Le gouvernement de la Polynésie déclare les antennes Starlink « non conformes » pour interdire leur importation

Le gouvernement de la Polynésie déclare les antennes Starlink « non conformes » pour interdire leur importation

Le Conseil des ministres du gouvernement polynésien a pris ce mercredi un arrêté déclarant non conforme tous les appareils permettant de contourner les opérateurs télécoms officiels Vini, Vodafone et Onati. Cette décision, qui interdit désormais leur importation, fait suite à l’affaire récente d’un particulier qui avait vu son droit d’importer une antenne Starlink reconnu, même si son utilisation est prohibée. Explications de notre partenaire Radio 1 Tahiti.

Le gouvernement a modifié mercredi en conseil des ministres le Code des postes et télécommunications sur « la justification conforme des équipements terminaux de télécommunication », afin d’encadrer davantage et de renforcer les restrictions d’importation de matériel permettant l’accès à Internet via un opérateur non-agréé par le Pays.

Pour ce faire, un nouvel alinéa a été ajouté : « Sont considérés non conformes les équipements terminaux de télécommunications qui fournissent un moyen de contourner directement ou indirectement les prestations assurées par les opérateurs de télécommunication disposant d’une autorisation conformément aux dispositions de l’article LP. 212-1. »

Une mesure pour contrer l’expansion de Starlink

Cette décision cible donc les équipements qui offrent un accès internet sans passer par les trois fournisseurs agréés, Vini, Vodafone ou Onati. Les résidents en Polynésie qui seraient tentés d’importer une antenne Starlink se verront ainsi opposer cette nouvelle disposition par les douanes, qui ont à présent une base légale pour refuser de laisser entrer ce matériel sur le territoire.

Les adhérents au service proposé par la compagnie d’Elon Musk sont de plus en plus nombreux en Polynésie, notamment dans les îles éloignées. Mais faute d’être agréé par le Pays, Starlink ne peut pas opérer légalement en Polynésie. C’est d’ailleurs pourquoi la « carte de disponibilité » sur le site Internet de Starlink, indique que son service serait « en attente de l’approbation réglementaire », « bientôt disponible », peut-être même « à partir de 2026 ».

Une affirmation très discutable, puisque rien n’indique que le Pays, qui veut préserver le monopole de « grossiste » de l’OPT, ait l’intention d’approuver un opérateur de télécommunications « B2C » (qui s’adresse directement au consommateur).

Cette interdiction est donc la conséquence logique de l’affaire du particulier qui s’était vu refuser une autorisation d’importation d’une antenne Starlink en septembre 2024, et qui avait obtenu du tribunal administratif l’annulation de cette décision en juillet de cette année. Une victoire qui ne changeait pas grand-chose puisqu’elle autorisait uniquement l’entrée sur du matériel sur le territoire mais rappelait que sa mise en service était illégale.

La Polynésie qui n’avait jusqu’à lors aucun texte pour réglementer l’importation des antennes satellitaires, un domaine qui est pourtant de sa compétence, vient donc officiellement de combler le vide juridique pointé par le tribunal administratif.

Un fournisseur d’accès qui peut aussi être capricieux

Starlink commence à se plier aux réglementations nationales : en conflit avec l’autorité indépendante sud-africaine depuis deux ans, Starlink a finalement déconnecté en juin les usagers de son service de roaming international en Afrique du Sud, qui comme la Polynésie n’a pas autorisé l’entreprise à opérer sur son territoire.

À noter aussi que l’année dernière Starlink a opéré des hausses de tarif significatives sur ses abonnements dans les régions « à capacité limitée » des États-Unis, et des limitations de débit sur des abonnements « illimités ». En France, l’abonnement illimité de base vient d’augmenter de 23,6% en passant de 72 à 89 euros par mois.

Starlink, que beaucoup de Polynésiens réclament, n’est pas à l’abri de pannes. Jeudi 24 juillet, un problème de logiciel a provoqué une coupure de deux heures et demie, qui a particulièrement affecté les Etats-Unis et l’Europe. Selon le site Downdetector, plus de 60 000 usagers ont signalé des problèmes de connexion.

La constellation de satellites d’Elon Musk n’est pas non plus à l’abri des caprices de son dirigeant. Ainsi, on a appris il y a quelques jours qu’après avoir autorisé l’utilisation « gratuite » (en réalité la Pologne paie 50% des coûts) de Starlink à l’armée ukrainienne en mars 2022, six mois plus tard lors de l’offensive ukrainienne pour reprendre la ville de Kherson et ses environs, Elon Musk avait ordonné à ses ingénieurs de désactiver la couverture de cette région par Starlink, perturbant gravement les opérations militaires. En mars dernier, le patron de Starlink rappelait sur X que sans ses satellites, « toute la ligne de front ukrainien s’effondrerait. »

Nanihi Laroche pour Radio 1 Tahiti