Nickel et Tourisme : Les leviers économiques des territoires d'Outre-mer du Pacifique face à la crise sanitaire

Nickel et Tourisme : Les leviers économiques des territoires d'Outre-mer du Pacifique face à la crise sanitaire

Dans une note publiée ce mercredi 12 mai sur le site de la Banque de France, l'IEOM fait un point d'étape des territoires français du Pacifique et de leur situation économique après plus d'un an de crise sanitaire. Les secteurs du tourisme et du Nickel, principaux leviers économiques de la région, ont naturellement été impactés par les répercussions de la pandémie.

Le secteur du tourisme fait naturellement partie des secteurs économiques les plus gravement touchés par la crise économique et les nombreuses restrictions de déplacements, plus ou moins prononcés au fil des 15 derniers mois en fonction de la situation sanitaire liée au Covid-19. Les territoires ultramarins, dont l'économie est très souvent appuyée sur l'activité touristique, en ont naturellement fortement pâti. En Nouvelle-Calédonie l'exploitation de nickel a permis une meilleure résistance aux affres de la crise économique inhérente à la pandémie.

Les territoires concernés par ce point de l'IEOM, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, ont cependant vu une certaine limitation des impacts économiques grâce aux secteurs des services non-marchands. L'une des grandes difficultés des territoires d'Outre-mer réside dans une balance de paiement déficitaire, un défaut structurel inévitable en raison de l'insularité, l'éloignement, un échange de biens nécessairement tourné sur l'importation, dans un cadre de rattachement institutionnel à l'Hexagone.

En Nouvelle-Calédonie, l'industrie du nickel facteur de résilience économique

L'exploitation minière du territoire est un facteur d'amortissement de la crise sanitaire. Cinquième réserve mondiale de nickel, la Nouvelle-Calédonie bénéficie d'une industrie et d'une économie forte sur ce secteur, notamment grâce à la construction de deux usines métallurgiques au cours de ces dix dernières années. Soutenu par les acteurs du secteur, la SLN, KNS et Vale NC, l'industrie du nickel calédonien a cependant dû faire face à une volatilité des cours impactant fortement le rendement des exportations, mais aussi aux récents événements sociaux qui ont secoués le territoire dans le cadre de la vente de l'Usine du Sud de Vale NC au consortium Prony Ressources.

L'industrie minière n'aura finalement été que très peu concernée par le facteur de la crise sanitaire, notamment grâce à la dynamique économique de la Chine, principal client du territoire avec 61% des exportations de nickel du Caillou avec une demande maintenue en dépit des différents épisodes épidémiques. Une autre explication réside dans le développement des batteries électriques et des métaux inoxydables qui ont soutenu la demande mondiale de nickel et amené un rebond des cours au deuxième semestre 2020. Si des blocages liés aux événements de l'Usine du Sud ont freiné le secteur avec une baisse de 4% en volume en 2020, la production et les exportations minières ont malgré tout progressé, avec une hausse de 17 % en volume et de 22 % en valeur.

Cependant, l'interdépendance des secteurs économiques du territoire à celui du nickel a entraîné un écart avec la trajectoire de croissance attendue, estimée entre -5,6 et -6,7 points de PIB sur 2020. 

En Polynésie française, le tourisme et la perliculture, leviers économiques en difficulté

La situation est plus compliquée en Polynésie française, principalement du fait de sa forte dépendance économique au secteur touristique. Ce dernier était en plein essor après la crise financière de 2008 avec une croissance moyenne de 6,3% par an depuis 2013, jusqu'à un niveau record de 237 000 touristes et 50,7 milliards de Francs CFP (env. 421 millions d'euros) de recettes en 2019.

La fermeture des frontières a littéralement stoppé le secteur pendant les premiers mois de l'épidémie, même si, grâce notamment à une clientèle locale et/ou très haut-de-gamme, l'activité touristique a pu bénéficier d'un certain redressement et éviter la catastrophe. Le territoire a reçu 77 000 touristes en 2020.

Seconde source de revenus du territoire, même si bien en deçà du volume du secteur touristique, la perliculture représentait 5 milliards de Francs CFP (env. 4,5 millions d'euros) en 2019. Le secteur, en proie à des difficultés de structuration, de surproduction ou encore de forte concurrence, peinait à sortir son épingle du jeu. A titre de comparaison, la perliculture pesait 8,3 milliards de Francs CFP (env. 69 millions d'euros) en 2008. Le secteur, déjà mis à mal, se trouve aujourd'hui dans une situation critique, et les premières estimations font état d'un recul du PIB du territoire de l'ordre de 10%.

Les transferts publics depuis l'Hexagone en contrepoids de la crise

Les administrations publiques et les services non-marchands (c.à.d services gratuits ou à très faible coût, notamment dans les domaines de l'éducation, la santé, de l'action sociale et de l'administration) inhérents au modèle économique des territoires ultramarins du Pacifique, ont joués un rôle d'amortisseur de la crise économique.

En effet, le secteur public est soutenu par des transferts depuis l'Hexagone, à hauteur de 16 % en Nouvelle-Calédonie et 22 % en Polynésie française dans le PIB de 2019. Cette manne financière qui s'est montrée être un outil de résilience économique dans la crise, est composée principalement de versements de l’État pour les salaires et pensions des fonctionnaires, les dépenses de fonctionnement, d’investissement et d’intervention des collectivités publiques et des forces armées. Ces transferts compensent partiellement en Nouvelle-Calédonie, et totalement en Polynésie française, le déficit des transactions courantes.

Une situation rendue possible par les nombreux dispositifs d’accompagnement des entreprises mis en place niveau national et adaptés aux gouvernements locaux, qu'ils s'agissent de plans nationaux ou de prêts garantis par le biais de l'Agence Française de Développement (AFD). Malgré tout, les finances publiques des deux collectivités ont été particulièrement touchées par les dépenses liées à la crise sanitaire et par la baisse des recettes fiscales.

Un avenir encore incertain

En Nouvelle-Calédonie, l'avenir institutionnel du territoire incertain dans l'attente du dernier référendum d'autodétermination laisse planer un certain flottement économique, même si le redémarrage de l'Usine du Sud et sa reprise par le consortium Prony Ressources permet d'envisager une amélioration pour le secteur minier, et par conséquent l'économie du territoire.

En Polynésie française, l'évolution de la pandémie, l'implication de nouveaux variants, et l'incertitude toujours prégnante quant aux restrictions de déplacements internationaux à court-terme, ne permettent pas d'envisager une reprise fiable d'une économie supportée majoritairement par le secteur touristique. Pour ces deux territoires, l'implication de l’État français et la poursuite des dispositifs d'aides publiques seront les garants de la préservation du tissu économique local.

Damien Chaillot