Les membres du Congrès calédonien ont voté en grande majorité, ce mardi 22 octobre, en faveur de la modification de la loi organique qui vise à reporter les élections provinciales d’ici novembre 2025. Une séance où le consensus parmi les élus l’a emporté sur les passes d’armes. Réactions et explications avec notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.
Une nouvelle étape a été franchie, ce mardi 22 octobre, vers le report des élections provinciales. Après la validation par la commission des lois du Sénat, la semaine passée, les membres du Congrès ont à leur tour émis un avis favorable sur ce dossier, qui implique au préalable une modification de la loi organique.
Initialement prévu d’ici le 15 décembre, ce scrutin devrait donc être décalé pour se tenir d’ici novembre 2025. Mais pour être effectif, le sujet doit encore être examiné à Paris en séance publique du Sénat, ce mercredi 23 octobre, puis à l’Assemblée nationale, le 6 novembre. Toujours est-il, les élus calédoniens ont voté en très grande majorité en faveur de ce report (47 voix pour, contre deux abstentions et une opposition) au cours d’une séance où les débats ont été aussi rapides qu’apaisés.
Un report « devenu obligatoire »
C’est la chef de file les Loyalistes qui a ouvert le bal, rappelant que ce groupe n’a pas fait la demande de ce décalage, bien qu’il soit « devenu obligatoire » pour deux raisons. « Parce que la réforme du corps électoral est nécessaire mais aussi parce que les conditions de sécurité ne sont pas garanties », estime Sonia Backès.
« Ce qu’il s’est passé lors des dernières législatives, avec des bureaux de vote fermés, des assesseurs empêchés d’aller sur place, un bulletin de vote unique, etc. Tout cela, nous n’avons aucune garantie que cela ne se reproduise pas actuellement. Nous étions demandeurs initialement du maintien des provinciales au 15 décembre pour évaluer la légitimité de chacun, donc ce report doit être utile », a ajouté la présidente non indépendantiste de la province Sud.
Un appel « solennel » de l’élue Les Loyalistes destiné aux indépendantistes et plus particulièrement aux élus de l’Union calédonienne : « Je leur demande d’arrêter les bilatérales avec l’État et d’arrêter de ne parler que de la pleine souveraineté pour se mettre autour de la table avec tout le monde afin de partager leur vision et la confronter avec celle des autres », assène Sonia Backès, qui étrille également l’État à qui les Loyalistes demandent « d’arrêter de procrastiner » en proposant « des actes » en vue de la reconstruction car « ce n’est qu’à ces conditions que ce report aura du sens ».
« Prendre en compte les erreurs du passé »
De son côté, le groupe Rassemblement estime que cette nouvelle échéance doit inciter la classe politique à « faire preuve de sagesse » afin d’aboutir à un accord que « les Calédoniens méritent ». « Les élus doivent préparer un autre scénario que celui actuel et nous devons être dignes des responsabilités qui nous incombent », glisse Virginie Ruffenach.
Dans les rangs indépendantistes, seul le groupe UNI a pris la parole rappelant que les exactions du 13 mai relèvent « de la responsabilité de tous » et que dans le cadre de la nouvelle phase de négociations que le report doit ouvrir, « nous fassions, les uns et les autres, preuve de courage afin de prendre en compte les erreurs du passé commises par l’État mais aussi par les partenaires calédoniens ».
Son porte-parole Jean-Pierre Djaïwé met ainsi en garde ses collègues : « Pour que les discussions avancent, il faut faire attention à nos propos. Nous sommes dans une période de grandes difficultés, de sauvegarde et de refondation, mais cet avenir ne peut être durable que si l’horizon est porteur de confiance pour les Calédoniens et apaisé afin de construire tous ensemble ».
Un discours qui fait écho à celui de Philippe Michel qui estime se trouver face à un « choix très simple » après « l’extraordinaire catastrophe » du 13 mai : « soit continuer le rapport de force imbécile et stérile qui ne mène nulle part si ce n’est à la ruine du pays et du vivre ensemble ; soit saisir l’opportunité de renouer les fils du dialogue pour donner des perspectives aux Calédoniens », résume le porte-parole de Calédonie ensemble, qui plaide évidemment en faveur du dialogue politique.
« Rupture du contrat de confiance »
En dehors du groupe UC-FLNKS et nationalistes, resté silencieux à ce sujet, c’est le mouvement de l’Éveil océanien qui s’est montré finalement le plus ambivalent, exprimant tout d’abord sa « farouche opposition » au report des provinciales avant de rétropédaler. Vaimu’a Muliava met en avant « l’illégitimité » des élus en place, arguments à l’appui.
« Ce report constitue une rupture du contrat de confiance passé avec les électeurs de 2019 qui nous ont élus pour une période de cinq ans. Or que nous ayons tous échoué, y compris l’État, à trouver un consensus durant ces cinq années doit nous interroger sur notre capacité collective. Sommes-nous encore légitimes pour répondre aux aspirations des Calédoniens ? Permettez-moi d’en douter. Quand les institutions défaillent, la population doit prendre la main et le 13 mai a mis en avant une volonté de renouvellement », martèle l’ancien membre du gouvernement.
Le parti juge néanmoins « responsable » de se ranger à l’avis « unanime et à l’unité » des autres mouvements politiques à ce sujet, afin « d’accompagner favorablement » ce report qui donne « une nouvelle chance d’y arriver ». Mais Vaimu’a Muliava se montre prudent : « si c’est un mensonge de plus, la population nous le rappellera et peut-être de manière encore plus violente que le 13 mai, ce que nous ne souhaitons pas. Ces événements nous obligent à nous regarder différemment. Mieux vaut un mauvais accord qu’une bonne guerre civile ».
La voix dissidente de Sylvain Pabouty
L’élu indépendantiste est le seul à avoir voté contre le report des élections provinciales, prenant ses distances avec le choix du groupe UC-FLNKS et Nationalistes dans lequel il siège afin de livrer sa position « personnelle » sur le sujet. « Pour moi, cela exprime un rapport de force que subissent un certain nombre de Calédoniens, dont le peuple kanak depuis le troisième référendum bidon. Il a fallu treize morts pour se rendre compte de ce passage en force. Ce report contribue à cette méthode ».
Anthony Tejero pour Les Nouvelles Calédoniennes