Il y a 25 ans, l'accord de Nouméa offre un nouvel avenir à la Nouvelle-Calédonie

Au premier plan : Roch Wamytan (actuel président du Congrès et membre de l'UC), Lionel Jospin et Jacques Lafleur. Derrière : Alain Christnacht et Thierry Lataste ©DR

Il y a 25 ans, l'accord de Nouméa offre un nouvel avenir à la Nouvelle-Calédonie

Quand l'accord de Nouméa scelle le processus de décolonisation de la Nouvelle-Calédonie, le 5 mai 1998, l'archipel s’offre 20 années supplémentaires d'émancipation entamées en 1988 par l’accord de Matignon.

Tous les Calédoniens ont en mémoire les tensions des années 80 dans cet archipel du Pacifique sud, français depuis 1853, illustrées par le boycott actif des élections territoriales par les indépendantistes kanaks du FLNKS, le 18 novembre 1984. 

Le 22 avril 1988, des indépendantistes attaquent la gendarmerie de Fayaoué, chef-lieu de la commune d'Ouvéa, tuent quatre gendarmes et en prennent 27 autres en otage. Stupeur à Paris. Bernard Pons, ministre des DOM-TOM, se rend à Nouméa avec un renfort de gendarmes et d'unités d'élite qui procèdent à des interrogatoires musclés dans les tribus pour savoir où ont été emmenés les otages.

Douze gendarmes sont relâchés, mais le 27 avril Philippe Legorjus, chef du GIGN, ainsi que six militaires et un magistrat sont à leur tour faits prisonniers dans la grotte de Gossanah, au nord d'Ouvéa. A trois jours du second tour de l'élection présidentielle, Paris opte pour la manière forte. L'opération militaire « Victor » permet la libération des otages, sains et saufs, mais au prix d'un bain de sang : 2 militaires et 19 Kanaks sont tués ce jour-là, certains exécutés d'une balle dans la tête.

A Paris, le président François Mitterrand déplore un « bilan douloureux », tandis que le Premier ministre Jacques Chirac adresse ses « chaleureuses félicitations » à l'armée. Pour nombre d'observateurs, le drame d'Ouvéa a contribué à la défaite de Jacques Chirac, le 8 mai, face à François Mitterrand.

Trois référendums

Moins de deux mois après, le 26 juin 1988, les accords tripartites dits « de Matignon » sont conclus non sans mal entre Jean-Marie Tjibaou, président du FLNKS, Jacques Lafleur (RPCR, anti-indépendantiste) et le nouveau Premier ministre Michel Rocard. Ces accords, ratifiés par les Français lors d'un référendum en novembre 1988, créent trois provinces (Nord, Sud, Îles Loyauté) et prévoient l'organisation d'un scrutin d'autodétermination en Nouvelle-Calédonie dans les dix ans.

Mais le 4 mai 1989, nouveau drame, Jean-Marie Tjibaou et Yeiwéné Yeiwéné, autre figure du FLNKS, sont tués par le Kanak Djubelly Wéa, qui ne leur a pas pardonné ces accords. Près de dix ans plus tard, le 5 mai 1998, l'accord de Nouméa, sous l'égide de Lionel Jospin, instaure un processus de décolonisation sur vingt ans. Ce texte fondateur et inscrit dans la Constitution, conclu entre l'État, les anti-indépendantistes et les indépendantistes kanaks, puis ratifié à 72% par les Calédoniens, organise l'émancipation progressive de l'archipel.

En 2009, un projet de loi enclenche les transferts de compétences de l'État à la Nouvelle-Calédonie (2011 pour les affaires de police, 2012 pour l'organisation scolaire, ou 2013 pour le droit civil et commercial). Ensuite, conformément à l'accord de Nouméa, un référendum est organisé le 4 novembre 2018, il débouche sur une victoire du « non » à l'indépendance (56,7%), malgré une forte percée des indépendantistes.

Ces derniers demandent une nouvelle consultation, l'accord de Nouméa autorisant un deuxième, voire un troisième référendum s'ils représentent au moins un tiers des élus du Congrès. Le 4 octobre 2020, le non l'emporte à seulement 53,2% des voix. Lors du troisième référendum, le 12 décembre 2021, il obtient plus de 96% des voix, mais l'abstention dépasse les 50%, les indépendantistes ayant demandé en vain un report du scrutin à cause de la pandémie de Covid-19. Ils contestent la légitimité du résultat et exigent un nouveau référendum d'ici 2024.

En avril 2023, le FLNKS accepte une rencontre à Paris avec la première ministre Élisabeth Borne, qui veut relancer le dialogue sur l'avenir institutionnel de l'archipel. Mais après 25 ans de processus de décolonisation, d’autodétermination et de construction d’un destin commun, les positions indépendantistes et non indépendantistes semblent s’être cristallisées par les trois référendums d’indépendance.

L’accord est en outre remis en cause par une partie des non indépendantistes, l’estimant politiquement terminé et réclamant sa sortie institutionnelle -l’accord régissant toujours l’archipel à travers un titre transitoire de la Constitution-. Universitaires et constitutionnalistes rappellent toutefois la valeur juridique de l’accord toujours en vigueur.

Avec AFP.