L’hôpital a été contraint de fermer 25 % de ses lits, en raison d’un manque d’effectifs comme il n’en avait encore jamais connu. Une situation qui entraîne la saturation des services, exacerbée par l’épidémie de grippe qui sévit actuellement. La direction a décidé de suspendre toutes les admissions planifiées, hors oncologie, jusqu’au 23 janvier. Précisions avec notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.
Depuis le début de l’année 2024, le Centre hospitalier territorial de Dumbéa (Médipôle) a fermé 110 des 380 lits dont il dispose. Pas pour des raisons financières ni même structurelles. Si l’hôpital a été contraint de diminuer de 25 % son offre de soins, il le doit uniquement à un manque criant de personnel soignant. Ce n’est d’ailleurs pas l’apanage du CHT : 40 des 60 lits de l’hôpital de Koné et 90 des 200 lits de la clinique Kuindo-Magnin ont fermé pour la même raison. Sur la côte Est, les médecins ont déserté les centres médico-sociaux, tandis que les urgences n’accueillent plus de patients à Poindimié.
"Du jamais vu au CHT"
Depuis la crise insurrectionnelle du mois de mai, la Nouvelle-Calédonie a perdu "quasiment 40 % de son offre de soins", affirme Thierry De Greslan, président de la commission médicale d’établissement du Médipôle. La direction du centre hospitalier a donc voulu tirer la sonnette d’alarme, ce jeudi 9 janvier, en réunissant la presse pour évoquer une "situation de tensions inédite" qui pèse ces dernières semaines sur l’hôpital public. "Avoir autant de lits fermés, c’est du jamais vu depuis la création du CHT", poursuit Thierry De Greslan.
Outre la pénurie de médecins, c’est bien le départ massif des infirmiers et infirmières ces derniers mois qui posent le plus de difficultés. "Il y en a 114 qui sont partis depuis début 2024", souligne Guilhem Mestre, directeur général par intérim de l’hôpital de Dumbéa. Dans l’état actuel des effectifs, "il faudrait qu’une infirmière s’occupe de 20 lits, c’est impossible", indique Thierry De Greslan. Le "manque d’attractivité" du Caillou, amplifié par les violences du mois de mai, limite considérablement la capacité de l’établissement à remplacer les nombreux départs. Le personnel restant, en sous-effectif, doit se partager une charge de travail considérable. L’épuisement des soignants se fait sentir, et les mauvaises conditions de travail alimentent le cercle vicieux des départs.
Cette situation provoque également une "saturation complète" des services hospitaliers et un temps d’attente parfois très important pour les patients. À cela s’ajoute une épidémie de grippe qui sévit actuellement en Nouvelle-Calédonie et augmente les admissions à l’hôpital (lire plus loin).
Un cri d’alerte
Le service des urgences est symptomatique de la crise sans précédent que traverse actuellement le CHT. "Tous les jours, on a 10 brancards en salle d’attente pour des patients qu’on ne peut pas hospitaliser par manque de lits", déplore Thierry De Greslan. "On se trouve confrontés à des demandes auxquelles on ne peut plus faire face, simplement parce qu’on n’en a pas les moyens", abonde Vincent Fardeau, médecin urgentiste.
Les urgences du Médipôle, qui connaissent depuis fin octobre un flux important de 160 à 180 passages par jour, sont aussi les victimes collatérales d’une offre de soins dégradée partout en Nouvelle-Calédonie. Les recours au Samu ont en effet bondi ces derniers mois. Le centre de régulation reçoit en moyenne 250 à 300 appels chaque jour, bien souvent sans pouvoir proposer de véritables solutions aux patients. "Je vous assure que c’est extrêmement difficile, en tant que médecins, de ne plus être en mesure d’offrir des réponses adaptées", soupire Vincent Fardeau. C’est pourtant, selon lui, "une situation qui devrait durer". Il faudra en effet plusieurs mois pour recruter le nombre de médecins et d’infirmiers suffisant et pouvoir envisager une réouverture des lits.
D’ici là, plusieurs solutions transitoires ont été imaginées. Dans un premier temps, la direction du centre hospitalier a décidé de suspendre l’ensemble des admissions planifiées jusqu’au 23 janvier, en dehors de l’oncologie. Il est également envisagé de faire appel à des infirmiers libéraux pour des contrats courts ou de nouer des partenariats avec l’armée pour renforcer les équipes. La direction du CHT attend également beaucoup du nouveau gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. "C’est un cri d’alerte qu’on envoie à la population et à notre gouvernement, dit Thierry De Greslan. Parmi toutes les priorités actuelles, celle de la santé est majeure et va nous obliger à faire preuve d’innovations."
Une épidémie de grippe qui augmente la pression Le contexte très compliqué que connaît le centre hospitalier territorial est aggravé par une épidémie de grippe qui n’en est qu’à ses prémices, avertit la direction de l’hôpital. "Elle est en phase d’augmentation très, très importante, les cas ont doublé", alerte Thierry De Greslan. Trois types de grippes sont actuellement en circulation, dont une qui provient de l’hiver métropolitain, auxquelles s’ajoutent également des cas de Covid. La recrudescence des cas de grippe pourrait engendrer une saturation encore plus importante des services hospitaliers, et notamment des urgences. Pour éviter cela, le Médipôle appelle les Calédoniens à "être très vigilants" et à respecter les gestes barrières. Aux premiers symptômes, "il faut mettre un masque", protéger les personnes âgées, notamment en Ehpad et, si possible, se faire vacciner. |
Par Les Nouvelles Calédoniennes