La crise entre Etats-Unis et Brésil est montée d'un cran mercredi avec l'annonce par Donald Trump de son intention d'imposer 50% de droits de douane additionnels sur les produits brésiliens en représailles aux poursuites lancées contre l'ex-président Jair Bolsonaro.
Cela a suffi à faire chuter le réal brésilien, qui a touché dans la foulée de l'annonce son plus bas niveau depuis début juin, à 5,6052 réaux pour un dollar. Au coeur du bras de fer: le sort de l'ancien chef d'Etat d'extrême droite Jair Bolsonaro (2019-2022), jugé pour tentative de coup d'Etat.
Cet allié du président américain est accusé d'avoir été le "leader d'une organisation criminelle" ayant conspiré pour son maintien au pouvoir après l'élection présidentielle d'octobre 2022, finalement remportée par le chef de file de la gauche brésilienne, Luiz Inacio Lula da Silva.
L'ancien dirigeant ultra-conservateur risque jusqu'à 40 ans de prison s'il est condamné lors de son procès face à la Cour suprême, qui pourrait s'achever dans les prochains mois.
Dans une lettre adressée mercredi à Lula, le locataire de la Maison Blanche affirme que "la manière dont le Brésil a traité l'ancien président Bolsonaro (...) est une honte internationale".
Les poursuites judiciaires contre lui sont "une chasse aux sorcières (qui) doit cesser immédiatement", ajoute-t-il.
Le président américain accuse également le Brésil d'"attaques insidieuses contre les élections libres et la liberté d'expression fondamentale des Américains", citant notamment les tentatives de la Cour suprême brésilienne de réguler les réseaux sociaux et la désinformation sur les plateformes. "A compter du 1er août, nous appliquerons 50% de droits de douane sur tout produit brésilien entrant aux Etats-Unis, en plus des droits de douane sectoriels", a annoncé M. Trump.
Le courrier prévient également que toute mesure de représailles entraînera "une hausse" supplémentaire de la surtaxe américaine du même montant.
"Pays souverain"
Esquissant une possible escalade, Lula a pourtant prévenu quelques heures plus tard que son pays pouvait décider d'agir en "réciprocité" à "toute mesure de hausse des droits de douane de manière unilatérale". "Le Brésil est un pays souverain avec des institutions indépendantes qui n'acceptera la tutelle de personne", a-t-il affirmé dans un communiqué, refusant toute "ingérence ou menace" contre la justice brésilienne.
La première puissance économique d'Amérique latine avait jusqu'ici été moins frappée que d'autres par la guerre commerciale menée par le président américain à coup de surtaxes douanières. Les Etats-Unis dégagent un excédent commercial dans leurs échanges avec le pays, ce que ne s'est pas privé de rappeler Lula.
Le Brésil s'était toutefois vu infliger de nouveaux droits de douane de 50% sur l'acier et l'aluminium ces derniers mois. Il est le second exportateur d'acier vers les Etats-Unis.
Chargé d'affaires convoqué
Lundi, Donald Trump, qui a lui aussi eu maille à partir avec la justice avant d'être élu pour un deuxième mandat en 2024, avait ouvert les hostilités en appelant sur les réseaux sociaux les autorités du Brésil à "laisser tranquille" M. Bolsonaro, fustigeant déjà une "chasse aux sorcières".
Lula avait aussitôt rejeté cette "interférence".
Le ministère brésilien des Affaires étrangères a d'ailleurs convoqué mercredi le chargé d'affaires américain pour protester contre le soutien apporté par l'ambassade, dans le sillage de Donald Trump, à Jair Bolsonaro.
Il a été reproché au diplomate Gabriel Escobar "une ingérence indue dans les affaires internes brésiliennes", a indiqué à l'AFP une source du ministère.
En cause: un communiqué publié mercredi par le service de presse de l'ambassade, qui jugeait "honteuse" la "persécution politique" contre M. Bolsonaro et ses soutiens.
Brics dans le viseur
La crise entre le Brésil et les Etats-Unis va au-delà même de la relation bilatérale puisqu'il touche aussi aux Brics, le groupe des pays émergents actuellement présidé par Brasilia, qui inclut notamment la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud.
Lundi, le président américain a menacé de droits de douane supplémentaires "tout pays s'alignant sur les politiques anti-américaines des Brics". "Nous ne voulons pas d'un empereur", avait réagi Lula.
Lors d'un sommet à Rio de Janeiro dimanche, le bloc qui entend représenter le "Sud global" sur la scène internationale avait critiqué les droits de douane américains, sans toutefois nommer les Etats-Unis et Donald Trump.
Avec AFP