du Pacifique, regrettant « l’écart majeur » entre « la responsabilité qui pèse sur nos épaules » et « les moyens mis à notre disposition » pour protéger ces vastes espaces maritimes.

En Polynésie, a-t-il aussi rappelé, « nous n’utilisons par de chalutiers de fonds, ni de senneurs, nous privilégions les palangriers », une technique plus sélective, « qui nous permet d’obtenir un écolabel de pêche durable ». Depuis 2002, ce territoire est aussi un sanctuaire marin pour les cétacés, puis pour toutes les espèces de requins depuis 2006. 

« Nous félicitons la Polynésie française pour sa vision et nous espérons qu'il s'agit d'une nouvelle tendance dans l'établissement d'AMP hautement protégées à grande échelle », a déclaré Razan Al Mubarak, présidente de l'UICN, citée dans un communiqué. Peter Thomson, envoyé spécial du secrétaire général des Nations Unies pour l’océan, John Kerry, ancien secrétaire d’État des États-Unis et envoyé spécial pour le climat de Joe Biden, Minna Epps, directrice du Global Ocean Policy a l’IUCN, mais aussi Sylvia Earle, océanographe et exploratrice américaine, ont aussi salué cette décision.

Le président Emmanuel Macron a salué sur X une « décision historique qui marque un tournant dans la protection de l'Océan Pacifique ». « Nous donnerons à la Polynésie les moyens pour surveiller ces zones », a-t-il ajouté, érigeant la Collectivité autonome du Pacifique comme « un exemple » offrant « un cap pour la planète ».

Cette seule annonce permet à la France, dont le domaine maritime couvre 11 millions de km2 (le deuxième au monde), de porter à 78% la part de ses eaux placées sous protection, un terme large qui inclut des zones où les restrictions d'activités sont minimales. Sur cette surface, 14,8% sont désormais considérées comme fortement protégées, contre 4,8% avant l'annonce de la Polynésie.

L’annonce du gouvernement polynésien permet aussi d’augmenter la part d’AMP dans le monde, dont l’ambition est d’arriver à 30% des ZEE en aires marines protégées à l’horizon 2030. Ainsi, la part des zones économiques exclusives (ZEE) protégées dans le monde est passée de 8% à 12%. D’autres pays ont aussi annoncé des avancées comme le Brésil, qui passera de 26% à 30%, et la Grèce.

Si l’annonce est louée à l’échelle nationale et internationale, des dissensions sont apparues à l’échelle locale, notamment avec les maires des îles Marquises, qui dénoncent la limitation du zonage côtier de leur archipel à 15 milles nautiques, et demandent une limitation à 30 milles à l’instar des îles de la Société. Selon les édiles marquisiens, cette limitation est insuffisante pour empêcher les thoniers de Tahiti de venir concurrencer les pêcheurs locaux à l’intérieur même de l’aire marquisienne.

Ils réclament aussi la création d’une autre zone de protection forte de 310 000 km2 au Sud et à l’Est de leur archipel, et une définition stricte de la pêche artisanale. De son côté, le président de la Polynésie avait assuré, lors de son annonce, que ces limitations seraient précisées à la faveur de concertations avec les maires.

Avec AFP