Transition énergétique en Polynésie : Un contrat de partenariat « en cours de négociation » avec l’État, assure Barbara Pompili

Transition énergétique en Polynésie : Un contrat de partenariat « en cours de négociation » avec l’État, assure Barbara Pompili

Interpellée par la députée de Polynésie Maina Sage (Agir ensemble), dans le cadre de l’examen des crédits alloués à la mission énergétique du PLF 2021 et plus précisément sur la création d’un « équivalent » de l’impôt « charges de service public d’électricité (CSPE) » en Polynésie, la ministre de la Transition écologique a assuré qu’un « contrat de partenariat pour la transition énergétique entre l’État et la Polynésie française est en cours de négociation ». 

Défendant un « amendement d’appel pour solliciter l’étude d’un partenariat État-Polynésie française relatif à la transition énergétique », dans le cadre de l’examen des crédits de la mission énergétique, la députée de Polynésie a interpellé la ministre Barbara Pompili sur la création « d’un équivalent CSPE » pour la Collectivité d’Outre-mer. « Nous ne sommes pas éligibles à la CSPE donc c’est un amendement dans lequel j’ai chiffré ce que cela aurait pu représenter si nous étions dans le giron de cette contribution », a expliqué la députée Maina Sage.

« En net, après déduction d’une fiscalité locale qui pourrait être appliquée de la même façon que dans l’Hexagone, cela représentera un volant d’environ 50 millions d’euros sur les 8,4 milliards estimés en 2020 par la CRE, ce qui représente 0,59% du prélèvement actuel ». Ces 50 millions d’euros financeraient un « Fonds de financement de la transition énergétique à destination de la Polynésie française », peut-on lire dans l’exposé sommaire de l’amendement.

« C’est une nécessité de pouvoir à la fois accélérer la transition en Polynésie » a insisté la députée qui rappelle que « l’énergie est couteuse » pour cette Collectivité. « Nous sommes un territoire complexe à gérer, avec 118 îles, 76 habitées, éparpillées sur une surface grande comme l’Europe, avec aussi des différences de terrains entre des îles hautes, des atolls, des faibles bassins de populations », a-t-elle souligné.

En réponse, la ministre de la Transition écologique a rappelé que « l’énergie relève de la compétence de la Collectivité ». « Le gouvernement de la Polynésie française est seul compétent pour décider des mesures qu’il entend adopter et mettre en œuvre », en matière énergétique. « Dans ces conditions, la CSPE ne peut pas être étendue à la Polynésie car l’État n’exerce pas dans ce territoire de mission de service public au titre de l’énergie », explique Barbara Pompili qui a demandé le retrait de cet amendement, malgré le soutien « à titre personnel » du rapporteur Julien Aubert et l’accueil positif des autres députés présents en séance.

La ministre a toutefois assuré son souhait de « faciliter et accompagner la mise en place de la transition énergétique dans le domaine électrique ». « Nous avons eu l’occasion d’en discuter quand j’ai rencontré le président Édouard Fritch. Un contrat de partenariat pour la transition énergétique entre l’État et la Polynésie française est en cours de négociation dans lequel on va travailler sur tous ces sujets : la sécurité, l’approvisionnement, les énergies renouvelables, sur la tarification de l’électricité, sur une programmation pluriannuelle de l’énergie, sur le climat, la qualité de l’air, l’économie d’énergie, … On va faire ce travail ensemble pour que l’État soutienne le développement des énergies renouvelables » en Polynésie française, a conclut la ministre.

Définition « charges de service public d’électricité » CSPE : 

La CSPE est un impôt affectant la facture de tout consommateur d’électricité, sans autre explication, qu’au verso de sa facture, l’explicitation dudit sigle : contribution aux « Charges de Service Public d’Électricité ». Variable d’une année sur l’autre (et toujours à la hausse), il a été institué, via la loi n°2000-108, pour financer les charges dites de solidarité pour les « zones non interconnectées » (ZNI) que sont les îles (de la Corse à La Réunion) au travers de ce qu’on appelle la péréquation tarifaire ; et les personnes en situation de précarité énergétique via des dispositions sociales consistant en l’octroi d’un « tarif de première nécessité », voire une participation au « fonds de solidarité logement ».

A ces astreintes, qui existaient avant la première ouverture à la concurrence du marché de l’électricité de 2000, s’ajouta la prise en compte des surcoûts dus à l’obligation d’achat (OA), par les fournisseurs d’électricité, des énergies renouvelables (EnR) ou de récupération (dont la cogénération [1]) pour lesquelles les tarifs d’achat obligé sont fixés par arrêtés ministériels.

Exposé sommaire tel que présenté dans l’amendement n°3005 : 

« Dès septembre 2014, l’Assemblée de la Polynésie française avait émis le souhait que la contribution au service public de l’électricité soit étendue à la Polynésie française. Ce souhait, confirmé par le Conseil économique, sociale et culturel en mars 2015 s’est heurté au niveau national à l’argument de l’autonomie de la Polynésie française en matière énergétique. Toutefois, en vertu de l’article 169 de la loi organique portant statut d’autonomie de la Polynésie française, à la demande de la collectivité, l’État peut apporter son concours technique et financier dans l’ensemble des domaines de compétences de la Polynésie française en passant par la voie de la contractualisation. Par ailleurs, toutes les collectivités de la République, à l’exclusion de la Polynésie française et de la Nouvelle-Calédonie, bénéficient de ce dispositif, y compris des territoires relevant de l’article 74 de la Constitution. Il s’agit donc d’une mesure d’équité.

Du point de vue de la transition énergétique, la Polynésie française a adopté un Plan de Transition Énergétique (PTE) 2015-2030 aux objectifs ambitieux : atteindre 75% d’énergies renouvelables en 2030 (contre 32% dans l’Hexagone en vertu de la LTECV), passer progressivement du fossile au renouvelable dans toutes les activités, changer le modèle économique en favorisant la transparence des coûts, des prix avec une plus grande ouverture à la concurrence, favoriser les changements de comportements pour aller vers une réduction de la consommation énergétique. Les efforts financiers estimés par la collectivité pour la mise en place de ce plan est évalué à environ 670 millions d’euros en investissements publics et privés.

De surcroit, élargir ce dispositif de CSPE à la Polynésie française est aujourd’hui une nécessité alors que les coûts de production et d’acheminement de l’électricité́ sont particulièrement élevés, notamment du fait de la topographie particulière de la collectivité disséminée en 118 îles sur un espace géographique grand comme l’Europe pour une superficie terrestre équivalente à la moitié de la Corse. Ces coûts conduisent à une électricité́ onéreuse qui pèse lourd dans le budget des ménages, a fortiori en ces temps de crise, d’où un besoin quasi impérieux de bénéficier de la péréquation applicable à la quasi entièreté du reste de la Nation.

Enfin, que l’État soutienne et accompagne la Polynésie française dans sa transition vers une énergie propre après avoir développé l’énergie nucléaire sur son territoire, avec toutes les conséquences que l’on sait, participerait d’un symbole politique majeur.

Pour toutes ces raisons d’équité, d’écologie, de nécessité et d’histoire, cet amendement d’appel prévoit d’augmenter les crédits de l’action 11 « Soutien dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain » du programme 345 « Service public de l’énergie » à destination d’un « Fonds de financement de la transition énergétique à destination de la Polynésie française » doté de 50 millions d’euros. Ce montant est une évaluation de la CSPE net (fiscalité déduite) et pourrait faire l’objet d’une convention de partenariat entre l’État et la Polynésie française au profit de la transition énergétique et afin de lutter contre la vie chère.

Il réduit en conséquence d’autant les crédits de l’action 02 « Accompagnement transition énergétique » au sein du programme 174 « Énergie, Climat et après-mines ». Cette réduction a pour but de se conformer aux exigences de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) qui oblige, lorsque l’auteur d’un amendement souhaite augmenter les crédits d’un programme, à diminuer les crédits d’un autre programme d’autant. Il n’est pas envisagé de restreindre les moyens alloués aux participations financières de l’État ».