Six mois après l’annulation définitive de l’offre d’Egis, actuel concessionnaire de l’aéroport international de Tahiti-Faa’a, l’État a choisi de ne pas relancer un nouvel appel d’offres. Paris, pressé sur ce dossier par le Pays et par les salariés d’ADT, a préféré attribuer cette concession de 40 ans au groupe arrivé second lors de la dernière procédure d’attribution : Vinci Airports, qui gère une quarantaine de plateformes dans le monde. Explications de notre partenaire Radio 1 Tahiti.
L’annonce a été faite ce vendredi par le gouvernement central, à Paris. Dans un communiqué, le ministère de la Transition écologique en charge des Transports se dit « conscient de la nécessité pour le territoire polynésien de bénéficier d’un aéroport à la hauteur de ses enjeux économiques et touristiques » et précise que l’offre de Vinci Airports « présente le meilleur avantage économique global » et « propose un projet cohérent, efficace et ambitieux pour la plateforme ».
12 ans de procédure
En septembre 2021, après deux ans de procédure d’appel à concurrence, l’État lui avait pourtant préféré l’offre du groupe Egis, actuel exploitant de Tahiti-Faa’a au sein de la société ADT. Un groupe déjà désigné en 2010 pour prendre les rênes de l’aéroport, avant que la justice n’annule une première fois l’attribution en 2017. Rebelote fin octobre 2021. Si Vinci s’était déclaré « bon perdant », le groupe surveillait de près le recours lancé par la CCISM, autre candidate malheureuse à cette concession avec son groupement TI’A (avec Boyer, Meridiam et Aéroport Marseille Provence).
Le tribunal administratif de Papeete avait alors annulé non pas la procédure, mais l’offre d’Egis qui ne remplissait pas, après analyse, tous les critères de formes fixés par le cahier des charges. Après confirmation de cette mise hors-jeu d’Egis par le Conseil d’État en mars dernier, Paris n’avait que deux options : relancer entièrement un appel à concurrence – une procédure qui pourrait durer 2 à 3 ans – ou attribuer le marché au candidat arrivé deuxième. Après six mois de battement et une élection présidentielle, c’est l’option 2 qui a été choisie.
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Et l’offre arrivée deuxième, c’est celle de Vinci Airports, devant celle du groupement TI’A. La filiale du géant français de la construction et des concessions, et qui gère, avec une dizaine de milliers de salariés, pas moins de 52 aéroports dans le monde. On y trouve une douzaine d’aéroports français (Lyon, Nantes, Rennes…) mais aussi des plateformes au Brésil, au Royaume-Uni, au Japon, ou, plus proche de nous, aux États-Unis et au Chili. Son offre, pas plus que celle de ses concurrents, n’a pas été rendue publique, mais Vinci, groupe très présent dans le BTP a présenté un plan de modernisation particulièrement poussé de la plateforme de Tahiti-Faa’a et proposé la construction d’un Swac dédié.
Un « nouvel aéroport »
« Ils vont construire un nouvel aéroport, et ça, ça nous plaît », a d’ailleurs commenté Édouard Fritch auprès de TNTV ce matin, on ne peut plus continuer à réparer, ce système est terminé ». Lors de son passage à Paris la semaine dernière, le Ministère des Transports s’était engagé à donner une réponse sous quinze jours. Il a finalement été plus rapide. « Je crois qu’ils ont bien noté aujourd’hui l’urgence pour le pays de mieux aménager notre aéroport, notre porte d’entrée », précise-t-il, toujours au micro de la télé du Pays. « Des compagnies aériennes se présentent à la porte du pays et cet élément est crucial : nous ne pouvons pas nous permettre d’accueillir des touristes dans de mauvaises conditions ».
Du côté de Vinci Airports, on se dit « fier » d’avoir été désigné. « Nous serons pleinement engagés pour faire de cette infrastructure une porte d’entrée à la hauteur des besoins et des attentes du territoire, tant en termes de qualité de service que d’ambition environnementale, pour un développement pérenne et durable de la connectivité de la Polynésie », a déclaré Nicolas Notebaert, le président de la société, à l’AFP.
D’après Paris, Vinci doit prendre les rênes de la concession pour 40 ans « avant la fin du premier semestre 2023». Mais le groupe devrait commencer à échanger avec le Pays beaucoup plus rapidement que ça. À l’image d’Egis avec ADT, Vinci Airports doit former une société d’exploitation dont la Polynésie sera, de droit, actionnaire à 49%. Le contrat de concession stipule que la nouvelle structure doit reprendre l’ensemble des salariés d’ADT, et lancer le réaménagement de l’aérogare, des parkings, la création d’une nouvelle voie de circulation pour les avions et le doublement du canal de drainage. D’après la présidence, une présentation du plan de Vinci pour l’aéroport de Tahiti-Faa’a doit être faite dès la semaine prochaine.
Pas la fin du feuilleton
Douze ans après la première attribution de la concession à Egis, voit-on enfin la fin du feuilleton de l’aéroport ? Certains en rêvent mais rien n’est moins sûr. Car lors de son dernier recours contre l’attribution, la CCISM avait mis sur la table une cascade d’arguments pour demander l’annulation de l’offre d’Egis mais surtout l’annulation de l’appel à concurrence lui-même. Le juge des référés n’avait alors retenu qu’un point – portant sur l’offre plutôt que sur la procédure – mais l’avocat de la chambre de commerce et d’industrie avait dès le mois d’octobre précisé que de nouveaux recours seraient lancés en cas d’attribution à Vinci. Le groupe Egis, filiale de la Caisse des Dépôts et donc très proche de l’État, serait lui aussi fondé à agir.
Plus tard dans la journée, la CCISM a finalement confirmé le dépôt d’un nouveau recours dans ce dossier. Pour le président de la CCISM, Stéphane Chin Loy, et les partenaires du groupement TI’A, la décision annoncée par le Ministère de la Transition écologique n’était qu’une demi-surprise : « L’État a la possibilité de désigner le 2e ou le 3e candidat. Nous avons estimé que tout le cahier des charges de l’appel d’offres était vicié, c’est pour ça que nous avions attaqué la première fois. Pour nous il fallait relancer un nouvel appel d’offres pour justement éviter tous les différents recours qui vont continuer à tomber. C’était à nos yeux la meilleure des solutions, qui n’est pas retenue aujourd’hui ».
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