La Nouvelle-Calédonie a mis en œuvre le Plan d’Actions Dugong (PAD), menée par le Conservatoire d’espaces naturels (CEN). Dans ce cadre, est né le projet de Recueil des Savoirs Culturels sur le dugong (RESAC-dugong), en partenariat avec l’Agence de Développement de la Culture Kanak (ADCK), qui débute en ce mois d’avril 2022.
Espèce emblématique de la Nouvelle-Calédonie qui a contribué à l’inscription au Patrimoine mondial de l’UNESCO de ses lagons, le dugong est aujourd’hui menacé, classée vulnérable sur la liste rouge de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) sur l’ensemble de sa répartition, de l’Afrique orientale au Vanuatu.
La Nouvelle-Calédonie abrite quant à elle l’une des plus importantes populations de dugongs à l’échelle mondiale, après l’Australie et le Golfe arabique, estimée entre 500 à 700 individus, impliquant de fait une importante responsabilité dans sa sauvegarde. L’espèce présente en effet des signes inquiétants de déclin, et sa faible diversité génétique augmente sa vulnérabilité aux changements environnementaux, aux maladies ainsi qu’aux menaces anthropiques. De plus, son isolement des autres populations empêche tout apport d‘animaux issus de populations voisines.
Les principales menaces qui planent sur l’espèce sont le braconnage, les captures accidentelles dans les filets de pêche ou encore les collisions avec les embarcations, auxquelles s’ajoutent les pressions subies par son écosystème côtier, perturbé par les activités humaines telles que les mouillages inadaptés, l’urbanisation, le développement d’infrastructures sur le littoral, l’agriculture non raisonnée ou le développement minier, entraînant la dégradation des herbiers dont se nourrit le dugong.
En Nouvelle-Calédonie, le dugong est une espèce patrimoniale qui revêt une importance particulière pour les communautés locales qui l’ont chassé durant des décennies. C’est particulièrement vrai pour les communautés Kanak qui, auparavant, le consommait lors de cérémonies et fêtes coutumières majeures. Ces pratiques coutumières ont été contraintes d’évoluer face à la raréfaction de l’espèce et le dugong est maintenant protégé dans les trois provinces calédoniennes. Néanmoins, malgré les dispositifs réglementaires et la large prise de conscience des Calédoniens, les pressions exercées sur le dugong et son lieu de vie persistent et mettent en péril la survie de cette espèce en Nouvelle-Calédonie.
Ainsi, le projet RESAC-Dugong a pour but de récolter les savoirs culturels et traditionnels autour du dugong auprès des populations locales, mais aussi de mieux cerner leur perception quant à l’urgence de préservation de l’espèce et ses conséquences sur cette expression culturelle. À terme, il s’agit de mieux orienter et de construire la communication sur la conservation du dugong afin de sensibiliser plus efficacement la population.
Au travers de son réseau de collecteurs, l’ADCK réalisera des entretiens auprès des clans de la mer des tribus côtières de la grande terre, qui sont les principales détentrices de ces savoirs culturels et traditionnels sur le dugong. De plus, au cours de ces entretiens, les collecteurs transmettront les informations actuellement disponibles sur le dugong et informeront les personnes enquêtées sur l’état critique de la population de dugongs.
Le projet se déroulera d’avril 2022 à février 2024, en deux phases d’enquêtes distinctes : de mai à décembre 2022 auprès des populations des aires coutumières de Hoot ma Whaap, de Ajië-Aro et de Paicî-Câmuki ; de mars à décembre 2023 auprès des populations des aires coutumières, Djubéa-Kapone et Xârâcùù. En amont de ces enquêtes, une formation sera proposée aux collecteurs de l’ADCK le 22 avril à la Tribu de Oundjo à Voh, pour mieux les informer sur le projet RESAC-dugong et leur transmettre les connaissances scientifiques disponibles sur le dugong et son statut en Nouvelle-Calédonie.
Damien Chaillot