Sports : Entre tradition et modernité, le cricket féminin de Nouvelle-Calédonie sous le feu des projecteurs

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Sports : Entre tradition et modernité, le cricket féminin de Nouvelle-Calédonie sous le feu des projecteurs

La Fédération française de cricket mise sur la Nouvelle-Calédonie, où ce sport est très populaire, pour renforcer son vivier de joueuses en vue des Jeux olympiques de Los Angeles en 2028. Mais sur l'archipel, où le cricket se joue en famille et en robe traditionnelle, l'adaptation au haut niveau est un défi.

« C'est simple, dans toute la France (hexagonale), on a 300 femmes licenciées, en Nouvelle-Calédonie on en a 1 500 ». Le calcul est vite fait pour Prebagarane Balane, le président de France Cricket, l'organisme chargé de la promotion de ce sport très populaire dans le monde anglo-saxon mais peu joué en France.

Avec l'inclusion du cricket au programme de Los Angeles 2028, France Cricket entend capitaliser sur l'engouement des joueuses kanak, initiées dès l'enfance. Une convention a donc été signée avec la Nouvelle-Calédonie pour structurer un pôle d'excellence et envoyer des joueuses se former à l'étranger, notamment en Australie, à deux heures de vol.

Objectif : Brisbane 2032. « Certes, il y a les Jeux de Los Angeles, et il y a le potentiel technique et physique, mais le chemin est encore long », prévient Prebagarane Balane. Depuis lundi, une équipe calédonienne dispute, sous le maillot de l'équipe de France, un tournoi international à Nouméa face à des équipes venues du Samoa, des Fidji et du Vanuatu. Mais le cricket joué en Nouvelle-Calédonie, appelé dans l'archipel « cricket traditionnel », diffère radicalement des standards des grandes compétitions.

 Ancré dans la culture kanak

« Le jeu est arrivé avec les missionnaires au milieu du XIXe siècle », raconte Steeven Selefen, conseiller technique du comité national de cricket de Nouvelle-Calédonie : « Ça leur donnait une occasion de réunir les tribus et de porter la parole de l'évangile ». Les missionnaires partis, le sport et l'habitude de se retrouver le dimanche autour du terrain sont restés, avec des spécificités locales. La balle est faite de sève de banian, un arbre tropical, que l'on enserre dans des feuilles de pandanus. 

« Celle du cricket international est en bois entourée de cuir, c'est beaucoup plus dur et elle ne réagit pas pareil. La nôtre se déforme à la frappe et est un peu imprévisible », compare Armonie Konhu, l'un des piliers de cette équipe de France 100% calédonienne. La batte est plus courte aussi et certains gestes autorisés en cricket traditionnel ne le sont pas dans la version internationale. 

Mais surtout, les joueuses ont dû enfiler pantalon, tunique, casque et matériel de protection tandis que le cricket traditionnel se joue en robe mission traditionnelle, ample et longue, généralement aux couleurs d'une tribu. Car l'on joue avant tout en famille au cricket. « On tombe dedans toutes petites. Moi je suis de l'île des Pins et toutes les femmes pratiquent le cricket », poursuit Armonie Konhu, qui fut porte-drapeau de la Nouvelle-Calédonie aux Jeux du Pacifique en 2023.

 Tremplin et émancipation

« On joue avec nos mamans, nos tantines, on ne nous laisse pas le choix. Mais on finit par se prendre au jeu », reprend-elle. Facile d'accès, le cricket est un moyen d'émancipation pour ces femmes, qui peuvent surveiller les enfants installés sur une natte au bord du terrain. Les parties pouvant durer des heures, il n'est pas rare de s'interrompre pour déjeuner à l'ombre des arbres, avant de reprendre le jeu dans l'après-midi.

Véritable institution en Nouvelle-Calédonie, le cricket traditionnel a son championnat, féminin et masculin. « On ne veut pas abandonner le cricket traditionnel. Il fait partie de notre culture et il permet aux femmes des tribus d'avoir une pratique sportive », insiste Steeven Selefen. La plupart des joueuses sont issues de milieux populaires ou ruraux : la création d'un pôle d'excellence et la possibilité d'échanges internationaux leur ouvrent des perspectives nouvelles.

« On a pu discuter avec les joueuses des autres équipes venues pour le tournoi. Certaines sont professionnelles en Australie, forcément ça leur ouvre des possibilités d'avenir », raconte Kamea Moingoto, 19 ans, originaire de l'île d'Ouvéa. Une opportunité bien comprise par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie mais aussi par toutes les instances locales : les 47 clubs du territoire ont tous adhéré cette semaine à France Cricket.

Avec AFP