Territoriales 2023 en Polynésie : Au 1er tour, les indépendantistes en tête, une triangulaire pour le second tour

Territoriales 2023 en Polynésie : Au 1er tour, les indépendantistes en tête, une triangulaire pour le second tour

Le premier tour des élections territoriales en Polynésie s’est clôturé ce soir (ce matin à Paris) par une avance de la liste indépendantiste du Tavini Huira’atira, qui termine en tête ce dimanche soir. Une triangulaire aura lieu au second tour, avec le parti du président sortant, Édouard Fritch, et le A Here Ia Porinetia mené par Nuihau Laurey. La participation est en baisse.

Très suivi en Polynésie française, ce scrutin majeur a sensiblement moins rassemblé cette année. Selon l’estimation de 21h45 (heure locale), la participation s’élevait à 60,25%. En 2018, le premier tour avait terminé avec une participation de 61,51% et 67,46% en 2013. Un effritement de la mobilisation donc, que l’on observe depuis quelques années en Polynésie, et qui confirme une tendance globale et nationale : les électeurs se détournent de plus en plus des grands scrutins. Toutefois, cette tendance peut encore s’inverser.

En effet, lors des Législatives de 2022, le taux de participation en Polynésie avait été bas au premier tour (42,21%). Mais le second tour avait été le théâtre d’une nette mobilisation de l’électorat polynésien, avec au final un taux de participation dépassant les 50%, ce qui n’était plus arrivé lors d’une législatives en Polynésie depuis 2007. Les partis locaux peuvent donc espérer mobiliser l’électorat abstentionniste pour renverser la vapeur ou asseoir les résultats du premier tour, car l’issue du scrutin peut encore changer.

Et concernant les résultats* d’ailleurs, c’est le parti indépendantiste Tavini Huira’atira qui a tiré son épingle du jeu lors de ce premier tour. Le parti d’Oscar Temaru, leader indépendantiste historique, a récolté 34,93% des suffrages exprimés, soit 43 391 voix sur l’ensemble de la Collectivité d’Outre-mer. Le parti, qui devrait présenter la candidature du député Moetai Brotherson pour la présidence le 10 mai prochain, a confirmé sa victoire historique aux Législatives et ravi plusieurs communes plutôt favorables aux autonomistes comme Punaauia (Tahiti), Teva I Uta (Tahiti), Taiarapu (Est et Ouest, Tahiti), Moorea-Maiao, Taputapuatea et Uturoa (île de Raiatea), ou encore la capitale Papeete. Cette dernière, comme Punaauia, avait déjà été ravie aux autonomistes lors des Législatives. De même que les communes rurales de Tahiti, entre Mahina au nord et Paea à l’ouest, qui ont confirmé un vote indépendantiste ce dimanche.

En difficulté pour le second tour, le Tapura Huira’atira, autonomiste et proche du parti présidentiel Renaissance, mené par le président sortant Édouard Fritch, est sévèrement sanctionné, pour la 2ème fois après les législatives de juin dernier. Le parti majoritaire perd près de 16 000 entre ce 1er tour et le 1er tour de 2018, et récolte 30,46% des suffrages exprimés ce dimanche soir (37 847 voix). Le parti au pouvoir se maintien notamment dans l’archipel des Marquises et l’Ouest des Tuamotu-Gambier, grâce à la présence de nombreux maires sur sa liste, dans des îles où l’édile reste une figure importante dans la vie quotidienne. Le Tapura se maintient aussi dans le fief d’Édouard Fritch, la commune de Pirae, et dans la commune de Arue, mais à seulement 61 voix des indépendantistes.

Troisième de ce premier tour, la liste A Here Ia Porinetia, menée par d’ex-cadres du Tapura Huira’atira, confirme son implantation dans le paysage politique polynésien, après ses bons scores aux Législatives de 2022. Avec 18 062 voix et 14,54% des suffrages exprimés, Nuihau Laurey, ancien sénateur et tête de liste, et Nicole Sanquer, ancienne députée, espèrent fédérer derrière leur liste les autres partis plutôt autonomistes mais contestataires du bilan d’Édouard Fritch, au pouvoir depuis 2014. Pour l’heure, Nuihau Laurey a exclu une fusion avec la liste Amuitahiraa O Te Nunaa Ma’ohi de Gaston Flosse, arrivée 4ème avec près de 12% des suffrages, et qui peut fusionner sa liste, ayant dépassé les 5% nécessaires pour une fusion.

Les trois derniers partis, le Ia Ora Te Nunaa du sénateur Renaissance (ex-Tapura) Teva Rohfritsch, le Hau Ma’ohi de Tauhiti Nena et Heiura Les Verts de Jacky Bryant, n’ont pas réussi à passer la barre des 5%. Pour autant, leurs consignes de vote seront surveillées cette semaine en Polynésie.

Duel autonomie contre indépendance ?

« J’espère qu’il y aura un changement. Ce pays en a besoin », a commenté le leader indépendantiste, Oscar Temaru, interrogé par nos partenaires de TNTV quelques minutes après l’annonce des résultats du premier tour. « On a promu les jeunes. Peut-être que les électeurs ont voulu jouer la carte du changement », s’est réjoui le maire de Paea, numéro 2 du parti indépendantiste, Anthony Geros, qui a souligné le basculement du côté indépendantiste de la grande majorité des communes de Tahiti et de plusieurs communes des Îles sous-le-vent.

Le président sortant, candidat pour une troisième mandat, Édouard Fritch, s’est quant à lui dit « surpris » des résultats du premier tour. Constatant un « éclatement des voix autonomistes », Édouard Fritch n’a pas tardé à orienter le débat du second tour sur l’éternel clivage autonomie contre indépendance, se disant « convaincu que les Polynésiens ne sont pas indépendantistes ». « Cette élection, c’est une lutte entre les autonomistes et les indépendantistes », avait-il déclaré un peu plus tôt.

Un discours très vite réfuté par le plus jeune député de la République, Tematai Le Gayic, parmi les nouveaux jeunes cadres du parti indépendantiste. « Ce n’est pas une élection pour aller vers l’indépendance, ce n’est pas un référendum » a-t-il déclaré, ajoutant que « l’ensemble des partis politiques souhaitent un élargissement de l’autonomie, un renforcement de l’autonomie, une reconnaissance de ce peuple (polynésien, ndlr) ou encore un État associé (pour le Amuitahira’a de Gaston Flosse, ndlr). Donc la majorité des Polynésie est pour une amélioration de ce statut d’autonomie, en allant vers plus d’autonomie, voire une pleine souveraineté ».

« On ne peut pas dire que les Polynésiens ont voté pour un parti indépendantiste ou pour des partis autonomistes. Ils ont aussi voté pour des programmes sur la justice sociale, sur des programmes économiques, et ce serait dommage qu’on mette tous ces sujets sous la question de l’évolution institutionnelle », a-t-il conclu. Pour Nuihau Laurey, tête de liste du A Here Ia Porinetia, c’est une surprise d’être qualifié au second tour face à deux grands partis bien implantés dans les îles : « C’est compliqué d’arriver au second tour avec ce mode de scrutin mais on a réussi (…) On a réussi à montrer qu’entre autonomie et indépendance, il y avait d’autres possibilités (…) Nous sommes la troisième voie ».

S’engage désormais deux semaines de campagne d’entre deux tours avant le dimanche 30 avril, date fatidique qui donnera le visage politique polynésien pour les cinq prochaines années. Rappelant que dans ce scrutin, qui vise à renouveler les 57 représentants de l’Assemblée territoriale, une prime majoritaire est accordée à la liste vainqueur au second tour afin d’éviter l’instabilité politique, comme ce fut le cas entre 2004 et 2013. Un troisième tour aura lieu le 10 mai : les nouveaux représentants de l’Assemblée éliront le ou la futur(e) président(e) de la Collectivité d’Outre-mer, naturellement issu de la majorité.

*Les résultats sont encore provisoires et restent à affiner dans la nuit. La représentation de l’État communiquera les résultats définitifs lundi matin, mais les chiffres ne devraient changer qu’à la marge.