Pour clore sa visite en Nouvelle-Calédonie, le ministre de l’Économie, a annoncé, ce lundi soir, que les usines de nickel ont besoin de 180 milliards de francs « dans l’immédiat » pour échapper à la faillite. Sauf que l’État « ne fera pas de chèque » si les partenaires calédoniens n’acceptent pas son « pacte du nickel » pour que ces outils industriels redeviennent rentables. Bruno Le Maire a néanmoins assuré qu’une base, dite « cadre de négociations », venait d’être acceptée par « l’ensemble des parties prenantes » de la filière. Objectif : parvenir à un « accord final », début janvier. Explications de notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.
À l’issue de ces trois jours de déplacement sur le Caillou, dont l’objectif est de sauver les trois usines d’une fermeture prochaine en réformant la filière nickel dans le pays, le ministre Bruno Le Maire a dressé le bilan de ces travaux, ce lundi soir.
Tout d’abord en s’adressant aux milliers de salariés Calédoniens dont il a senti « la plus vive inquiétude ». Une inquiétude d’autant plus légitime que la situation financière des trois sites est on ne peut plus « critique ». Le ministre a ainsi annoncé un chiffre vertigineux : pour échapper à la faillite, les usines ont besoin d’1,5 milliard d’euros (soit près de 180 milliards de francs) dans l’immédiat. « C’est donc à tous ces ouvriers que nous devons, en priorité absolue, apporter des réponses concrètes et rapides », martèle le ministre de la Souveraineté industrielle.
« L'État ne fera pas de chèque »
De quoi lever leurs angoisses ? Pas si sûr. Car le représentant de l’État, l’a une nouvelle fois répété : « l’État ne fera pas de chèque » pour des activités économiques non rentables. « Je ne pourrais pas expliquer que l’État, qui finance grâce à l’argent des travailleurs gagné à la sueur de leur front, puisse soutenir des activités qui perdent de l’argent chaque mois. Ce serait totalement irresponsable et profondément injuste. Donc tous ceux qui pensent que l’on pourrait jouer la politique du pire et attendre le dernier moment et qu’au dernier moment, comme par miracle, l’État interviendrait, se trompent. »
Pour autant, le ministre ne ferme pas la porte. Bien au contraire. Il se dit prêt à « investir totalement » dans les trois usines si ces outils sont rentables. Et pour ce faire, il compte mettre en place au plus vite son fameux « pacte du nickel » qui repose sur trois piliers ; l’ouverture des exploitations et des exportations de la ressource ; l’amélioration des coûts de l’énergie ; et enfin la diversification des débouchés économiques.
Déclassifier et exporter les ressources actuellement en réserve
Il s’agit donc tout d’abord de déclassifier les ressources en réserve provinciales actuellement inutilisées pour pouvoir les valoriser et les ouvrir aux exportations. C’est la « condition sine qua non » pour accéder à une rentabilité des usines et ainsi avoir la garantie du soutien financier de l’État. « Du bon sens » à en croire Bruno Le Maire, qui accepte en échange une « demande légitime » du président du gouvernement Louis Mapou, à savoir faire évaluer les montants financiers que les acteurs pourraient tirer de ces fameuses ressources.
Autre sujet à étudier de près sur ce volet : faire évoluer les permis d’exploitation, « une condition » de la rentabilité. « Une usine qui ne sait pas de quelle ressource elle va disposer sur le long terme ne peut pas se projeter. Il est indispensable de se pencher sur cette question fondamentale car nous avons besoin de visibilité. »
Décarboner et baisser les prix de l'énergie
Un prérequis donc pour que l’État accepte de s’engager dans le financement d’une énergie plus propre, « décarbonée » et compétitive, car son prix, actuellement bien plus élevé que dans les pays concurrents, serait responsable "aux deux-tiers" du manque de rentabilité des outils industriels calédoniens.
Lire aussi : Nouvelle-Calédonie : Bruno Le Maire propose un « pacte pour le nickel calédonien » pour sauver la filière
Dans ce contexte, le ministre demandera à la Commission de régulation de l’énergie de mener des travaux sur l’évaluation d’un nouveau réseau électrique et de nouvelles capacités de production électrique « pour qu’il y ait des possibilités qui soient offertes à la Nouvelle-Calédonie et des choix qui puissent être faits sereinement sur les meilleures options énergétiques. » Quel montant l'État pourrait injecter au total ? Aucun chiffre n'a fuité des échanges ou n'a été avancé par Bruno Le Maire.
S'ouvrir aux marchés européens
Le dernier volet, enfin de ce pacte du nickel, s’attarderait à diversifier les débouchés économiques, en se décentrant des exportations vers l’Asie afin de s’ouvrir également aux marchés européens jugés plus rentables puisqu’ils « investissent massivement actuellement dans les batteries et véhicules électriques ».
« C'est un pas de géant »
Sur ce principe et donc sur ces « trois piliers » sur lequel repose le projet de pacte du nickel, un début d’accord, comprenez un « cadre de négociations », a été accepté par l’ensemble des parties prenantes, a annoncé Bruno Le Maire, résolument optimiste : « C’est un pas de géant. Un nouvel accord sur le nickel est à portée de main », assure le ministre des Finances, qui a ainsi acté, avec les partenaires locaux, la création d’un groupe de travail (associant le Congrès, le gouvernement, les provinces et l’État) afin d’œuvrer « sept jours sur sept et 24 heures sur 24 » en vue d’aboutir à un « accord final » dans « les premiers jours » de janvier. Si tel était le cas, Bruno Le Maire reviendrait alors sur le Caillou pour le signer en personne.
Vers l'ouverture d'une école des mines à Nouméa ?
« L’enjeu dépasse le nickel, l’enjeu c’est l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. De son système social, de son développement économique et de sa place dans la région indopacifique. C’est un enjeu absolument stratégique », martèle le ministre de l’Économie qui résume les perspectives pour la filière en cas de consensus : « Si demain un accord est signé, qu’est-ce qu’on fait concrètement ? Cela veut dire, premièrement, que nous garantissons la rentabilité des sites de production industrielle. Deuxièmement, qu’il y aura un investissement de l’État et de la Banque européenne d’investissement. Troisièmement, nous pourrons avoir une évaluation sereine des besoins énergétiques de la Nouvelle-Calédonie et des réseaux énergétiques à construire. Cela veut dire, enfin, la possibilité de mettre en place des dispositifs de formation, et j’y crois profondément, la création d’une école des mines calédonienne, à Nouméa. »
Anthony Tejero pour Les Nouvelles Calédoniennes