Depuis le début de la crise en Nouvelle-Calédonie, usines métallurgiques et centres miniers tournent au ralenti, voire plus du tout. Un coup dur de plus aux conséquences « catastrophiques » pour une industrie du nickel déjà en grande difficulté.
Si, sur le plan sécuritaire, la situation s'est nettement améliorée dans l'archipel, où environ 3 500 soldats, gendarmes et policiers seront à terme déployés, l'activité minière et métallurgique, elle, est au point mort depuis le 13 mai et le début de la contestation violente de la réforme du corps électoral.
A l'entrée de Nouméa, l'usine pyrométallurgique de la Société Le Nickel (SLN) était même aux premières loges des affrontements entre émeutiers et forces de l'ordre qui se déroulaient à quelques centaines de mètres du site, classé ICPE (Installations classées pour la protection de l'environnement). Éparpillés sur l'archipel, ses cinq centres miniers sont à l'arrêt et les réserves en minerai de l'usine diminuent, faisant peser un risque sur l'outil industriel.
Car pour être maintenus en état de fonctionner, les fours à haute température doivent être alimentés en permanence. Or « nous roulons sur la réserve », affirme à l'AFP une source interne, confirmant l'inquiétude des syndicats qui ont appelé la semaine dernière à la levée des blocages des sites miniers.
La SLN, société historique de l'exploitation du nickel en Nouvelle-Calédonie lancée à la fin du 19e siècle, a par ailleurs été la cible de plusieurs intrusions et de destructions sur ses sites de Thio et Kouaoua, sur la côte Est de la Grande-Terre. Un coup dur pour l'entreprise, déjà en difficulté : en février, la filiale du géant minier Eramet a obtenu un prêt de l'État de 60 millions d'euros pour lui éviter la cessation de paiements.
Conséquences « catastrophiques »
Dans le sud de la Nouvelle-Calédonie, l'usine Prony Resources, à la recherche d'un repreneur, a, elle aussi, dû le maintien de son activité à un prêt de l'État de 140 millions d'euros en mars, qui assure sa survie jusqu'en mars 2025. Or le site est totalement à l'arrêt depuis le début des émeutes, a confirmé l'entreprise à l'AFP.
L'usine Koniambo Nickel (KNS) enfin, dans le nord de l'île, est en sommeil depuis février à la suite de la décision du groupe anglo-helvétique Glencore, actionnaire à 49%, qui souhaite vendre ses parts après avoir accumulé les pertes. Le groupe minier avait alors accepté de financer le maintien des salaires et la maintenance du four « à chaud » (permettant une reprise rapide de l'activité) jusqu'en août, le temps de trouver un repreneur.
Ceux-ci se presseront-ils au portillon ? Dans un communiqué interne consulté par l'AFP, Neil Meadows, le PDG de KNS, assure que « six investisseurs ont manifesté un intérêt à ce stade et ne semblent pas avoir été découragés par l'actualité ». Reste le secteur de l'extraction, le nickel en Nouvelle-Calédonie étant divisé entre les trois usines métallurgiques et les mines parfois aux mains de petits exploitants.
Lui non plus n'est pas épargné. Toutes les mines du territoire sont à l'arrêt : à la NMC (Nickel Mining Company), les deux sites de la côte Est font l'objet de blocages tandis que sur la côte Ouest, ce sont les barrages routiers et les difficultés d'approvisionnement en carburant qui paralysent l'activité. La Société minière Georges-Montagnat est dans cette situation. Pour son directeur général, Thomas Sevetre, « les conséquences (de la crise) pour la mine et la Nouvelle-Calédonie sont catastrophiques ».
Et les répercussions seront nombreuses, ajoute-t-il, évoquant une possible augmentation du prix du fret par les compagnies maritimes. « Notre écart de compétitivité avec l'Indonésie et les Philippines va continuer de croître », selon lui. De quoi assombrir un tableau déjà très incertain. Car la Nouvelle-Calédonie subit de plein fouet la crise mondiale du nickel, sur fond d'abondance d'offre et de nickel à bas prix indonésien.
Menacées de fermeture, les trois usines métallurgiques sont suspendues aux discussions sur le « pacte nickel » proposé par Bruno Le Maire et qui est censé sauver le secteur, moyennant un important apport financier de l'État. Mais les discussions sont au point mort, une partie des indépendantistes étant opposés à l'accord, dont les engagements demandés à la Nouvelle-Calédonie sont jugés trop coûteux. Pas sûr, étant données les circonstances, que leur activité reparte rapidement.
Avec AFP