Nouvelle-Calédonie : En congrès à La Conception, le FLNKS veut parler d’une seule voix

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Nouvelle-Calédonie : En congrès à La Conception, le FLNKS veut parler d’une seule voix

Le congrès extraordinaire du FLNKS, qui s’est ouvert ce matin, samedi 9 août, à la chefferie de Paé, à La Conception, revêt un enjeu majeur : le Front doit en sortir avec "une parole unique" sur sa stratégie à venir. Présent en visioconférence, son président, Christian Téin, a appelé à l’unité de tous les indépendantistes et à "confirmer le rejet clair et sans ambiguïté du projet d’accord signé à Bougival".

Le lieu est chargé d’histoire. C’est là, à la chefferie de Paé, à La Conception, au Mont-Dore, qu’en 1975 la revendication d’indépendance qui allait donner naissance en 1984 au FLNKS, est née. C’est là aussi que, le 1er décembre 1984, le drapeau du FLNKS était hissé pour la première fois par Jean-Marie Tjibaou lors du congrès du parti. Et c’est là que se réunit depuis ce matin du samedi 9 août le congrès extraordinaire du Front, qui doit déboucher sur une prise de position définitive sur le projet d’accord de Bougival, signé le 12 juillet dernier en région parisienne.

Les nombreuses délégations sont arrivées dès 8 heures ce matin et chacune est venue déposer son geste sur la grande natte disposée sur le terrain de football en contrebas de la maison commune. Composantes du FLNKS, syndicats, représentants du Sénat coutumier et de Inaat ne Kanaky, sections CCAT venues de tout le pays, les paroles accompagnant les gestes sont fortes et solennelles. "Le moment est important, il y a beaucoup de paroles à partager aujourd’hui mais nous n’avons plus le choix, l’unité de notre peuple est en jeu. Il y a des choses à se dire, cela prendra le temps qu’il faudra mais nous repartirons d’ici main dans la main avec une stratégie commune", a déclaré Maurice Dou, du Conseil des clans de La Conception.

Message au Palika et à l'UPM

L’enjeu est clair pour le FLNKS : parler de nouveau d’une seule voix après la cacophonie consécutive à la signature de Bougival, qui avait fait naître des incompréhensions et des déceptions au niveau des bases.

Mais comme l’a souligné Christian Téin, en visioconférence depuis la Métropole, il réside aussi en l’unité de toutes les mouvances indépendantistes : "On va sortir dans une passe où la pirogue va tanguer. Mais on doit être ensemble. Personne ne doit rester sur le rivage à faire le travail contre nous. Non, il faut aller chercher tout le monde. C’est le message que je fais pour les camarades du Palika, de l’UPM", a indiqué le président du FLNKS en préambule de son discours.

Le discours – lu par Magalie Tingal, membre du groupe de travail du FLNKS, en raison de problèmes de vue de Christian Tein – pose d’emblée les bases des discussions qui vont animer ce congrès : "Notre assemblée devra confirmer le rejet clair et sans ambiguïté du projet d’accord signé à Bougival le 12 juillet dernier par notre délégation qui n’avait aucun mandat pour le faire."

Pour le président du Front, "les dispositions inscrites dans ce document ne sont que l’illustration du mépris de la puissance administrante à l’égard de notre combat pour la reconnaissance de nos droits".

"L’accord de Kanaky doit être au cœur des discussions"

Christian Téin a souhaité recadrer le combat : "L’accord de Kanaky doit être au cœur des discussions, appuyé par une stratégie claire, coordonnée et méthodique. Nous restons ouverts au dialogue, qui se fera uniquement sur les modalités d’accession à la vraie souveraineté." Le chef du FLNKS exprime ensuite la volonté de poursuivre le dialogue en "bilatérale" avec l’État "jusqu’au 24 septembre 2025, tel que prévu par notre dernier Congrès". Et rappelle l’objectif : "Accéder à la pleine souveraineté au plus tard avant les élections présidentielles de 2027."

L’ordre du jour du congrès extraordinaire est posé. Les délégations sont à présent réunies à l’abri du regard des journalistes.

Les discussions devraient probablement durer jusque tard dans la soirée et peut-être même se prolonger. Jusqu’à ce qu’une stratégie claire soit dégagée par l’ensemble des participants.

Calédonie ensemble appelle le FLNKS à "ne pas rejeter Bougival"

Dans une lettre ouverte adressée vendredi au président du FLNKS, Philippe Gomès, le patron de Calédonie ensemble, exhorte Christian Tein à ne pas rejeter le projet d'accord de Bougival. "Ce que je souhaite, comme beaucoup de Calédoniens, de toutes origines et de toutes sensibilités, de la ville comme de la Brousse, des vallées comme des tribus, c'est que le FLNKS écrive lors de son congrès une nouvelle page fondatrice de son histoire et de celle du Pays", déclare Philippe Gomès, qui rappelle "le chemin considérable accompli ces quarante dernières années. 2025 n'est pas 1984. Ce chemin, c'est celui des Accords de Matignon et de Nouméa sur la voie de l'émancipation et de la décolonisation du Pays, dans le cadre constitutionnel et irréversible d'une souveraineté partagée avec la France."

Reconnaissance de l'identité kanak et légitimité des autres communautés, rééquilibrage, exercice partagé du pouvoir, citoyenneté calédonienne, transfert progressif des compétences ou encore exercice du droit à l'autodétermination constituent aux yeux de Philippe Gomès des "acquis historiques" confirmés, selon lui, par le document signé à Bougival, qui s'incrit dans la trajectoire "d'une souveraineté plus partagée encore". "Bougival est imparfait ? Oui bien sûr. Comment peut-il en être autrement ? Les Accords de Matignon et de Nouméa n'ont pas échappé non plus, en leurs temps, aux critiques, parfois virulentes, des deux camps. Rejeter Bougival, pour solde de tout compte, ne constitue pas un projet pour notre Pays. C'est une régression", plaide Philippe Gomès.

Le chef de Calédonie ensemble appelle à al reprise du dialogue, "car il ne peut y avoir de solution durable sans un accord, et il ne peut y avoir de solution unilatérale qui soit une solution durable. (...) Inscrivons-nous collectivement et dans le respect des convictions de chacun, dans cette perspective", conclut Philippe Gomès qui espère donc que le congrès du FLNKS né débouchera pas sur un rejet pur et simple du document signé en région parisienne le 12 juillet dernier. 

Par Les Nouvelles Calédoniennes