Essais nucléaires en Polynésie : Plusieurs milliers de manifestants à Papeete avant la visite d’Emmanuel Macron

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Essais nucléaires en Polynésie : Plusieurs milliers de manifestants à Papeete avant la visite d’Emmanuel Macron

Plusieurs milliers de personnes ont manifesté ce samedi 17 juillet à Papeete, sur l'île de Tahiti, pour réclamer que la France reconnaisse sa « faute » dans les essais nucléaires menés en Polynésie française pendant trente ans, une mobilisation qui intervient une semaine avant la visite officielle d'Emmanuel Macron.

Quelque 2 000 personnes, selon la police -le triple, selon les organisateurs-, ont défilé samedi à l'appel du chef indépendantiste Oscar Temaru. Cette manifestation à Tahiti (180 000 habitants) était prévue avant l'annonce du déplacement du chef de l'État du 24 au 28 juillet. Il se sait très attendu sur la question du nucléaire. « Il ne va pas venir ici en terre tranquille » a prévenu le père Auguste Uebe-Carlson, président de l’association 193, en référence aux 193 essais français effectués en Polynésie.

Geneviève Darrieussecq, ministre chargée de la Mémoire et des Anciens combattants, a écarté début juillet l'hypothèse d'une demande de pardon de la France qui est pourtant attendue par les indépendantistes, les associations anti-nucléaire et l'Église protestante Ma'ohi. « La Polynésie française a grandement contribué à la construction de notre force de dissuasion et il convient d'assumer toutes les conséquences, humaines, sociétales, sanitaires, environnementales et économiques », avait-elle déclaré à l'issue d'une table ronde de deux jours à Paris sur les conséquences des 193 essais nucléaires entre 1966 et 1996 en Polynésie française.

Ce rendez-vous, proposé par le président de la République à la demande du président de la Polynésie au lendemain de la publication de l’enquête Toxique, a été boycotté par les ténors de l'opposition au nucléaire. « Pour l’instant on n’a eu des effets d’annonce, de la pure communication. Il sait ce que nous attendons, et jusqu’ici la France ne nous a répondu que par du dédain, de l’arrogance et du mépris » a déclaré le président de l’association Moruroa e Tatou, qui vient en aide aux victimes des essais nucléaires.

« Les essais ont provoqué des dizaines de milliers de morts et il ne demanderait pas pardon ? », s'est indigné samedi le député indépendantiste Moetai Brotherson lors de la manifestation. « C'est un minimum mais ne ce ne sera pas un solde de tout compte ». Le père Auguste Carlson, en tête de cortège au côté d'Oscar Temaru, a expliqué qu'il s'agissait d' « un pays détruit par l'État français, qui se lève parce que les essais nucléaires sont un drame ». 

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Pour Oscar Temaru, qui a déposé plainte contre la France en 2018 pour crime contre l'humanité, « toute la population va pouvoir déposer plainte au tribunal international de La Haye parce que le rapport ‘Toxique’ rappelle que plus de 100 000 personnes ont été contaminées par l'essai Centaure » du 17 juillet 1974. La France a procédé à des essais nucléaires sur les atolls de Moruroa et de Fangataufa, d'abord atmosphériques, puis souterrains. Paris s'est notamment engagé à faciliter l'accès aux archives et à mieux indemniser les victimes.

Cette manifestation des anti-nucléaires historiques en Polynésie est la 2ème du mois, après la traditionnelle commémoration du premier essai en Polynésie, le 2 juillet dernier, qui avait déjà rassemblé près de 3 000 manifestants, parmi lesquels l’ancien président de la Collectivité d’Outre-mer, Gaston Flosse, qui avait défendu ces essais, s’estimant aujourd’hui « lui aussi trompé ».

« Les mensonges d’État continuent, jusqu’à aujourd’hui. C’est inadmissible. Je suis sûr que la majorité du peuple français nous soutient aujourd’hui. La France a été informée » a encore déclaré Oscar Temaru, fondateur du parti indépendantiste Tavini Huira’atira, qui milite contre ces essais depuis les années 70. Le but de ce rassemblement organisé un 17 juillet, date anniversaire du tir Centaure : éveiller les consciences sur le fait nucléaire, précise nos partenaires de TNTV. 

Mais les organisateurs auraient aimé mobiliser plus de monde. Sensibiliser sur ce sujet au-delà des militants anti-nucléaire reste toujours difficile : « La difficulté, c’est que c’est un sujet éminemment politique : le message passe difficilement auprès des jeunes », estime Steve Chailloux, jeune cadre du Tavini Huiraatira.

Avec AFP.