Le Premier ministre des îles Salomon, Manasseh Sogavare, a indiqué mercredi que son gouvernement avait signé en toute conscience un accord de sécurité avec la Chine, vivement critiqué par les alliés de l'archipel, les États-Unis et l'Australie, qui s'inquiètent des ambitions militaires de Pékin dans le Pacifique.
« Permettez-moi d'assurer au peuple des îles Salomon que nous avons conclu un accord avec la Chine les yeux ouverts, guidés par nos intérêts nationaux », a déclaré Manasseh Sogavare au Parlement mercredi, demandant aux « voisins, amis et partenaires de sa nation de respecter les intérêts souverains des îles Salomon ». Il a ajouté que c'était un « honneur et un privilège » d'annoncer la signature de l'accord par les officiels à Honiara et à Pékin « il y a quelques jours », tout en refusant d'indiquer au chef de l'opposition du pays quand la version signée du pacte serait rendue publique.
Le mois dernier, une version préliminaire de l'accord avait fuité. Le document avait provoqué une onde de choc en Australie, car il comprenait des propositions autorisant des déploiements chinois policiers et navals dans l'archipel. Canberra et Washington s'inquiètent depuis longtemps de la possibilité que la Chine construise une base navale dans le Pacifique Sud, ce qui lui permettrait de projeter sa puissance maritime bien au-delà de ses frontières.
Manasseh Sogavare a déclaré que l'accord avec la Chine « complète » le traité existant entre son pays et l'Australie, estimant que le statu quo ne permettait pas de couvrir les « lacunes critiques en matière de sécurité » de la nation du Pacifique. Le Premier ministre a aussi demandé à tous les « voisins, amis et partenaires de son pays de respecter les intérêts souverains des îles Salomon ». La ministre australienne des Affaires étrangères, Marise Payne, a critiqué mercredi les îles Salomon pour leur « manque de transparence » et leur incapacité à consulter les autres nations du Pacifique au sujet de l'accord.
Le Premier ministre australien Scott Morrison a répondu aux questions sur l'accord mercredi, déclarant qu'il se rendrait dans les îles Salomon « à la première occasion ». « Nous traitons les voisins du Pacifique comme des frères et sœurs et nous pensons qu'il ne faut pas aller dire aux dirigeants des îles du Pacifique ce qu'ils doivent ou ne doivent pas faire », a déclaré Scott Morrison, rejetant les critiques selon lesquelles son gouvernement aurait négligé les relations avec les Salomon.
« Manque de transparence »
Les îles Salomon ont été secouées fin 2021 par des émeutes meurtrières alimentées par la pauvreté, le chômage, ainsi que par le ressentiment d'une partie de la population contre l'influence grandissante de la Chine. Des commerces détenus par des Chinois avaient été vandalisés et incendiés à Honiara, la capitale de cet archipel du Pacifique sud, situé à environ 1 500 km de l'Australie.
L'Australie avait été l'un des acteurs de la région à déployer aux îles Salomon des forces de maintien de la paix, en vertu d'un traité de sécurité bilatéral liant l'Australie et les Salomon. Pékin, qui avait envoyé instructeurs de police et matériel antiémeute, cherchait depuis à renforcer son dispositif de protection sur l'île. Le ministre australien du Pacifique, Zed Seselja, s'est rendu à Honiara la semaine dernière pour plaider contre l'accord avec la Chine. Le principal responsable des États-Unis pour l'Asie, Kurt Campbell, arrivera aux îles Salomon dans le courant de la semaine, accompagné de Daniel Kritenbrink, secrétaire d'État adjoint aux Affaires de l'Asie de l'Est et du Pacifique.
Mihai Sora, du Lowy Institute, un groupe de réflexion basé à Sydney, a déclaré être « presque certain que l'accord a été conclu à la hâte » avant la visite de Kurt Campbell. Il a ajouté qu'il pensait Manasseh Sogavare « honnête quand il dit qu'il ne veut pas de base militaire chinoise dans le Pacifique ». Les États-Unis ont promis de rouvrir leur ambassade dans les îles Salomon, qui est fermée depuis 1993.
Avec AFP.