Lors des questions au gouvernement du Sénat ce mercredi, Robert Xowie, élu sénateur le 24 septembre dernier, a effectué sa première prise de parole. Une question destinée à Gérald Darmanin, dans laquelle il affirme que « le peuple Kanak n’est pas l’ennemi du peuple français » et demande si « le gouvernement, compte, comme au troisième référendum, passer en force cette révision constitutionnelle ».
« Le peuple Kanak n’est pas l’ennemi du peuple français. Il veut mettre fin à une histoire coloniale de 170 ans » a déclaré le sénateur siégeant au CRCE-Kanaky (groupe communiste) en introduction de sa première question au gouvernement. Le sénateur, élu local de l’Union calédonienne (UC), a ensuite évoqué le projet d’accord remis par le gouvernement aux partenaires politiques calédoniens en septembre dernier, lors d'un nouveau cycle de discussion sur l'avenir institutionnel de l'archipel à Paris.
Si à l'issue de ces discussions les indépendantistes semblaient enclins à travailler, avec les non indépendantistes, sur le projet d'accord de Gérald Darmanin, le retour en Nouvelle-Calédonie s'est accompagné de dissonances au sein du FLNKS. En effet, le projet a été rejeté et vivement critiqué par l’UC, qui a décidé de suspendre le dialogue, tandis que le Palika, autre parti majeur du FLNKS, appelle à « entrer en discussion avec les non-indépendantistes » pour « pour décrocher les derniers éléments de la souveraineté ».
Ce projet, constate Robert Xowie, « aurait vocation à être le support d’une révision de la constitution », et « commence par dire que le peuple calédonien a manifesté sa volonté que la Nouvelle-Calédonie reste dans la France ». « Je rappelle qu’au troisième référendum, 56% des Calédoniens se sont abstenus, dont plus de 90% de Kanak » a-t-il souligné, citant l’historien Louis-José Barbançon : « Le peuple calédonien sans le peuple Kanak n’existe pas ». Le 3ème référendum est toujours contesté par le FLNKS, a-t-il aussi rappelé.
Pour le sénateur, ce projet d’accord « abandonne toute trajectoire de décolonisation ». « Le référendum envisagé », pas avant deux générations, « vise à refaire accepter un statut d’autonomie dans la France ». En effet, il s’agirai d’un référendum de projet, et non plus d’autodétermination, qui, selon le sénateur, serait « prétexte à la désinscription de notre pays de la liste des territoires décolonisés » de l’ONU.
« Il vise ensuite à se substituer à l’accord de Nouméa en lui faisant perdre sa valeur constitutionnelle » et « veut offrir le périmètre du peuple calédonien aux arrivants, ayant 10 ans de résidence », a-t-il poursuivi. Sujet ô combien sensible dans les négociations entre l’État et les partenaires politiques calédoniens, « le corps électoral glissant légitime la colonie du peuplement, qui est contraire aux résolutions de l’ONU aux équilibres négociés en 1998 », lors de l’accord de Nouméa.
Déplorant un « manque d’impartialité » de Paris, qui « amène aujourd’hui un débat stérile », Robert Xowie appelle à la « sagesse » de l’État. « Sans consensus, le gouvernement compte-t-il contre l’avis du FNLKS, et comme au troisième référendum, passer en force cette révision constitutionnelle, ou envisage-t-il de présenter lors de bilatérales de décolonisation un nouveau document qui se situerait enfin dans la continuité historique de l’accord de Nouméa », a interrogé le sénateur.
« Au cours des derniers mois, le président de la République et le gouvernement se sont employés à créer des conditions d’un dialogue serein et constructif avec les indépendantistes et les non indépendantistes » a défendu la Première ministre Élisabeth Borne, qui a répondu au sénateur en lieu et place du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, à qui la question était initialement dédiée.
Elle a aussi rappelé la visite d’Emmanuel Macron en Nouvelle-Calédonie en juillet dernier, visite durant laquelle il avait appelé à l’élaboration d’un « Pacte de Nouméa de pardon et d’avenir », puis les dernières bilatérales parisiennes durant lesquelles ce projet d’accord a été remis. « Au terme de ses échanges tous non indépendantistes comme indépendantistes se sont engagés à poursuivre les discussions » sur la base de ce projet. « Ce document est une base de travail, il appartient aux parties de formuler leurs propositions concrètes », a-t-elle aussi insisté, soulignant que « gouvernement souhaite parvenir à un accord d’ici la fin de l’année » à la condition que « tous participent aux discussions, animés par la volonté d’aboutir ».
Le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer se rendra à nouveau en Nouvelle-Calédonie, fin octobre. « Le moment venu, le gouvernement présentera un projet de révision constitutionnelle pour tirer les conséquences de l’accord trouvé. Cette révision devrait notamment permettre le dégel du corps électoral provincial, qui est une exigence démocratique » a martelé Élisabeth Borne. Selon la cheffe du gouvernement, l’accord devrait aussi passer par référendum, au même titre que l’accord de Nouméa en 1998.
« Il s’agit d’avancer », a-t-elle encore déclaré, « et comme le dit le président de la République : « nous n’avons pas le droit d’attendre, c’est l’avenir que nous sommes en train de construire. Celui de la jeunesse calédonienne, celui de la Nouvelle-Calédonie dans la République ». Le porte-parole du Palika, Jean-Pierre Djaiwé a lui affirmé que son parti entend « continuer à travailler pour faire d’autres contre-propositions et aller plus dans le sens de ce que nous souhaitons : inscrire le mouvement vers la trajectoire de l’accession à la pleine souveraineté ».