Le gouvernement de la Polynésie a annoncé, dans son compte rendu du Conseil des ministres, un arrêté visant à classer aux monuments historiques la stèle du « Metua » Pouvāna'a a 'Ō’opa, figure historique considéré comme « le père de la politique tahitienne moderne ».
« La proposition de classer la « Stèle de Pouvāna'a a 'Ō’opa », véritable œuvre d'art, en tant que monument historique rend hommage à son combat pour les intérêts du peuple polynésien » explique le gouvernement qui souligne « la personnalité, le charisme du Metua et son amour pour le peuple polynésien » comme autant d’éléments justifiant le classement de sa stèle.
Le 6 mai 2024, la commission du patrimoine historique chargée de la formation historique immobilière s'est prononcée favorablement, à l'unanimité, en faveur du classement de ce monument, rappelle le gouvernement local qui dit aussi avoir reçu, en août 2023, « un avis favorable » du maire de Papeete, propriétaire de la parcelle où se situe la stèle, place Taraho’i, entre l’Assemblée territoriale et la résidence du haut-commissaire.
L’arrêté prévoit également la délimitation de la « Stèle de Pouvāna'a a 'Ō'opa » et le champ de visibilité du bien classé : « les immeubles situés dans le champ de visibilité d'un bien classé ne peuvent faire l'objet d'aucune construction nouvelle, d'aucun déboisement, d'aucune transformation ou modification de nature à affecter l'aspect du bien classé, sans autorisation préalable de l'autorité chargée des monuments historiques ».
« Pour être reconnu comme étant situé dans le champ de visibilité du bien classé, l'immeuble doit, soit être visible de cet édifice, soit être visible en même temps que lui », ajoute-t-on. « En l'absence de délimitation, ce champ de visibilité peut donc représenter une zone conséquente, impactant l'aménagement des terres alentours, et qui n'est pas forcément nécessaire à la protection du bien ».
État général du monument « moyen »
Construite et inaugurée en 1982, le 10 mai -date d’anniversaire du Metua-, par le sculpteur Georges Oudot, le monument est érigé à la demande du parti politique Here Ai'a, « héritier du Rassemblement Démocratique des Populations Tahitiennes (RDPT) » rappelle encore le gouvernement Brotherson. « Posé sur un socle en béton et soutenu par deux colonnes d'une hauteur de 3 mètres, ce monument est une figure familière de la place Taraho'i ».
Bien que « relativement préservé des détériorations biologiques telles que les mousses ou les champignons », le bilan sanitaire effectué le 10 juillet 2023 par la direction de la Culture et du Patrimoine (DCP) évalue l'état général du monument comme « moyen ». « Des salissures causées par les intempéries, la pollution atmosphérique et les déjections d'oiseaux sont visibles sur diverses parties du monument » détaille le gouvernement.
« Le revêtement montre des signes de vieillissement, particulièrement sur le piédestal où la peinture s'écaille. Des fissures sont observées sur les murets entourant le monument, restaurées avec un mortier dont l'aspect contraste avec l'original, donnant un aspect inesthétique à l'ensemble. À ce titre, et même si les restaurations restent légères et superficielles, il sera nécessaire qu'elles soient réalisées par un spécialiste de la restauration en monuments et bâtis historiques ». Le classement permettra ainsi des restaurations « conformes aux prescriptions données par la DCP ».
Pouvāna'a a 'Ō'opa, député de la Nation, père de la politique tahitienne moderne
Pouvāna'a a 'Ō'opa, originaire de Hūāhine, est considéré comme le père de la politique tahitienne moderne. Engagé volontaire lors de la Première Guerre mondiale, il rejoint la France Libre pendant la Seconde Guerre mondiale. Ses prises de position contre l'administration française le conduisent à être placé en résidence surveillée à Hūāhine en 1942.
La période de guerre a stimulé les mouvements indépendantistes dans les colonies françaises et la conférence de Brazzaville en 1944 a initié le processus de décolonisation dans l'Empire colonial français. Ainsi, en 1946, la IVe République française accorde la citoyenneté française à tous les Polynésiens et établit des assemblées représentatives élues au suffrage universel. Les Établissements Français de l'Océanie (EFO) deviennent des territoires d'outre-mer, marquant le début d'une nouvelle ère politique pour la Polynésie.
Toujours la même année, le retour des Volontaires du Bataillon du Pacifique accentue les tensions dues à l'arrivée continue de fonctionnaires de France et le mécontentement quant à la gestion des dépenses publiques. En réponse, l'Union des Volontaires est créée pour revendiquer un reclassement administratif et le Comité Pouvāna'a est fondé pour former un parti politique représentatif dans chaque district, prônant « Tahiti d'abord et pour les Tahitiens ».
En 1949, Pouvāna'a a 'Ō'opa est élu député de la Nation. Le 17 novembre 1949, l'Union des Volontaires et le Comité Pouvāna'a fusionnent et forment le Rassemblement Démocratique des Populations Tahitiennes (RDPT). Le RDPT devient le premier parti politique polynésien et Pouvāna'a a 'Ō'opa en prend la présidence. Celui que l'on nomme le Metua entame alors une longue carrière politique durant laquelle il entretiendra un très bon contact avec la population tahitienne. Il s'adresse à elle en tahitien et sa rhétorique s'inspire largement de la Bible.
En 1958, il prône l'indépendance immédiate lors d'un référendum, mais le « OUI » pour le maintien de la Polynésie au sein de la République l'emporte. En 1959, accusé d'incendies à Papeete, il est condamné à une lourde peine d’emprisonnement puis d’exil dans l’Hexagone, mais est gracié par le général De Gaulle en 1968 et peut revenir à Tahiti. Il devient sénateur en 1971 et décède en 1977, six mois avant le premier statut d’autonomie de la Polynésie française.
En 1988, une demande de révision du procès de Pouvāna'a est déposée par sa famille, mais elle est classée sans suite en 1993. En 2014, Christiane Taubira, ministre de la Justice, dépose une demande auprès de la commission de révision. En 2016, lors d'un séjour en Polynésie, le Président de la République française, François Hollande se recueille sur la tombe de Pouvāna'a a 'Ō'opa. Il faudra attendre 2018 pour que la justice reconnaisse l'innocence du Metua et annule la condamnation de 1959, déchargeant sa mémoire.
(Biographie du gouvernement de la Polynésie française).