Après six ans de travail, la demande d'enregistrement du rhum agricole polynésien en tant qu'indication géographique protégée a été déposée ce mardi à la direction de l'agriculture, qui instruira le dossier. Le produit a de bonnes chances d'être le premier en Polynésie à être certifié par ce label reconnaissant le savoir-faire local des acteurs de la filière canne à sucre.
C’est avec la canne à sucre de variété « O Tahiti e » que David Moux, producteur de rhum, a relancé la culture de la plante dans les années 80 sur la terre de ses ancêtres : le domaine de Atimaono, à Papara. Dans un premier temps, pendant 10 ans, il y produit un pur jus de canne. Puis en 1991, il lance la distillerie pour développer le rhum. Sur les 16 variétés de cannes qu’il a choisies, il en sélectionne 5 pour leur qualité.
45 ans après ses débuts, lui et une nouvelle génération de producteurs de rhum polynésien, et plus généralement des professionnels de la filière canne à sucre en Polynésie française, pourraient obtenir un gage de qualité avec l’indication géographique protégée (IGP), une certification -qui serait la première en Polynésie- pour laquelle ils ont déposé une demande à la direction de l’agriculture. Après instruction du dossier, celle-ci donnera sa réponse dans six mois.
« Tout l’intérêt d’une IGP ou d’une appellation d’origine, c’est d’avoir un produit qui suit un processus, qui conduit à avoir une traçabilité, une identité de ce produit, qui ensuite marque pour le consommateur une originalité et la mise en avant d’un terroir, d’une spécificité de la filière », explique le ministre de l’Agriculture, Taivini Teai. « Et c’est justement tout le crédit et le bénéfice que l’on doit rendre à ce syndicat des producteurs de rhum ».
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L’indication géographique protégée, c’est la confirmation que le rhum polynésien respecte un savoir-faire et des normes précises, depuis la récolte jusqu’à la mise en bouteille. Dans les concours internationaux, les experts ne s’y trompent pas. Les rhums polynésiens décrochent régulièrement des médailles, notamment en or, ces dernières années.
Avec l’appellation, le produit bénéficierait d’un pass pour sonder les marchés à l’export. « C’est une étape, la première étape. Pour marcher un escalier, il faut monter les marches petit à petit. C’est une reconnaissance du travail des gens qui ont planté la canne, qui ont fait le rhum », sourit David Moux. En France, le seul rhum IGP est celui produit en Martinique : un label qui a permis à l’île antillaise de développer un tourisme autour du spiritueux, en plus des retombées économiques à l’export.
En Polynésie, les producteurs de rhum agricole œuvrent aussi pour que la filière de la canne à sucre devienne un outil de développement économique, comme ce fut le cas au 19e siècle. Les vestiges de l’ancienne rhumerie à Atimaono viennent d’ailleurs d’être classés comme monuments historiques.
« La pierre angulaire de notre indication géographique, c’est nos vieilles variétés de canne ancestrale, parce que ce sont des variétés qui ont été transportées par nos ancêtres d’île en île, quand ils sont arrivés dans le Pacifique, quand ils sont arrivés en Polynésie. Et ça, on est les seuls à le faire au monde », appuie Marotea Vitrac, président du Syndicat de Défense de l’Indication Géographique Rhum Agricole de Polynésie Française.
À Atimaono, une nouvelle page est en train de s’écrire. On compte désormais 70 hectares de plantations de cannes à sucre en Polynésie, pour une production de 300 000 bouteilles de rhum pur jus de canne par an. Le syndicat des producteurs locaux vise 1 000 hectares pour cette activité agricole.
Thomas Chabrol pour TNTV