Polynésie : Pour le nouveau Haut-commissaire, « le salut (…) n’est pas de demander de l’argent mais de créer de la richesse »

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Polynésie : Pour le nouveau Haut-commissaire, « le salut (…) n’est pas de demander de l’argent mais de créer de la richesse »

Lors de sa prise officielle de fonction, ce lundi, le nouveau Haut-commissaire de la Polynésie Éric Spitz a assuré de l’action de l’État ou du soutien au Pays sur de nombreux sujets, de la sécurité à la transition énergétique en passant par le logement, la culture ou l’innovation. Pour autant, Éric Spitz a expliqué qu’on ne pouvait pas « tout attendre » de Paris et suggéré qu’il préférait accompagner le développement de l’économie locale plutôt que de promettre davantage d’aides financières. Explications de notre partenaire Radio 1 Tahiti.

Un dépôt de gerbe au monument aux morts de l’avenue Pouvaana a Oopa à Papeete, un discours sous le fare pōte’e (sorte d’abris ouvert, ndlr) du Haut-commissariat, des rencontres avec des élus et « acteurs » de Polynésie… Éric Spitz a pris ses fonctions ce lundi matin, en suivant, peu ou prou, le même parcours que ses prédécesseurs.

Comme lors de son arrivée à l’aéroport, vendredi dernier, le nouveau représentant de l’État a répété « tout son plaisir » et sa « fierté » de retrouver la Polynésie, où il avait déjà officié entre 2008 et 2010 en tant que secrétaire général du Haut-commissariat. Douze ans après, il travaillera avec beaucoup de têtes connues du côté du Pays, à commencer par Édouard Fritch, président de la Collectivité, qui était alors vice-président de Gaston Tong Sang, devenu président de l’Assemblée locale et qui était au premier rang des invités ce lundi.

Dissiper les « ombres de l’histoire » sur le nucléaire

Reprenant, comme à chaque nouvelle prise de poste, la maxime du haut-fonctionnaire guyanais Félix Éboué - « Aimer pour comprendre, comprendre pour agir » -, Éric Spitz a insisté sur son affection déjà forte pour la Polynésie, « fruit d’une culture unique, d’une identité forte, d’une civilisation ancienne » et aux « liens uniques » avec la France. Et sur son intention de mener des consultations larges avant toute prise de position sur les dossiers du pays.

« Je souhaite aller à la rencontre de tous les Polynésiens : élus représentants du monde économique, social, culturel, voire religieux. Mais aussi tous les autres », a-t-il expliqué, « je compte sur les tavana (maires, ndlr) lors de mes déplacements pour me montrer ce qui va et ce qui ne va pas et me faire rencontrer des gens qui ne sont pas toujours d’accord avec nous ». Aux représentants institutionnels rassemblés devant lui, il promet une écoute attentive et une volonté de travail en commun : « Une politique publique ne peut produire ses effets que si nous travaillons ensemble ». Voilà pour ce qui est « d’aimer » et de « comprendre ».

L’action, « ce n’est pas le moment d’en parler dans le détail », précise le nouveau haut-commissaire, qui a tout de même cité les dossiers sur lesquels l’État compte intervenir ou assister le Pays. Et ils sont nombreux : patrimoine, culture - avec notamment le soutien à la candidature des Marquises à l’Unesco -, développement économique, insertion, emplois – la visite du SMA de Hao est au programme des prochaines semaines – logement, ou sécurité avec, comme son prédécesseur Dominique Sorain, un focus particulier sur les violences intra-familiales…

Le dossier du nucléaire, évoqué dès sa sortie de l’avion en même temps que le « remboursement de la CPS » sur les maladies radio-induites, est bien un point important de sa mission : « le chef de l’État a pris des mesures fortes pour dissiper cette part d’ombre de l’Histoire », il s’agit donc de les concrétiser.

Fonds de transition : il y en aura pour tout le monde

Mais c’est aussi sur la « transition écologique et énergétique » qu’Éric Spitz a tenu à insister. L’État interviendra notamment au travers du « fonds Macron » et ses 7 milliards de francs CFP, qu’il compte mettre en œuvre « au plus tard avant la fin de l’année ». Alors que le président Édouard Fritch a déjà promis aux tavana des îles qu’ils pourraient compter sur ce fonds pour construire des centrales hybrides, et que le président du Medef Frédéric Dock a évoqué l’idée de l’affecter en partie à la transition énergétique dans les entreprises, le représentant de l’État, qui devrait recevoir un mandat de Paris pour gérer ce fonds, siffle la fin des débats. « Ça doit servir à tous les projets qui sont au service de cette transition écologique », pointe-t-il. « Essayons déjà de dépenser tout l’argent que nous avons avant d’essayer de se battre comme s’il n’y en avait pas assez ».

« On ne peut pas tout attendre » de Paris

Éric Spitz évoque aussi l’aide aux communes pour remplir leurs obligations en matière d’eau, d’assainissement ou de déchets - des sujets sur lesquels la Polynésie a beaucoup de retard -, et rappelle que l’État compte prêter main-forte dans la stratégie innovation du pays. « Ça peut être un pilier du développement de la Polynésie », insiste-t-il.

Pour autant, pas question pour le nouveau haut-commissaire d’alimenter de faux espoirs en matière financière. Par exemple lorsqu’il est interrogé sur l’annulation des dettes de Prêts garantis par l’État (qui représentent 64 milliards de francs côté Pays et plus de 55 pour les entreprises locales), demandée par, entre autres, Tony Géros, maire et représentant indépendantiste. Au Congrès des maires, Édouard Fritch avait déjà dénoncé une « pure démagogie ». Plus diplomatique, Éric Spitz évoque les efforts de Paris en matière de solidarité pendant le Covid, et suggère qu’il vaut mieux aider l’économie à se redresser plutôt que de la subventionner. 

« Il est évident que le salut pour la Polynésie ce n’est pas de demander toujours plus d’argent mais de créer de la richesse, de la valeur au niveau local », explique-t-il. Le nouveau représentant de l’État se dit prêt à « intercéder » auprès de Paris sur certains sujets – le remboursement de la CPS, notamment – mais « on ne peut pas tout attendre de tout ». « Je préfère, en ce qui me concerne, travailler, parce que je préfère compter sur moi-même que sur les autres ». 

Charlie René pour Radio 1 Tahiti