PORTRAIT. Taianui Goubrey, premier Tahitien sélectionné pour restaurer un Air Force One

©Taianui Goubrey / TNTV

PORTRAIT. Taianui Goubrey, premier Tahitien sélectionné pour restaurer un Air Force One

C'est la première fois qu'un Tahitien participera à ce projet hors du commun au musée d'aéronautique et d'aérospatiale à Seattle : celui de restaurer le premier avion à réaction présidentiel des États-Unis, un Air Force One. Rencontre avec Taianui Goubrey, professionnel du detailing automobile avec notre partenaire TNTV. 

S’il est un habitué de restauration de voitures voire de bateaux, c’est aux avions qu’il va bientôt devoir se mettre. En effet, c’est les étoiles plein les yeux que Taianui Goubrey nous annonce qu’il va réaliser son rêve d’enfant : rénover un Air Force One, le premier avion à réaction présidentiel des États-Unis, aussi connu sous le nom de SAM (Special Air Mission) 970. Un avion qui a transporté les présidents américains Dwight D. Eisenhower, John Fitzgerald Kennedy, ou encore Lyndon B. Johnson et Richard Nixon. « Je n’imaginais pas du tout être sélectionné. C’est une reconnaissance de mon travail, une consécration » confie-t-il.

Né à Tahiti il y a 38 ans, Taianui ne pensait pas qu’il ferait un jour de sa passion son métier. Après un BTS agricole et commercial, il touche un peu à tout, enchaîne les petits boulots, part quelque temps en France, et revient en Polynésie où il travaille en tant que commercial. Son temps libre, il le passe à entretenir sa voiture : « Je lavais ma voiture, je faisais les vidanges, un peu de mécanique… ». Les voitures, une passion qui ne l’a jamais quittée depuis sa tendre enfance : « Il y a une culture du véhicule ici, qui est assez proche de la culture américaine. Et pour beaucoup, c’est un critère de reconnaissance, de réussite ».

Le detailing ou l’art de la cosmétique automobile

Il y a une dizaine d’années, il décide finalement de se professionnaliser dans le detailing : « J’avais besoin, au bout d’un moment, de créer quelque chose et de vivre de ma passion. Si au bout d’un moment, on ne se lance pas, on ne se lance jamais. J’ai donc pris le pari d’ouvrir ma boite. Je voulais me professionnaliser et ne pas être simplement utilisateur de produits ».

Mais le detailing, c’est quoi au juste ? « C’est l’art de la cosmétique automobile » explique Taianui. « C’est différent du tuning où on va repeindre le véhicule, changer les jantes, réparer le moteur etc. Là, on va être sur l’embellissement du véhicule, on ne change rien, on ne rajoute rien. C’est-à-dire qu’en polissage, on va retirer les rayures, on va rendre de l’éclat au véhicule sans passer par la case peinture. On ravive, on magnifie son éclat. Ce qui me plait dans le detailing, c’est cet aspect technique » précise-t-il.

S’il ne regrette rien et peut être fier de son parcours, Taianui concède avoir eu des difficultés, comme tout entrepreneur qui se lance : « En tant qu’entrepreneur, s’il n’y a pas de moments de doute, c’est qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Mais il ne faut rien lâcher. Et je suis arrivé avec des prix plus élevés que ce qui se faisait. Sur le marché ici, il y en a beaucoup qui font du carwash. Mais ils ne font que du lavage. Ils essaient de faire ce que l’on fait en detailing, mais sans la technique. C’est comme essayer de détacher une robe qui a une tache de café avec un petit mouchoir. Je travaille de manière plus profonde, mais toujours en restant dans le respect de la matière. Je me différencie des autres. Ça va passer par les techniques, par certains produits, par la compréhension chimique aussi de la tâche. Une tache de lait, tu ne la traites pas de la même manière qu’une tache d’huile »

Autodidacte, Taianui se forme sur le tas, au fil des années : « J’ai vu les technologies évoluer. On a des produits qui sont beaucoup plus efficaces et efficients maintenant qu’il y a 20 ans. Et puis, aujourd’hui, c’est une grosse industrie, les fabricants et les chimistes travaillent de manière symbiotique pour avoir des produits de plus en plus respectueux de l’environnement, même si ce n’est pas toujours facile. Mais ils sont toujours aussi efficaces. Il y a une vraie recherche sur les produits ».

C’est le bouche-à-oreille qui a fait connaître et reconnaître sa société sur Tahiti. Taianui travaille seul depuis 20 ans et se déplace chez ses clients : « Je suis mobile. Cela évite de déplacer la voiture, surtout quand c’est une voiture des années 70, par exemple. Je préfère faire un travail de qualité plutôt que de faire un travail de quantité. Et je suis quelqu’un qui aime travailler seul ».

Il décide par la suite de suivre une formation de detailing aux États-Unis : « Le detailing n’est pas encore reconnu en France. En tout cas, ce n’est pas reconnu comme une activité comme la peinture, la carrosserie »« C’est vraiment une formation qui m’a changé, admet-il encore. Je suis parti pour me former, mais également pour voir mon niveau. Je voulais voir ce qu’un petit Tahitien de l’autre bout du monde valait contre les cadors des États-Unis ». Une formation qui lui permet de rencontrer son mentor, devenu un ami : Renny Doyle. « Il m’a dit que j’avais un bon niveau. J’étais flatté. Je me suis dit que je n’étais pas à la ramasse et que je n’avais pas à rougir de ce que je faisais ! ».

À l’issue de sa formation, le ‘detailer’ saisit l’opportunité de rejoindre la « Detail Mafia », un groupe reconnu d’anciens élèves : « On est environ 200 de tous les pays ». Taianui est le seul de Polynésie française. Intégrer ce groupe lui permet de postuler pour faire partie de ceux qui ont le privilège de retaper chaque année des avions du Museum of Flight (musée privé d’aéronautique et d’aérospatiale) de Seattle : « C’est la 21e année que The Detail Mafia rénove ces avions ». Ils sont 35 « detailers » en tout à avoir été sélectionnés sur dossier dont Taianui. Tous les membres de l’équipe sont des bénévoles, detailers professionnels et businessmanqui donnent de leur temps et de leurs compétences au projet.

Pendant une semaine, du 7 au 14 juillet prochains, il va ainsi travailler sur plusieurs avions au sein du plus grand musée privé aéronautique au monde : « Ce sont des avions qui demandent beaucoup d’attentions. Le Air Force One est un avion qui date de 1959. Du coup, ce ne sont plus du tout les mêmes carrosseries, les mêmes fuselages… Les 707 sont en aluminium et ça demande de l’entretien ».

Avec son équipe, Taianui fera du détailing sur 6 avions : un Air Force One donc, un Concorde G-BOARG Alpha Golf, un Boeing 727 (le tout premier) et un Boeing 747 (le tout premier). Un avion de ligne le Lockheed 1049G Super Constellation Connie et un B-29 Superfortress T Square 54. Ce dernier est un avion qui a été transformé en bombardier, qui a participé à la Seconde Guerre mondiale, et qui a fait deux missions dans le Pacifique. Un honneur pour Taianui qui ne manquera pas de faire rayonner sa Polynésie natale à Seattle.

Noémie Schetrit pour TNTV