Interviewé par nos partenaires d’Actu.nc, le jeune maire de La Foa et fondateur du parti non indépendantiste Générations.nc assure défendre « un idéal calédonien » et « une Calédonie une et indivisible », en évoquant notamment la proposition politique de « prééminence de la collectivité provinciale » du sénateur Pierre Frogier devant le Sénat. Nicolas Metzdorf évoque naturellement le référendum et l’avenir institutionnel de l’archipel, mais aussi des sujets plus sociétaux comme l’égalité femmes-hommes ou encore le développement de sa commune.
Vous êtes le président du 2ème parti loyaliste après l’Avenir en confiance (AEC). Certains qui sont passés dans vos rangs disent que Générations.nc est un parti satellitaire de l’AEC. Vrai ou faux ?
Faux. Je crois que c’est une critique qui émane surtout de notre volonté d’unir les loyalistes pendant la période référendaire. Tous les partis loyalistes, hors Calédonie ensemble, ont créé une structure supra, « Les Loyalistes », où chaque parti non-indépendantiste est représenté. C’est vrai que l’AEC avait déjà regroupé pas mal de partis non-indépendantistes comme les Républicains calédoniens de Sonia Backes, le Rassemblement de Thierry Santa, le MPC de Gil Brial... et c’est vrai que beaucoup de partis de l’AEC font partie des Loyalistes. Quand nous on rejoint les Loyalistes, ça peut apparaitre comme une alliance avec l’AEC, mais en fait c’est juste qu’on rejoint le regroupement de l’ensemble des partis qui prônent le non au référendum. Et chez Générations.nc, nous gardons bien sûr notre autonomie de vote et de pensée à la province et au Congrès.
Que pensez-vous du récent discours de Pierre Frogier qui s’intitule « Sachons négocier un désaccord » et qui évoque la proposition institutionnelle de l’hyper-provincialisation ? Êtes-vous en phase avec cette idée ?
Non, nous ne sommes pas en phase avec cela. Générations.nc est un parti calédonien, on l’a affirmé même si on est non-indépendantistes et attachés à la République française. En cela, on défend un idéal calédonien, une Calédonie une et indivisible où on essaie de construire cette unité calédonienne, qui même si elle bafouille un peu avec la succession de référendums, reste pour nous l’idéal à atteindre en tant que résidents de ce pays. Donc on ne peut pas être philosophiquement d’accord avec une vision qui consisterait à dire que les Calédoniens ne sont pas compatibles entre eux. Pour nous, il y a une force qui vient dépasser cela, qui est le fait d’habiter sur cette île, de vivre cette île et de vouloir son bien. Je pense qu’il y a aussi une partie d’aveu d’impuissance de la part d’une classe politique qui a échoué dans le fait de construire cet idéal calédonien, cette unité calédonienne. Nous, on est jeunes et on a beaucoup d’espoir dans le fait de pouvoir réussir.
Espoir ou illusion morte ?
Quand on fait de la politique, on se bat tous pour des idéaux, et pour nous, l’idéal, c’est de bâtir une Calédonie unie, fraternelle qui un jour dépassera cette question clivante de l’indépendance ou pas. Un jour, il faudra bien passer à autre chose. On ne va pas vivre éternellement avec cette question, et la sortie de l’Accord sera l’occasion de solder la question institutionnelle et de pouvoir faire avancer notre pays définitivement dans le 21e siècle. Ce n’est pas une illusion pour nous, c’est un vrai combat de fond, et on ne peut pas empêcher la jeunesse calédonienne d’y croire.
Pour vous, le destin commun n’est donc pas mort ?
Non au contraire. Je suis maire de la Foa, et le destin commun, on le vit au quotidien à la Foa. Le destin commun est compliqué car il y a un clivage profond dans notre société entre les Kanak qui majoritairement veulent l’indépendance et les non-Kanak qui veulent rester français. Pour autant, doit-on en déduire qu’on n’y arrivera jamais et qu’il faut baisser les bras ? On dit non. Il y a un gros clivage qui est conjoncturel car on l’a voulu ainsi. Mais il n’est pas structurel. Et un jour, dans ce pays, ce clivage ne sera plus ce qui nous identifie en premier lieu. On ne dira pas qu’on est d’abord indépendantiste ou loyaliste. Ou qu’on est Kanak ou non-Kanak. Il faudra qu’on puisse dire qu’on est Calédonien.
Qu’attendez-vous du rendez-vous qui rassemblera les principaux responsables politiques calédoniens à Paris du 23 mai au 5 juin, à l’initiative du Premier ministre Jean Castex. Quel projet allez-vous porter ?
On va apporter notre vision de Générations.nc, celle d’une Nouvelle-Calédonie unie, qui a envie de sortir rapidement de cette impasse institutionnelle qui plombe le vivre ensemble, le développement économique et tout simplement le moral des Calédoniens. On a tous voulu essayer d’éviter ce 3e référendum binaire, les indépendantistes ont l’air de vouloir y aller, donc on dit « allons-y le plus rapidement possible » pour entamer la phase de discussion prévue par l’Accord de Nouméa après le 3e référendum, pour qu’on trouve une solution rapidement et qu’on passe à autre chose.
Vous préconisez donc la tenue du référendum avant la fin de cette année ?
Oui car on est dans cette phase référendaire depuis 2018 et même plus en amont avec la préparation du 1er référendum. Cela va faire 3 ans voire 4 ans qu’on a mis le pays sous cloche avec cette question institutionnelle. A un moment donné, il faut enlever la cloche, c’est-à-dire évacuer le 3e référendum. Quel que soit le résultat, de toute façon, il faudra qu’on discute car jamais aucun camp ne l’acceptera en l’état. Il faudra trouver une solution intelligente, innovante... Et réfléchir à comment on peut continuer de construire la Nouvelle-Calédonie d’après. Pour arriver à cette étape, qui est la plus importante, il faut rapidement aller au 3e référendum.
Pensez-vous que les indépendantistes soient d’accord pour discuter quel que soit le résultat du 3e référendum ?
Ce qui est intéressant, c’est qu’ils ne refusent jamais la discussion. Ils ont des positions fermes, dures, mais ils sont toujours là autour de la table. L’important c’est qu’ils viennent, qu’on discute et on verra. On est sorti de beaucoup de conflits par la discussion en Nouvelle-Calédonie. Récemment, le dossier de l’usine du Sud a démontré que des positions antagonistes pouvaient devenir une position commune. On est jeunes, on y croit. Il faut y aller, mettre les arguments sur la table et trouver des compromis, je suis sûr qu’on peut y arriver.
La quatorzaine va être réduite à une septaine pour les vaccinés. Que vous inspire cette décision ?
Elle est très bonne. Pourquoi une septaine ? Il faudrait peut-être même diminuer cette durée, mais c’est bien de commencer par cela. On sait tous que la sortie de crise du coronavirus passe par la vaccination d’une majeure partie de la population. Pour vacciner un maximum de monde et convaincre les plus récalcitrants, il faut démontrer que le vaccin apporte un plus aux Calédoniens. Il était important de faire un geste pour les vaccinés. C’est une très bonne décision du gouvernement.
Egalité hommes-femmes, approvisionnement aérien, sécurité au Mont Dore... vous êtes sur tous les fronts. Quel est votre fil rouge à Générations.nc ?
L’intérêt général. On intervient sur tous les sujets quand on estime que ça ne va pas dans le bon sens et qu’il faut prendre position. Nous sommes sur tous les fronts.
A propos d’égalité hommes-femmes, vous militez en faveur d’un congé partagé entre père et mère à la naissance d’un enfant...
Les femmes prennent une place croissante dans la vie professionnelle. Par conséquent, le père passe plus de temps au foyer et participe maintenant autant à l’éducation que la mère. Il faut aider l’homme à s’investir davantage dans le foyer en rééquilibrant les congés maternité et paternité.
Aujourd’hui, le père a le droit à seulement 2 jours de congé paternité contre 3 mois pour les mères.
Je l’ai vécu récemment et c’est une catastrophe. En tant que père, on n’a pas le temps de profiter de son enfant. Alors que si la mère a envie de reprendre le travail et que le père préfère rester à la maison, il faut être en capacité de le faire. Le congé paternité si réduit par rapport au congé maternité, c’est aussi le reflet d’une société patriarcale contre laquelle il faut lutter. Chez Générations.nc, on veut mettre l’accent sur la place de la femme dans le monde du travail, qui n’est pas assez reconnue. Pour Générations.nc, qui est un parti progressiste, moderne et jeune, il est normal qu’on soit tous égaux devant la société qu’on soit noir, blanc, femme, homo ou hétéro...
Vous avez été élu maire de la Foa en juin dernier, fief de Calédonie ensemble depuis plusieurs dizaines d’années. Comment vos premiers mois se déroulent-ils au sein de la commune ?
Ça se passe très bien, la Foa est une commune magnifique et extraordinaire, où les gens sont sympathiques et accueillants. J’ai à faire à une population respectueuse et engagée dans la construction. Je n’ai jamais de rapports de force avec les citoyens. On essaie d’avancer ensemble sur tous les sujets, et c’est vraiment une commune exceptionnelle pour cela.
Et au sein du conseil municipal ?
Nous sommes en ordre de marche, nous avons notre nouvelle secrétaire générale, les effectifs sont remplis. Cela fait maintenant 10 mois qu’on est en place et qu’on s’applique à mettre en œuvre notre programme.
On vous a notamment vu proposer des terrains à bas prix pour inciter les entrepreneurs à s’installer dans la commune. Et maintenant, vous soutenez la création d’une nouvelle galerie commerciale. Ça bouge à la Foa !
Il faut bouger car quand on stagne, on n’avance pas, les autres se développent et donc on régresse. L’idée pour moi est de maintenir la Foa à la place de la commune la plus belle et la plus dynamique de brousse. Pour cela, il faut innover sans cesse. C’est ainsi qu’avec l’équipe municipale nous avons décidé de louer ou vendre nos terrains communaux pour faire venir des investisseurs. Et aujourd’hui un groupe envisage d’investir dans une galerie commerciale à la Foa. Investir 1,5 milliard et créer une centaine d’emplois à la veille du 3e référendum, c’est inespéré pour une petite commune de brousse comme la nôtre ! Toutes les communes de brousse voudraient vivre un pareil investissement. J’espère que ce projet se réalisera, bien sûr en partenariat avec tous les acteurs économiques de la commune : les commerçants déjà installés, les consommateurs, les coutumiers, les élus...
Un tel projet... N’est-ce pas la folie des grandeurs pour une si petite commune ?
Ce n’est pas de l’argent public qui est mis sur la table. C’est de l’argent privé, donc si les privés estiment qu’ils ont la capacité à investir et qu’ils auront le retour sur investissement, ce n’est pas moi qui vais les bloquer !
Propos recueillis par Béryl Ziegler pour Actu.nc