L’Inspection générale des finances pointe les défaillances du régime d’aide fiscale à l’investissement productif en Outre-mer

L’Inspection générale des finances pointe les défaillances du régime d’aide fiscale à l’investissement productif en Outre-mer

Manque de lisibilité et d’amélioration de pilotage, complexité croissante de la doctrine fiscale, difficultés d’appréhension des programmes d’investissement, données insuffisantes pour diriger efficacement les dispositifs fiscaux de soutien dans les territoires ultramarins… Un rapport de l’Inspection générale des finances critique sévèrement le régime d’aide fiscale à l’investissement productif en Outre-mer et effectue une série de recommandations pour améliorer ce dispositif.

Au cœur de l’été 2023, l’Inspection générale des finances (IGF) a publié un long rapport qui n’a rencontré que peu d’écho. Intitulé « Évaluation du régime d’aide fiscale à l’investissement productif en Outre-mer », il est pourtant crucial pour l’étude économique des territoires ultramarins. Le régime des aides fiscales à l’investissement en Outre-mer (RAFIP), créé dans les années 1980, a comme objectif de favoriser le développement économique des départements et régions d'Outre-mer (DROM) ainsi que des collectivités d’Outre-mer (COM) et de la Nouvelle-Calédonie. « En contrepartie d’un avantage fiscal accordé au contribuable-investisseur ou directement à l’exploitant, ce régime doit ainsi contribuer à diriger des capitaux vers les entreprises ultramarines afin de les aider à réaliser les investissements nécessaires à leur développement », rappelle l’IGF.

En 2022, le RAFIP a comporté cinq dépenses fiscales pour un montant total de 827 millions d’euros. Problème, indique l’Inspection générale des finances, « plusieurs rapports administratifs et parlementaires consacrés à l’efficacité de ce dispositif depuis 2017 s’accordent à relever son ciblage imparfait, l’imprécision qui entoure le montant et la répartition des dépenses fiscales ainsi que la difficulté à en évaluer l’impact effectif sur le tissu productif ultramarin ». C’est dans ce cadre que l’IGF a été missionnée par les ministres chargés de l’Économie, des Comptes publics, de l’Intérieur et des Outre-mer en mars 2023 pour conduire son étude.

Premier point, concernant l’emploi des dépenses fiscales (estimées en moyenne à 700 millions d’euros par an entre 2017 et 2022), le rapport déplore que « l’État ne dispose ni d’une répartition sectorielle ou géographique de celles-ci ni même de données précises quant à la nature des actifs financés ». Il s’interroge également sur les investissements, le type de biens financés et leurs contrôles par l’administration fiscale, qui « semblent lacunaires ». L’IGF considère donc comme impératif de fiabiliser les données, « particulièrement celles qui concernent la défiscalisation de plein droit », et préconise que « l’octroi de l’avantage fiscal, y compris s’agissant du plein droit, soit à terme conditionné à la production des justificatifs d’éligibilité sur une plateforme numérique unique, accessible à l‘administration fiscale et co-administrée avec les monteurs en défiscalisation agréés ».

Deuxièmement, relatif à l’effet des dépenses fiscales sur le tissu productif ultramarin, l’IGF souligne que ses analyses économétriques « ne permettent pas d’identifier d’effet significatif au profit des entreprises bénéficiaires de l’aide fiscale. D’autre part, la mission observe que les abus liés à ce dispositif peuvent entraîner des dysfonctionnements de marché et nuire à l’objectif de décarbonation du tissu économique ». Aussi, le rapport suggère notamment de consolider la valeur juridique des avis émis par les services de l’État, s’agissant notamment de l’intérêt économique du projet.

Enfin, l’IGF regrette « la complexité du fonctionnement du RAFIP et la place accordée par les dispositions fiscales aux schémas intermédiés (qui) ont conduit à un recours quasi-systématique aux monteurs en défiscalisation ». Pour ces derniers, il faudrait donc renforcer les contrôles et le cadre réglementaire les encadrant. Le rapport recommande également « de simplifier le droit applicable, en achevant la transition de la réduction d’impôt vers le crédit d’impôt dans les DROM et en réservant le bénéfice de la réduction d’impôts aux entreprises de petite taille ». La mission insiste sur la nécessité d’un ciblage plus efficace des dispositifs ainsi que d’une supervision accrue pour que l’Etat s’assure de la bonne destination des fonds déployés. 

En conclusion, l’IGF formule une série de 16 propositions dont : « Transmettre tous les ans un rapport au Parlement sur la mise en œuvre, les effets et le bilan chiffré des dispositifs fiscaux de soutien à l’investissement productif en Outre-mer ; Renforcer la contribution du RAFIP au verdissement des économies ultramarines en (…) envisageant, pour les projets soumis à agrément, une bonification de l’aide fiscale dès lors que les investissements concourent significativement à la transition écologique ; Réévaluer la compatibilité des schémas de location de biens durables pour les particuliers au regard de la défiscalisation et le cas échéant, envisager de mettre fin à l’éligibilité des chauffe-eaux solaires (86,7 millions d’euros en base 2022), des véhicules de tourisme et des logements touristiques meublés (…) ; et Renforcer les contrôles réalisés dans le cadre des dispositifs de soutien à l’investissement productif en outre-mer et faire du RAFIP un axe de programmation du contrôle fiscal à part entière. »

Lire le rapport : Évaluation du régime d’aide fiscale à l’investissement productif en Outre-mer

PM