Parmi les femmes qui viennent accoucher au Centre hospitalier de Polynésie française (CHPF), une sur trois est positive au Covid-19. La moitié d’entre elles n’ont aucun symptôme ; mais d’autres ont développé des formes graves. Les médecins rappellent que les femmes enceintes présentent un déficit immunitaire normal et les encouragent donc à se faire vacciner pour mieux se protéger. Un reportage de notre partenaire TNTV.
Taina* a 42 ans. Cette maman originaire de l’île de Moorea, proche voisine de Tahiti, a accouché trois jours plus tôt de son huitième enfant. Et elle est positive à la Covid-19. Aucun symptôme pour elle, ni pour son bébé… mais tout de même des conséquences : elle n’a pu recevoir aucune visite, et ne pourra voir personne de sa famille pendant 15 jours. Elle ne pourra pas non plus récupérer le placenta de son bébé pour l’enterrer sur son île, comme le veut la tradition.
« J’ai enterré tous mes placentas, sauf celui-là à cause de la Covid. Normalement, c’est une culture chez nous de planter le placenta parce que le placenta, on doit toujours le remettre au fenua (à la terre, ndlr). […] Pour moi, c’est comme si lui, il n’est pas né sur le fenua** (la terre natale, ndlr). C’est un peu triste ». Mais ses ennuis peuvent paraître secondaires : d’autres femmes développent des formes graves dues au Covid-19.
L’une d’entre elles, originaire de Mataiva, un atoll de l’archipel des Tuamotu, et âgée de 17 ans, sort tout juste de réanimation. Elle y a passé une semaine, inconsciente, et bien sûr sans son bébé. La mère de la jeune femme témoigne : « j’ai ressenti de la culpabilité, parce que forcément ça ne pouvait qu’être de nous qu’elle a reçu cette maladie […]. Je regrette qu’elle n’ait pas été vaccinée. Peut-être qu’il y aurait eu moins de conséquences sur elle ».
Plus de risques de complications chez les femmes enceintes atteintes du Covid-19, une réalité selon le Dr. Stéphane Sauget, chef de service de la maternité du CHPF : « on sait qu’il y a deux à trois fois plus de complications obstétricales, de retards de croissance, de prématurités induites, de souffrance fœtale aiguë ou de complications maternelles sévères. Il y a 22 fois plus de mortalité maternelle pendant la grossesse avec la Covid ». Il indique qu’une dizaine de césariennes ont été opérées « sur des patientes qui avaient une pneumonie sévère, avec nécessité d’oxygène […]. On a dû césariser en urgence, parfois de façon prématurée, à 6, 7 ou 8 mois de grossesse ».
« On a eu trois morts fœtales récemment. C’est en cours d’investigation, on ne sait pas encore si c’est la Covid qui est vraiment responsable de ça », a-t-il ajouté. « Souvent les femmes enceintes, parce qu’elles sont jeunes et en général en bonne santé, ne s’imaginent pas être à risque. Et en fait, c’est faux, parce que pendant la grossesse, il y a un déficit immunitaire normal qui fait qu’elles sont plus sensibles justement à faire des infections graves et à faire des complications de ces infections virales », explique encore Dr. Stéphane Sauget.
Pour éviter de contracter des formes graves, il invite les femmes enceintes à se faire vacciner contre le Covid. « On peut vacciner les femmes enceintes quel que soit le terme de la grossesse […]. Dans notre population, on a eu aucune complication due à la vaccination chez les femmes enceintes. […] Toutes les formes graves qu’on a eu pendant la grossesse ou à l’accouchement, c’était uniquement sur des femmes enceintes non vaccinées », affirme le chef de service.
Médecins et sages-femmes recommandent aussi de ne pas interrompre le suivi pendant la grossesse. Certaines femmes ont peur de venir à l’hôpital pendant l’épidémie, mais le CHPF a délimité son service obstétrique en une zone Covid et une zone non-Covid : le risque est donc extrêmement limité. Le Stéphane Sauget se veut rassurant : « c’est important de ne pas sacrifier le suivi de sa grossesse, de continuer à aller voir son médecin, son obstétricien, sa sage-femme, son médecin généraliste. N’ayez pas peur de venir à l’hôpital, on est très bien organisés maintenant ».
Mere Teato, Mike Leyral et Oriano Tefau pour TNTV.
*Nom d’emprunt.
** En langue tahitienne, le fenua a un sens à la fois littéral et un sens figuré. Il renvoie à la terre, la propriété, le domaine, le pays, l’île, la terre nourricière ou la terre natale. Par exemple, « France » se dit en tahitien « Fenua Farani », et « presqu’île » se dira « fenua tu’ati ». En Polynésie, il est également coutume d’enterrer le placenta des nouveau-nés dans la terre, le fenua, de préférence, la terre familiale. Certaines familles plantent également un arbre là où le placenta a été enterré.