Le sénateur non-indépendantiste Georges Naturel a annoncé avoir déposé une proposition de loi organique « portant actualisation du corps électoral » pour les provinciales qui pourraient se tenir avant le 30 novembre. En l’absence d’un accord sur l’avenir institutionnel et au vu des violences qui ont éclaté le 13 mai 2024, l’élu propose un texte « plus modeste que le dégel » pour ouvrir ce droit à quelques milliers de Calédoniens, dont les natifs. Son texte ne fait toutefois pas l’unanimité et son propre camp a dénoncé une initiative « solitaire et dangereuse ». Explications de notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.
Depuis l’annonce de Manuel Valls de la tenue d’élections provinciales d’ici le 30 novembre dans un corps vraisemblablement gelé, faute d’avoir trouvé un accord lors du conclave de Deva, le sujet refait surface dans le camp non-indépendantiste.
Alors que l’alliance Loyalistes-Le Rassemblement au Congrès a d’emblée annoncé activer « tous les moyens juridiques et parlementaires » pour faire évoluer la composition de ce corps électoral, que l’association Un cœur, une voix en appelle directement au président de la République, c’est au tour de Georges Naturel d’annoncer sa stratégie sur ce dossier brûlant.
Le sénateur indique avoir déposé, vendredi 16 mai, sur le bureau du palais du Luxembourg, une « proposition de loi organique portant actualisation du corps électoral pour les élections au Congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie ».
« Un dégel tel qu’envisagé début 2024 est irréaliste »
Pour autant, l’élu au sein du groupe Les Républicains a conscience que le sujet est on ne peut plus sensible, notamment depuis le déclenchement des émeutes du 13 mai 2024, au moment où le Parlement adopte le projet de loi constitutionnel ouvrant partiellement le corps électoral provincial calédonien.
« Un dégel tel qu’envisagé au début de l’année dernière est aujourd’hui irréaliste. Le président de la République et le Premier ministre ne veulent pas s’engager dans une procédure de révision de la Constitution sans accord politique global préalable entre Calédoniens et sans la certitude d’obtenir une majorité des deux tiers au Parlement réuni en Congrès à Versailles », explique Georges Naturel, sur sa page Facebook.
« Seule est donc possible une actualisation du corps électoral provincial moins ambitieuse par une loi organique, avec des objectifs plus modestes qu’un dégel, mais qui aura le mérite d’accorder à quelques milliers de Calédoniens le droit de vote aux prochaines élections provinciales ». Ce texte, s’il était adopté, donnerait alors le droit de vote aux élections provinciales aux profils suivants :
- Toutes les personnes nées en Nouvelle-Calédonie et y ayant eu le centre de leurs intérêts matériels et moraux.
- Toutes les personnes ayant le statut civil coutumier.
- Les petits-enfants de citoyens calédoniens.
- Toutes les personnes ayant un de leurs ascendants né en Nouvelle-Calédonie et ayant leurs intérêts et moraux.
Selon le sénateur, cette mouture pourrait bénéficier d’un consensus plus large parmi les élus calédoniens. « Ces avancées ont été largement discutées localement et font l’objet d’un consensus politique », assure Georges Naturel. « Mon rôle va désormais être d’expliquer cette proposition à mes collègues et de les convaincre de l'inscrire à l’ordre du jour du Sénat et de la voter ».
« Inégalité flagrante entre les citoyens calédoniens »
En Nouvelle-Calédonie, le texte du sénateur est toutefois déjà vivement contesté par l’intergroupe non indépendantiste Les Loyalistes-Le Rassemblement, qui dénonce une initiative « solitaire et dangereuse ». Cette démarche « sous couvert d’ouverture, introduit en réalité une inégalité flagrante entre les citoyens calédoniens », estime l’intergroupe selon qui les critères du texte représentent « une distinction injustifiée » et introduisent « une rupture d’égalité profonde entre Calédoniens de statut coutumier et Calédoniens de droit commun ».
« Comment peut-on, d’un côté, offrir un droit automatique à certains et imposer à d’autres - pourtant également nés sur le territoire - de se soumettre à des démarches administratives lourdes et souvent arbitraires pour démontrer leur attachement à la Nouvelle-Calédonie ? », s’interrogent les deux groupes.
Ils rappellent ainsi leur désir d’une « égalité de traitement entre tous les Calédoniens, quels que soient leur origine ou leur statut » et disent regretter « qu’une telle proposition ait été déposée sans concertation ni coordination avec les autres forces politiques non indépendantistes ». L’association Un cœur, une voix a aussi dénoncé le texte du sénateur, « inacceptable », qui représente « une nouvelle trahison des idéaux de la République ».
« Son projet vise à proroger l’insupportable rupture d’égalité devant le scrutin entre les natifs et les autres, entre les personnes de statut civil coutumier et les autres, entre les descendants de personnes ayant le droit de vote et les autres », déclare l’association qui veut voir les « 43 000 Calédoniens exclus de la liste électorale provinciale » y être finalement intégrés.
Interpellé par le sénateur Georges Naturel la semaine dernière, le ministre des Outre-mer Manuel Valls avait mis en garde sur une possible proposition de loi visant au dégel du corps électoral : « Comme on ne peut pas faire un référendum sans les Kanak, on ne peut pas faire une réforme du corps électoral contre les Kanak ».
Les Nouvelles Calédoniennes