En escale à Mangareva, le Plastic Odyssey, navire en guerre contre la pollution des mers, va mettre le cap sur Pitcairn et l’île Henderson pour tenter d’évacuer, pourquoi pas en parachute ascensionnel, 18 tonnes de déchets d’une des plages les plus isolées du monde. Retour, ensuite, aux Gambier, aux Tuamotu, puis aux îles de la Société, pour un mois de mission polynésienne, pendant lesquelles l’équipage veut notamment promouvoir des « micro-usines » de recyclage et de revalorisation des plastiques. Précisions avec notre partenaire Radio 1.
Un an et demi déjà que le Plastic Odyssey a lancé son « expédition mondiale » depuis Marseille. Trois continents, une trentaine d’escales et trois ans de voyage, dont l’ancien navire océanographique, longuement rénové par des passionnés de mer et de nature, est donc à mi-chemin. Avec ses 40 mètres de long, Plastic Odyssey, qui voyage à petite vitesse – 8 nœuds tout au plus – pour limiter son impact carbone, ne se propose pas, comme d’autres expéditions thématiques, de « collecter » les plastiques flottants dans les océans. Pour les concepteurs du projet, et notamment Simon Bernard, jeune ingénieur passé par la marine marchande, le mal est plus profond, et c’est sur la source de cette envahissante pollution qu’il faut agir.
Agir en amont de la pollution
De la Méditerranée à l’Amérique du Sud et aux Caraïbes, avant l’Asie du Sud-Est puis les côtes africaines, le « laboratoire flottant » et sa vingtaine de membres d’équipage se proposent donc plutôt de répandre la bonne parole et surtout les bonnes solutions pour éviter que le plastique ne termine dans les océans. Sensibilisation des jeunes et moins jeunes à la diminution de la production de déchets, démonstration, à bord, de techniques de recyclage et de revalorisation, rencontre, surtout, avec des décideurs économiques ou politiques… « L’objectif est de trouver et montrer des solutions pour recycler le plastique et réduire son utilisation, avant qu’il arrive en mer, précise Simon Bernard depuis Rikitea où le navire est en ravitaillement depuis plusieurs jours. Avant qu’il ne soit trop tard. »
Pas de coïncidence, donc, si les pays traversés sont parmi les plus « en retard » sur les questions de déchets. Plastic Odyssey a déjà dans ses cales un petit catalogue de « solutions » technologiques, organisationnelles ou pédagogiques testés dans diverses régions du monde et que l’expédition se charge d’exporter. Comme ces micro-usines de recyclage qui « peuvent fournir des matériaux de construction par exemple et engendrer de l’activité localement ».
Ces missions d’information, d’éducation et de développement n’empêchent pas l’équipage de mettre la main à la pâte, au plutôt dans les déchets, de temps à autres. Ce sera le cas la semaine prochaine sur Henderson, île de l’archipel des Pitcairn, où le navire va mettre le cap d’ici lundi.
Le « nettoyage de l’impossible » à Pitcairn
Cette île inhabitée et au milieu de grands courants océaniques est considérée par certains comme « la plus polluée du monde », notamment sa grande plage Nord-Est, où une expédition précédente avait ramassé et mis en sac pas moins de 18 tonnes de déchets. Le Plastic Odyssey, qui n’a pas vraiment donné dans le « cleanup » ces 18 derniers mois, veut réussir là où ses prédecesseurs avaient échoué : évacuer ces déchets malgré l’imposante barrière de corail et l’absence de passe autour de l’île. Un « nettoyage de l’impossible » qui est préparé depuis 6 mois, précise Simon Bernard, qui prévoit une traversée périlleuse de l’île par une partie de l’équipage. Ensuite, c’est un parachute ascensionnel, déjà à bord, qui devrait être utilisé pour faire passer les déchets au dessus du récif. « C’est la solution la plus innovantes parmi celles que nous avons étudié », explique l’ingénieur. Un système de radeaux et de plateformes flottantes capables, au moment opportun, de passer le récif, va aussi être testé. Et là encore, l’objectif de la mission est bien d’innover, de trouver des solutions exportables… « Si ça fonctionne, c’est une solution qui pourrait être appliqué sur d’autres îles qui ont une problématique comparable de récif infranchissable, comme au Costa Rica ou à Clipperton », pointe le chef d’expédition.
Une partie des déchets d’Henderson, s’ils peuvent être évacués, devraient être traités à bord. Et les « meubles, bancs, tables, ou matériaux de construction » qui en seront tirés pourraient, pourquoi pas, être renvoyés vers Pitcairn en guise de preuve de l’utilité de retraiter le plastique avant qu’il ne devienne un déchet. Le reste sera pris en charge par l’Aranui, de passage à Pitcairn entre les 21 et 22 février, et transféré vers Tahiti où seront organisés le recyclage et l’exportation.
Des débouchés pour les plastiques des fermes perlières
Dans le même temps, le Plastic Odyssey, à bord duquel se croisent marins, ingénieurs, spécialistes du plastiques, biologistes et autres chercheurs qui profitent des escales, notamment celle d’Henderson, pour étudier les conséquences de la pollution sur la faune locale, reprendra sa lente course vers l’Ouest. Direction, de nouveau, les Gambier, avant des escales dans plusieurs îles des Tuamotu, dont Apataki et Rangiroa, à Moorea, et un passage à Tahiti avant la fin mars.
Un mois au total, pour parler notamment des déchets de la perliculture et de leur revalorisation, des problèmes de traitement dans les petites îles, ou du manque de débouchés locaux en matière de recyclage… Les apôtres de « l’urgence plastique » pourront s’appuyer pour ça sur leur « antenne » polynésienne, installée depuis janvier. L’ingénieur qui y est attaché ne repartira pas vers Fidji et les Samoa avec le reste de l’expédition, mais tentera de « concrétiser », dans les semaines suivantes, certaines discussions qui auront été tenus avec des partenaires et entrepreneurs polynésiens. « Chaque fois que le bateau fait escale, c’est finalement juste pour poser les fondations, reprend Simon Bernard. Derrière, on a toute une équipe, des entrepreneurs pour installer les solutions sur le terrain, faire en sorte qu’il y ait des projets sur le long terme, pour que les infrastructures se mettent en place. »
À noter que Plastic Odyssey cherche encore des sponsors pour sa mission à Pitcairn, qui sera entièrement captée par une équipe média. L’équipage a aussi lancé la semaine dernière un appel pour trouver deux bénévoles pour le rejoindre dans son mois de navigation en Polynésie.
Par Charlie René pour Radio1