Une décision modificative du budget était soumise aux membres du Congrès calédonien, ce mardi, afin d’intégrer aux comptes de l’archipel l’aide de 13,1 milliards versée par l’État pour financer Enercal, le Ruamm et le chômage partiel. Adopté à l’unanimité, le texte s’accompagne de nouvelles conditions de réforme et d’une réduction de la période de renouvellement du chômage partiel. Un sujet de notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.
En attendant les grands plans de financement et les projets de réforme, en cours d’élaboration, la Nouvelle-Calédonie doit encore traiter l’urgence et se sauver, mois après mois, de la faillite. Ce mardi 17 septembre, les membres du Congrès se sont réunis pour examiner une décision modificative du budget qui entérine l’aide de 13,1 milliards de francs proposée par l’État.
Répartie entre une subvention de 2,7 milliards et une avance remboursable de 10,3 milliards, cette nouvelle enveloppe vise d’abord à financer le chômage partiel des prochains mois. Plus de 7 milliards de francs seront consacrés au maintien de ce dispositif, mis en place dès le 14 juin pour permettre à des milliers de Calédoniens de conserver un revenu malgré une activité au point mort.
Le chômage partiel réduit d’un mois
Le projet de délibération prévoit toutefois de le revoir à la baisse. À l’origine, le chômage partiel pouvait s’étendre jusqu’à six mois pour chaque salarié, à raison d’une période de trois mois renouvelables une fois. Sur demande de l’État, le gouvernement calédonien a proposé de réduire à deux mois la période de renouvellement. « Cette révision permettra non seulement de maintenir le dispositif d’aide dans la durée en ajustant les dépenses aux ressources et crédits disponibles, mais également de respecter les impératifs de solidarité tout en limitant les impacts sur les finances publiques locales », indique le rapport de présentation.
Une décision malvenue compte tenu du contexte économique, pense Philippe Gomès, du groupe Calédonie ensemble. « On réduit d’un mois la visibilité que le Congrès a accordée en juin aux entreprises », regrette l’élu. « Pour celles qui ont déposé leur demande dès le 14 mai, leur horizon se limite au 14 octobre ».
5 milliards pour le Ruamm
Outre le chômage partiel, ce nouveau financement de l’État vise également à sauver le Régime unifié d’assurance maladie-maternité (Ruamm). Une somme de 5 milliards lui est consacrée, seul moyen d’éviter la rupture de trésorerie du régime. En tout, son besoin de financement est estimé à 10,7 milliards. Avant les émeutes du 13 mai, le Ruamm était déjà en danger, avec une rupture de trésorerie envisagée au 15 septembre. La crise a creusé le déficit en provoquant une perte de cotisations liée aux exactions de 2,7 milliards. En août, le Ruamm a d’ailleurs été incapable de verser ce qu’il devait aux hôpitaux.
Sur les 13,1 milliards versés par l’État, 573 millions seront également consacrés à compenser le déficit d’Enercal. L’opérateur, chargé de la production électrique dans le pays, est confronté à un important déficit. Son besoin de financement s’élève à 2,75 milliards de francs. L’évolution des tarifs à partir du 1er octobre ne permettra pas de remplir les caisses d’Enercal. Les 573 millions de l’État devraient lui permettre de payer les stocks de carburant nécessaires à l’alimentation électrique des prochains mois, dans la perspective notamment de la fermeture de la centrale de Népoui.
L’État conditionne son aide
Depuis plusieurs mois maintenant, l’État assume conditionner son aide financière à l’engagement d’une série de réformes pour transformer le modèle économique et social calédonien. La modification des tarifs d’Enercal, adoptée en août, ainsi que la réforme de la Caisse locale de retraites faisaient déjà partie des conditions de Bercy. Ce nouveau versement de 13 milliards est assorti de deux nouvelles conditions qui « portent sur la présentation d’une réforme de la taxe générale sur la consommation et sur la sollicitation de l’Autorité de la concurrence sur les protections de marchés », indique le rapport de présentation joint au projet de délibération.
Là encore, Philippe Gomès s’est interrogé. « Qu’est-ce que vient faire la sollicitation de l’Autorité de la concurrence sur les protections de marchés là-dedans ? Je ne savais pas que c’était une mesure censée rapporter des crédits supplémentaires au budget de la Nouvelle-Calédonie […] Ça n’a strictement rien à voir avec une réforme fiscale », a critiqué l’élu, évoquant un « abandon de souveraineté ».
« On gardera la compétence, on ne demandera pas à l’Autorité de faire le boulot à notre place, ça vise simplement une meilleure transparence », a répondu Adolphe Digoué, membre du gouvernement chargé de l’économie. Le projet de délibération a été adopté à l’unanimité des membres du Congrès. Cette nouvelle aide porte à 50 milliards de francs le montant total versé par l’État à la Nouvelle-Calédonie depuis le début des exactions.
Baptiste Gouret pour Les Nouvelles Calédoniennes