Dans une lettre ouverte adressée ce dimanche 12 octobre aux députés et aux sénateurs, le président du FLNKS, Christian Tein, exhorte le Parlement à rejeter la proposition de loi organique visant à reporter les élections provinciales. Le dirigeant indépendantiste y voit une « régression politique majeure » contraire à l’esprit des accords de Matignon et de Nouméa. Un sujet de notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.
Dans un courrier daté du dimanche 12 octobre, Christian Tein, président du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), s’adresse directement aux parlementaires français. Le mouvement indépendantiste met en garde contre le vote de la proposition de loi organique relative au report des élections provinciales, que le gouvernement Lecornu a demandé au Sénat d'inscrire en urgence à l'ordre du jour.
Selon lui, ce texte « mettrait fin unilatéralement au processus de décolonisation engagé par l’accord de Nouméa » et constituerait une « régression politique majeure ». Le leader kanak reproche au gouvernement d’avoir, avant les événements de mai 2024, présenté au Parlement « une situation sous contrôle » et d’avoir « mal informé » les élus sur la réalité du terrain. Pour le Front, les violences, les morts et la fracture sociale qui ont suivi auraient pu être évitées « si la parole du FLNKS avait été entendue ».
« Achever le processus de décolonisation »
Christian Tein conteste également l’idée selon laquelle le mouvement indépendantiste serait affaibli. Il en veut pour preuve le résultat des élections législatives de 2024, qui ont vu la victoire du candidat indépendantiste Emmanuel Tjibaou dans la seconde circonscription, ainsi que la coalition de représentants coutumiers, de l’Église protestante et de partis nationalistes qui ont « proclamé, le 24 septembre 2025, la volonté du peuple kanak d’accéder à la pleine souveraineté ».
Le président du FLNKS revient longuement sur le projet de Bougival présenté par l’État en juillet. Selon lui, le texte a été « transformé unilatéralement » par le gouvernement et « diffusé comme un accord » alors qu’aucune signature n’engageait le FLNKS. Il rappelle que le congrès du mouvement, en août, a rejeté ce projet et refuse tout « troisième accord dans la France », estimant que le temps est venu « d’achever le processus de décolonisation par la pleine émancipation ».
« Maintenir les provinciales en novembre »
Sur le plan juridique, Christian Tein invoque par ailleurs la récente décision du Conseil constitutionnel confirmant la validité du corps électoral gelé. Il affirme que rien ne justifie le report des élections, ni sur le plan du droit ni pour des raisons d’ordre public : « Ce qui a mis le feu au pays, c’est le désespoir des populations marginalisées », écrit-il, appelant à un retour aux urnes.
Tout en réaffirmant la volonté du FLNKS de dialoguer, Christian Tein avertit que chaque report électoral « nourrit la frustration et fragilise la paix civile ». Il exhorte les élus de l’Assemblée nationale et du Sénat à faire preuve de « discernement et de lucidité » pour accompagner la décolonisation « dans le respect de la parole donnée au peuple kanak ».
« Refuser le passage en force et maintenir les élections provinciales en novembre », conclut-il, « c’est préserver la paix et rouvrir la voie d’un avenir serein pour nos populations et pour de nouvelles relations avec la France. »
Julien Mazzoni pour Les Nouvelles Calédoniennes